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Quotient électoral : le PJD s’isole et se rebelle contre la Cour constitutionnelle

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Le quotient électoral sera dorénavant calculé sur la base des inscrits aux listes électorales au lieu de celui des votants. Telle est la décision prononcée vendredi dernier par la Cour constitutionnelle, et ce, malgré la bataille livrée par le Parti de la justice et du développement (PJD). Peu après la décision de la Cour constitutionnelle, Saad Dine El Otmani et l’organe exécutif de son parti ont souligné que leur positionnement demeure inchangé face à ce qu’ils qualifient de «tentative de régression et de contournement de la volonté populaire».

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Vendredi 9 avril, la Cour constitutionnelle a évalué la constitutionnalité de trois lois organiques modifiant les dispositions relatives aux lois organiques relatives à la Chambre des représentants, à la Chambre des conseillers et à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales. Ces textes, qui ont été récemment adoptés par le Parlement en session extraordinaire, ont été validés. Notons que l’objectif de l’introduction de ces amendements est de renforcer les mesures de moralisation de la campagne électorale menée par les candidats ainsi que d’y apporter la transparence nécessaire afin de garantir une concurrence loyale et saine.

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Cette décision très attendue approuve ainsi la modification du calcul du quotient électoral, qui fait partie des questions ayant suscité le débat à l’occasion de l’examen de ces textes. La Cour constitutionnelle a souligné que puisque la Constitution marocaine ne prévoit aucune règle fixant les modalités de calcul du quotient électoral, le législateur prend le soin de trancher ce sujet. La nouvelle loi n’étantpasen contradiction avec la Constitution, le quotient électoral sera donc calculé sur la base des inscrits aux listes électorales. Ce nouveau quotient permet de réaliser une représentativité élargie des électeurs au titre des circonscriptions locales, estime la haute juridiction. Les non votants auront désormais un impactsur la répartition des sièges, au même titre que les votes blancs auparavant.

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Dans le même sens, la haute juridiction fait observer que la Loi fondamentale stipule que le système électoral relatif à la Chambre des représentants (article 62) et aux collectivités territoriales (146), incluant les modalités de distribution des sièges, est fixé par une loi organique. Aux côtés de la loi organique N° 07.21 modifiant et complétant la loi organique N° 29.11 relative aux partis politiques, ces trois textes constituent le nouveau dispositif électoral, adopté en prévision des prochaines échéances, conclut la cour.

Un coup dur pour le PJD

Cette décision a fait grincer ducôtédu Parti justice et développement (PJD), qui avait contesté la validité de ces textes et avait déposé un recours à la mi-mars, quelques heures seulement après leur adoption.

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La réaction du parti de la lampe ne s’est pas fait attendre. Dans un communiquédiffusé, dans l’après-midi de ce samedi 10 avril, sur le site officiel du PJD, le secrétariat général du parti a affirmé «avoir accueilli, avec grand mécontentement, la décision de la Cour constitutionnelle, en prévision des prochaines échéances électorales». En rappelant «le rôle principal»que joue cette institution«dans la stabilité de l’environnement constitutionnel et juridique dans notre pays», le camp a implicitement critiqué la Cour. Ainsi, l’organe exécutif du parti s’oppose à la décision de la Cour constitutionnelle, à laquelle il a eu recours il y a près d’un mois pour faire annuler l’amendement controversé, ajoutant que son verdict validant ce quotient électoral est «anti-démocratique». Pour les dirigeants du parti, la proposition d’amendement du quotient électoral, déposée par les trois partis politiques de l’opposition (le Parti authenticité et modernité (PAM), l’Istiqlal et le Parti du progrès et du socialisme (PPS)), et soutenue par le Rassemblement national des indépendants (RNI), le Mouvement populaire, l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et l’Union constitutionnelle (UC), constitue une «tentative de régression et de contournement de la volonté populaire». «Ce nouveau quotient place sur le même pied d’égalité les votants et ceux qui boycottent les urnes sachant que les deux parties vont contribuer effectivement à fournir la décision électorale finale», lit-on dans le communiqué du PJD. «C’est une option qui met en cause la légitimité des élections et va à l’encontre du choix démocratique», a martelé le PJD.

Peu avant la publication de ce communiqué, Saad Dine El Otmani, Chef du gouvernement, a repris la même position lors de l’ouverture d’une réunion de la jeunesse du parti, rapporte le quotidien arabophone Assabah dans son édition de ce lundi 12 avril. Pour le Chef de l’exécutif, ce nouveau quotient électoral est «inacceptable», indique le journal, soulignant que le PJD ne s’oppose pas seulement à la nouvelle méthode du calcul du quotient électoral, mais également à la décision de supprimer le seuil électoral. Dans ce sens, le parti estime que l’abolition du seuil électoral «est un danger» pour les institutions dans le sens où il «favorise la balkanisation de la carte politique». En conséquence, il serait très difficile de dégager une majorité dans chacune des instances dirigeantes des collectivités territoriales, explique le quotidien.

Le parti de la lampe mobilise ses troupes

À l’approche de chaque échéance, c’est une tradition. Dans la perspective de sa participation aux futures élections, le PJD discute et propose des amendements relatifs aux deux procédures de sélection des candidats. En effet, le weekend dernier, après des mois de consultations internes et de préparation rigoureuse, le parti a réuni son Conseil national extraordinaire pour mettre en place les procédures à suivre pour sélectionner les candidats aux prochaines échéances électorales. Le parti d’El Otmani s’intéresse au protocole de sélection des futurs candidats qui entreront en lice lors des élections législatives et communales ainsi qu’à la procédure de désignation des candidats qui devront participer aux élections professionnelles. À l’issue de cette session extraordinaire, la compétence d’accréditation a subi une révision intégrale. En effet, il a été décidé d’opter pour la sélection des candidats pour les échéances électorales en deux temps. Concrètement, les candidats qui vont représenter le parti aux futures élections seront d’abord pré-sélectionnés. Ensuite, des accréditations seront accordées à ces candidats à travers des commissions et des instances qui seront définies sur le plan régional, provincial et national.

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Grâce à cette nouvelle procédure, le Secrétariat général se trouve doté de larges pouvoirs, commente le journal Quid. «Le Secrétariat général, désormais les coudées franches, se trouve investi du pouvoir absolu de modifier les résultats des instances régionales de candidatures et d’opérer autant qu’il le jugerait utile un reclassement des candidatures sur la liste», explique le journal. Et d’ajouter que «le prétexte est que le nouveau quotient électoral impose de substituer à la souplesse [des nominations],la bureaucratie du Secrétariat général en matière d’accréditation». L’objectif est de garantir les chances des «piliers du parti» de remporter des sièges lors des prochaines échéances électorales.

Un PJD morcelé

Le parti ira aux élections avec une unité de façade, mais il est tellement divisé que plusieurs motions ont donné lieu à des affrontements acharnés. La validation par la Cour constitutionnelle de ce quotient électoral intervient dans une période profondément sensible pour le parti. Pour la plupart des observateurs de la scène politique marocaine, l’opposition viscérale du parti à ce projet de loi est l’une des nombreuses luttes que ses dirigeants en difficulté mènent pour leur survie politique. En plus de la bataille qu’il mène pour conserver sa majorité parlementaire lors des élections de cette année, le parti se bat durement pour rester politiquement pertinent dans les années et décennies à venir. Toutefois, en déclarant que la validation du nouveau quotient électoral est «anti-démocratique», le PJD s’engage dans un raisonnement jugé «absurde» par des observateurs de la scène politique. Ces derniers estiment que le parti s’isole de plus en plus et rompt un consensus qu’il est censé défendre.

L’une des raisons d’une évaluation aussi sombre de la situation actuelle du parti — et de son avenir — est les divisions idéologiques de grandes envergures dont il a été le théâtre ces derniers mois. Depuis décembre 2020, le mois où le Maroc a annoncé la normalisation de ses relations diplomatiques avec Israël, un certain nombre de voix dissidentes du parti ont vivement critiqué cette décision. Certains membresont même exhorté Saad Dine El Otmani à démissionner de ses deux postes.

Lire aussi :Maroc-Israël : la signature d’El Otmani provoque une crise au sein du PJD

Plus récemment, le débat sur la légalisation du cannabis a approfondi les querelles internes que la normalisationavait déterrées. En effet, Abdelilah Benkirane, ancien Chef de gouvernement, a annoncé le gel de son adhésion au parti. Benkirane, connu pour être le porte-parole de l’aile conservatrice du PJD, s’oppose au soutien de son parti à la légalisation du cannabis, qu’il avait jugé«inappropriéeavec l’idéologie»du camp.

Lire aussi :Le projet de loi sur la légalisation du cannabis adopté, Benkirane démissionne

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