Illustration du dossier sur les enjeux du Sahara avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche © LeBrief
Reconnaissance américaine, plan d’autonomie, inscription du Polisario sur la liste des organisations terroristes, rôle de l’Algérie et pressions militaires, Professeur Nabil Adel détaille une marche à suivre sans ambiguïté pour faire avancer la cause nationale. Il plaide pour une stratégie offensive, avec des délais clairs et des leviers multiples, afin de mettre fin au statu quo.
– Le Brief : Professeur, dans une précédente interview accordée à Le Brief, vous insistiez sur l’importance de sceller le dossier du Sahara avant la fin du second mandat de Trump. L’accélération récente des événements semble accréditer votre thèse. Sur quoi appuyez-vous votre analyse ?
– Pr. Nabil Adel : Mon analyse s’appuie sur l’opportunité historique que représente la personnalité de Donald Trump pour nous. Il s’agit d’un président atypique, au vrai sens du terme. Il adopte une approche non conventionnelle de la politique étrangère. Contrairement à ses prédécesseurs, il n’est pas issu de l’establishment politique de Washington : il n’a jamais été sénateur, gouverneur, ni membre du Congrès. Ce parcours « hors système » lui permet de prendre des décisions en dehors du carcan traditionnel de la diplomatie américaine. Il fait fi des équilibres internes qui rythment la politique étrangère de l’Oncle Sam, notamment la balance subtile que doit maintenir tout locataire de la Maison-Blanche entre le département d’État (Affaires étrangères) et le Pentagone (Défense), entre les intérêts de Wall Street (parti de la paix) et le complexe militaro-industriel (parti de la guerre).
L’une des décisions les plus marquantes de son premier mandat a été la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Ce geste est tout simplement inconcevable sous un autre président. Cette décision audacieuse a non seulement accéléré la résolution du problème, mais l’a aussi affranchi des grilles usuelles de la diplomatie américaine. Ainsi, quelques semaines avant la fin de son premier mandat, il choqua le monde par sa reconnaissance de la marocanité du Sahara. La transition vers l’administration Biden a considérablement ralenti ce processus et l’a replongé dans le statu quo des rouages de la bureaucratie américaine, avec un « ni, ni » tacite : « Ni retour sur la décision de Trump, ni avancée dans le dossier ». Aujourd’hui, et moins de 100 jours après le début de son second mandat, Trump a de nouveau donné un fort coup d’accélérateur aux événements, en forçant la main aux protagonistes pour qu’ils avancent rapidement dans les négociations, dans le cadre unique du plan d’autonomie. C’est la raison pour laquelle, si notre diplomatie ne saisit pas ce momentum, le dossier peut de nouveau se perdre pendant longtemps dans les méandres des rapports de force entre grandes puissances.
– Le Brief : Mais l’Algérie semble déterminée à ralentir le processus…
– Pr. Nabil Adel : L’attitude de l’Algérie sur ce dossier est compréhensible, compte tenu de ses intérêts géopolitiques et géostratégiques. En effet, ce pays a investi dans ce dossier environ 500 milliards de dollars. Il ne s’agit pas simplement d’un investissement financier, mais aussi politique (création d’un ennemi extérieur) et diplomatique. Sur ce dernier point, l’objectif du régime algérien était de s’affirmer comme leader dans la région, ce qui passerait, selon ses idéologues – dont un certain Mohamed Médiane –, par l’affaiblissement du puissant concurrent marocain. Le soutien à « l’autodétermination du peuple sahraoui » est le seul dossier de la politique extérieure de l’Algérie. Elle n’est pas prête, après 50 ans, à le classer simplement parmi les pertes et profits.
Toutefois, avec la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, et l’acceptation du plan marocain d’autonomie comme solution unique par un nombre croissant de pays – et non des moindres –, l’Algérie se trouve dans une impasse stratégique. En effet, non seulement cette évolution remet en cause ses rêves de leadership régional et engloutit des décennies d’efforts financiers et diplomatiques, mais elle créerait également un problème qui menacerait sa sécurité interne : que faire des non-Marocains de Tindouf que le Royaume refuse d’accueillir ? Cette population, encadrée par une milice armée, ne connaît pas d’autre pays que l’Algérie. Si le Maroc refuse de les accueillir, l’Algérie devra trouver des arguments solides pour expliquer à ces gens qu’ils ont perdu 50 ans de leur vie derrière une chimère, entretenue savamment par le régime militaire qui les a utilisés « comme un mouchoir ». Elle devra les intégrer d’une manière ou d’une autre en son sein, sinon cela risque de dégénérer en guerre civile qui mettrait en péril la stabilité de toute la région.
(Ndlr : Comme l’a dit Omar Hilale : « Le Maroc n’accueillera que les réfugiés issus du recensement de 1974. Les autres (non-Marocains) sont le problème de l’Algérie ». Pour remplir les camps, l’Algérie a fait venir des habitants de la Mauritanie, du Mali, du Niger et même des Algériens. D’ailleurs, dans un document ayant fuité il y a quelques mois, l’Espagne a estimé le nombre des Marocains de Tindouf à environ 5% de la population).
Le Maroc et l’Algérie se trouvent dans un face-à-face explosif, où le Maroc parachèverait son intégrité territoriale et l’Algérie récupérerait une milice armée, potentiellement classée comme organisation terroriste, et une population apatride. Il est évident que, pour l’Algérie, ce conflit est devenu existentiel. Ralentir tout processus de paix ou de solution est donc motivé par des considérations internes liées à la gestion des réfugiés, ainsi que par des ambitions hégémoniques en Afrique du Nord, désormais parties en fumée. L’Algérie est donc prête à envisager tous les scénarios, y compris le pire, pour faire échouer toute tentative de résolution.
– Le Brief : Vous évoquez aussi la nécessité de maintenir la pression sur le Polisario. À quel niveau ?
– Pr. Nabil Adel : La pression sur le Polisario et sur l’Algérie doit s’exercer à plusieurs niveaux. Tout en évitant de pousser l’adversaire dans une situation de désespoir où « il n’aurait plus rien à perdre », il est important de maintenir la pression pour que le Polisario soit désigné comme organisation terroriste. Et même s’ils acceptent de s’asseoir à la table des négociations, cela ne doit ni arrêter ni même ralentir ce processus. Il faut qu’ils s’assoient à la table avec une « épée de Damoclès au-dessus de la tête ». Leur inscription sur la liste des organisations terroristes compromettrait non seulement leur position au sein de l’Union africaine, mais placerait aussi l’Algérie dans une position inconfortable : celle de sponsor d’un groupe terroriste. Cela ne leur laisserait que la voie de la négociation sérieuse.
D’autre part, le Maroc doit être prêt, à tout moment, à se déployer dans la zone tampon (une option déjà avancée par M. Omar Hilale), si la MINURSO se trouvait dans l’incapacité de remplir sa mission d’observer le cessez-le-feu. Ceci est visiblement le cas ces derniers temps. Il faut éviter de créer un vide dans lequel s’engouffreraient l’Algérie ou le Polisario pour imposer un nouveau fait accompli qu’il serait difficile de défaire plus tard. À ce titre, la décision prise par feu Hassan II de récupérer Oued Eddahab en plein mois de Ramadan doit nous servir d’inspiration. Le Royaume chérifien doit envoyer un message clair et ferme : « Aucune nouvelle situation ne sera créée dans cette partie du territoire marocain, et aucun retour en arrière ne sera toléré ».
En outre, il faut fixer un horizon temporel limité aux discussions (trois mois semblent être un délai très raisonnable) et un plafond clair (le plan d’autonomie sous souveraineté marocaine). La précaution à prendre est d’éviter la tactique utilisée dans ces situations, à savoir « la négociation des termes de la négociation avant de commencer la négociation ». En effet, face à l’intransigeance américaine, l’Algérie et le Polisario essayeront de gagner du temps et de refroidir le momentum Trump, dont la patience n’est pas la qualité première. Le président américain s’ennuie très rapidement et peut passer à autre chose si des événements ailleurs dans le monde nécessitent son attention, car menaçant plus directement les intérêts de son pays.
La voie de sortie que pourrait offrir le Maroc dans ces négociations est que, à l’intérieur de cet intervalle temporel et en dessous de ce plafond, tout soit discutable et négociable.
– Le Brief : Si les négociations n’avancent pas comme prévu, ou pire, si elles ne démarrent même pas, que pourrait faire le Maroc concrètement ?
– Pr. Nabil Adel : Beaucoup de choses. « Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas le Maroc d’hier ». Fort d’une reconnaissance internationale de la suprématie de sa proposition, il peut la mettre en œuvre unilatéralement et arrêter toute discussion avec le Polisario, après l’avoir inscrit sur la liste des organisations terroristes. Dans ce cas, le Maroc déclarerait que la MINURSO ne remplit plus sa mission d’observation du cessez-le-feu (ce qui est déjà le cas depuis que le Polisario a repris les escarmouches en 2020), et reprendrait le contrôle de la zone tampon qu’il avait concédée en 1991.
« Le Maroc d’aujourd’hui n’est plus le Maroc d’hier ». Il faut que ce message soit on ne peut plus clair. Et contrairement à 2007, où nous avons présenté le plan d’autonomie sans imposer de deadline, le Royaume ne doit pas perdre 20 ans dans des négociations de bonne foi avec des interlocuteurs de mauvaise foi.
D’autant plus que le contexte international nous est plus que jamais favorable. Le Maroc a le vent en poupe, et l’Algérie n’a jamais été aussi isolée, avec des frontières en feu (Maroc, Mali, Niger et Libye) et des conflits ouverts avec plusieurs pays (France, Espagne, pays du Golfe…). C’est donc le moment opportun pour clore ce plus vieux conflit du monde et passer à autre chose. Le Maroc dispose d’une petite fenêtre de tir : le second mandat de Trump, et plus précisément, le temps qu’il consacrera à ce dossier avant qu’il ne commence à l’ennuyer. Et connaissant le personnage, ce laps de temps est vraiment très court.
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