De la « cour des Lions » à la « cour des grands »

Dans cette tribune, Dr Mustapha Merouane revient sur l’exploit des Lions de l’Atlas lors de la Coupe du monde 2022 organisée au Qatar. Il revient dans un texte poétique sur la signification de cette prouesse footballistique.

Temps de lecture
Publié le 20/12/2022 à 12:35

Tribune

Mustapha Merouane

Médecin-chirurgien et journaliste

La cour des Lions ( Patio De Los Leones) est l’endroit le plus connu du palais de l’Alhambra à Grenade. Construit dans la seconde moitié du XVème siècle qui était l’apogée de la dynastie Nasride. Son nom provient des douze lions-jets d’eau de la fontaine qui se trouve au milieu du Patio. À Doha au Qatar, et dans un autre patio couvert d’un gazon d’un vert éclatant, évoluent douze autres Lions, dont onze sur le terrain, et le chef de la troupe à l’extérieur à l’affût de tout danger ! Ces Lions, également venus de l’ATLAS, sont en train de réécrire l’histoire, comme leurs prédécesseurs qui avaient construit le palais et la «Cour Des Lions».

 

Photo officielle des Lions de l'Atlas. © FIFA

Photo officielle des Lions de l’Atlas. © FIFA

 

Ils sont entrés dans la « Cour Des Grands », du monde du football. Ce sport qui est entrain de connaitre un changement de paradigmes. Les auteurs de ces changements sont des nations issues de pays émergents des quatre coins du monde qui ont admiré, soutenu, encouragé, et applaudi la performance de l’équipe marocaine.

Cette performance va au-delà du jeu, et se reflète également dans les infrastructures sportives, dont l’académie Mohamed VI du football qui a formé des joueurs comme OUNAHI et ENSSIRI, qui seront sûrement des émules pour d’autres jeunes. L’enthousiasme et la joie qu’ont suscité les joueurs sur le terrain, et le public dans les stades, et dans les rues de DOHA, et dans toutes les villes du Maroc et d’ailleurs, ont donné au Maroc le soft-power dont il a grandement besoin, dans un monde qui traverse, depuis la pandémie Covid-19, une succession d’années moroses à cause des conflits militaires et économiques, et un dérèglement climatique. Le bonheur a émergé des cœurs meurtris par les guerres, la famine et la désolation, comme le rugissement d’un Lion.

Ces lions de l’Alhambra, pour qui IBN ZAMRAL avait écrit une « Qassida », ou poème :

 


«N’est-ce pas, en réalité, comme un nuage blanc ;
Qui verse sur les lions ses canaux ;
Et semble être la main du calife, qui, le matin, ;
Prodigue ses faveurs aux lions de la guerre ? ;
Celui qui contemple ces lions en attitude menaçante ;
(Sait que), seulement le respect (dû à l’Emir) Retient leur colère.»

Extrait qassida d’Ibn ZAMRAL

 

cours des lions - alhambra

La cours des lions – Alhambra – Grenade- Espagne © DR

 

Le changement de paradigmes que connait le monde du football est pluridimensionnel. Il provient de la capacité et de l’excellence de l’organisation de ce genre de compétitions, et la haute technologie des infrastructures. Pays organisateur, le Qatar n’a pas dérogé à la règle. L’équipe du Maroc a été placée par ce pays au centre de toutes les attentions, pour démontrer que le monde arabe est capable de surmonter les défis.

Autre changement de paradigme, celui inculqué aux joueurs par un coach qui cherche l’excellence et l’efficacité. La performance provient également de l’équipe technique et du staff médical, et par le soutien d’une instance dirigeante infatigable, et par un public qui a créé une ambiance festive sur les gradins. L’exploit sportif des Lions de l’Atlas ont redonné au football, et aux nations Africaines, Arabo-Musulmanes et Amazighs, la place qu’ils ont manqué durant des décennies, les reléguant à toujours jouer les seconds rôles.

Comme l’a expliqué Pascal Boniface

«Le football prenant une place de plus en plus grande dans la sphère publique, il a forcément une connotation géopolitique, et les joueurs sont quelque peu considérés comme des représentants de la nation, les ambassadeurs de l’ensemble d’un pays».

 

Les Lions sont nos ambassadeurs, ils ont toujours respecté leurs adversaires, leurs hôtes, et on leur doit également du respect, pour leurs qualités humaines et sportives. Les gestes d’amitié partagés avec leurs adversaires montrent que le football représente la joie de vivre, la fraternité et le partage.

La tension est toujours palpable à l’approche d’un match entre deux pays qui ont une histoire en commun, tant la situation est sensible. Toutefois, le Fair-Play et le respect doivent prévaloir. Il n’y a aucune place dans ce sport à la xénophobie, ni au racisme et à la haine entre les nations et les peuples. Ce serait encourager ces déclencheurs de troubles à commettre des actes irrationnels, et ce serait une faute impardonnable et inexcusable de la part des médias qui véhiculent ce genre de messages de condescendance et d’irrespect de la différence.

Mais, l’échange de messages de félicitations entre les dirigeants des pays en compétition, et surtout entre Sa Majesté le Roi Mohamed VI, et le président Emmanuel Macron, ont montré que le sport peut transcender les tensions diplomatiques passagères, et redonner un nouveau sens « de puissance » à d’autres zones géographiques.

Dans son livre La Vie liquide, Baumann décrit nos sociétés contemporaines comme un univers en mouvement permanent. Ce mouvement ne doit pas profiter seulement aux plus fortunés. Les sociétés sont appelées à jouer un rôle important pour reconstruire une coopération intelligente, et l’éducation devrait s’appliquer non seulement aux compétences, mais aussi et surtout, à la citoyenneté, pour un monde plus hospitalier à l’humanité.

 

Siir, Siir, Siir… scandé par les supporters durant et après la compétition est un appel pour que le grand progrès accompli par notre équipe nationale se poursuive, et se reflète au niveau de toutes les régions et les communes. Les académies alliant sport et études, les terrains de jeu où d’autres jeunes puissent exprimer leur talent, doivent devenir une prérogative Nationale.

Un grand effort est accompli dans ce sens. Surtout n’arrêtons pas la marche.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Publié le 06/12

Aux frontières du réel et de la fiction dans le roman social : le cas « Houris »

Cependant, cette pratique pose une question délicate : où s’arrête l’inspiration et où commence l’appropriation illégitime d’une histoire personnelle ? L’affaire entourant Kamel Daoud et son roman Houris illustre les tensions qui surgissent lorsque fiction et réalité s’entrelacent. Lauréat du prix Goncourt 2024, Daoud se voit reproché d’avoir utilisé, sans consentement, le récit d’une survivante de la guerre civile algérienne, ancienne patiente de son épouse psychiatre. Si l’écrivain réfute ces accusations en invoquant la fiction comme territoire libre, cette controverse…

Par, Intissar Haddiya , Médecin et auteure marocaine
Publié le 22/11

Asynchroni-Cités : quand les rythmes urbains se désaccordent

Dans ces environnements urbains, les rythmes de vie, les infrastructures et les dynamiques sociales ne sont plus en phase, créant une fragmentation de l’expérience urbaine. L’urbanisation rapide, souvent motivée par des impératifs économiques plutôt que par une vision cohérente de la ville, conduit à un désaccord entre les différents éléments qui composent la cité. Les transports fonctionnent à une cadence différente de celle des besoins résidentiels, les espaces de travail ne s’intègrent pas harmonieusement aux zones de loisirs, et les…

Par, Mohammed Hakim Belkadi , Consultant architecte des écosystèmes urbains prédictifs et des milieux interconnectés expert judiciaire
Publié le 08/11

Le Maroc exige de l’ONU une action décisive pour contrer les manœuvres déstabilisatrices dans la région

Ce régime, dont les pratiques empiètent systématiquement sur la souveraineté des nations voisines, s’appuie en interne sur une propagande mensongère visant à alimenter la haine, à détourner ses citoyens de leurs véritables aspirations, et à les priver de leur droit légitime au développement, à la justice sociale, et à la prospérité. Son objectif est évident : manipuler l’opinion publique pour la maintenir captive de projets idéologiques en décalage complet avec les besoins et les droits réels de ses citoyens. Après…

Par, Faiçal Marjani , Acteur associatif
Publié le 29/10

Qu’est-ce qui agace les passagers lorsqu’ils utilisent un petit taxi ?

Les couleurs fournissent un repère visuel, elles aident les passagers à identifier facilement les taxis de la ville, mais elles ne sont pas le gage de l’expérience réussie en taxi. Dans plusieurs situations, les passagers ne sont pas comblés. Qu’est-ce qui agace les passagers lorsqu’ils utilisent un petit taxi ? Dans le but de répondre à cette question, nous avons mené une petite investigation qui a consisté à questionner quelques clients de taxi, ils étaient tous des usagers réguliers dudit…

Par, Ghizlane ERRABI. Phd , Professeur Chercheur - ISGA Marrakech
Publié le 18/10

Ce que pourrait être le stade Mohammed V

Le stade se distingue par son enveloppe architecturale ornée de motifs complexes, rappelant l’artisanat traditionnel, et par l’intégration innovante du végétal artificialisé. Ce dernier permet de créer un environnement qui évoque la nature en utilisant des matériaux modernes, symbolisant une harmonie entre urbanisme, culture et durabilité. Parti architectural et intégration du végétal artificialisé 1. Façade organique et motifs végétaux stylisés  L’enveloppe extérieure du stade est conçue pour rappeler des formes organiques, telles que des feuilles et des pétales géants qui…

Par, Mohammed Hakim Belkadi , Consultant architecte des écosystèmes urbains prédictifs et des milieux interconnectés expert judiciaire
Publié le 15/10

L’enseignant qui faisait d’un tableau noir une œuvre d’art

Le cours commençait par un trait de craie blanche, et se terminait, dans une allure aussi rapide que précise, en une planche anatomique haute en couleurs. On dirait que la vie s’imprègne dans ce tableau usé par tant d’années d’usage. Les plus doués en dessin arrivaient à suivre le rythme frénétique du cours. Et le soir venu, ils retouchaient leurs dessins, les peaufinaient, si bien que les cahiers d’anatomie deviennent des œuvres d’art. C’était une manière très originale d’apprentissage, simple…

Par, Dr Mustapha Merouane , Médecin-chirurgien et journaliste
Publié le 11/10

Analyse des réformes du statut général de la fonction publique au Maroc

I. Extension du champ d’application du statut général aux intérêts décentralisés L’une des modifications les plus importantes apportées au statut est l’ajout des fonctionnaires travaillant dans les services déconcentrés des administrations publiques aux catégories de personnel concernées par ce statut. Cette modification (article 4) répond aux nouvelles orientations de l’administration publique, qui visent à renforcer la politique de décentralisation et à étendre les compétences des services déconcentrés. Après l’amendement, l’article 4 stipule que le statut général s’applique à «l’ensemble des…

Par, Yassine Kahli , Conseiller juridique et chercheur en sciences juridiques
Publié le 10/10

La coopération au service de l’éducation

« Les racines de l’éducation sont amères, mais ses fruits sont doux » ARISTOTE   Conscients que l’éducation joue un grand rôle dans le développement de notre pays, l’Association « AGHBALOU » (1) Ait Ouabidallah, Ait Oum Lbakht, grâce à un programme d’aide aux projets à caractère social initié au Maroc par la République Tchèque, a contribué à la réhabilitation de l’école rurale du Douar Ait Ouabidallah. Cette réhabilitation rentre également dans le cadre du protocole de partenariat signé entre…

Par, Mustapha Merouane , Président de l'Association Aghbalou Ait Ouabidallah
Voir plus
Publié le 22/11

Asynchroni-Cités : quand les rythmes urbains se désaccordent

Dans ces environnements urbains, les rythmes de vie, les infrastructures et les dynamiques sociales ne sont plus en phase, créant une fragmentation de l’expérience urbaine. L’urbanisation rapide, souvent motivée par des impératifs économiques plutôt que par une vision cohérente de la ville, conduit à un désaccord entre les différents éléments qui composent la cité. Les transports fonctionnent à une cadence différente de celle des besoins résidentiels, les espaces de travail ne s’intègrent pas harmonieusement aux zones de loisirs, et les…

Par, Mohammed Hakim Belkadi , Consultant architecte des écosystèmes urbains prédictifs et des milieux interconnectés expert judiciaire
Publié le 06/12

Aux frontières du réel et de la fiction dans le roman social : le cas « Houris »

Cependant, cette pratique pose une question délicate : où s’arrête l’inspiration et où commence l’appropriation illégitime d’une histoire personnelle ? L’affaire entourant Kamel Daoud et son roman Houris illustre les tensions qui surgissent lorsque fiction et réalité s’entrelacent. Lauréat du prix Goncourt 2024, Daoud se voit reproché d’avoir utilisé, sans consentement, le récit d’une survivante de la guerre civile algérienne, ancienne patiente de son épouse psychiatre. Si l’écrivain réfute ces accusations en invoquant la fiction comme territoire libre, cette controverse…

Par, Intissar Haddiya , Médecin et auteure marocaine
Publié le 08/11

Le Maroc exige de l’ONU une action décisive pour contrer les manœuvres déstabilisatrices dans la région

Ce régime, dont les pratiques empiètent systématiquement sur la souveraineté des nations voisines, s’appuie en interne sur une propagande mensongère visant à alimenter la haine, à détourner ses citoyens de leurs véritables aspirations, et à les priver de leur droit légitime au développement, à la justice sociale, et à la prospérité. Son objectif est évident : manipuler l’opinion publique pour la maintenir captive de projets idéologiques en décalage complet avec les besoins et les droits réels de ses citoyens. Après…

Par, Faiçal Marjani , Acteur associatif
Publié le 29/10

Qu’est-ce qui agace les passagers lorsqu’ils utilisent un petit taxi ?

Les couleurs fournissent un repère visuel, elles aident les passagers à identifier facilement les taxis de la ville, mais elles ne sont pas le gage de l’expérience réussie en taxi. Dans plusieurs situations, les passagers ne sont pas comblés. Qu’est-ce qui agace les passagers lorsqu’ils utilisent un petit taxi ? Dans le but de répondre à cette question, nous avons mené une petite investigation qui a consisté à questionner quelques clients de taxi, ils étaient tous des usagers réguliers dudit…

Par, Ghizlane ERRABI. Phd , Professeur Chercheur - ISGA Marrakech
Publié le 11/10

Analyse des réformes du statut général de la fonction publique au Maroc

I. Extension du champ d’application du statut général aux intérêts décentralisés L’une des modifications les plus importantes apportées au statut est l’ajout des fonctionnaires travaillant dans les services déconcentrés des administrations publiques aux catégories de personnel concernées par ce statut. Cette modification (article 4) répond aux nouvelles orientations de l’administration publique, qui visent à renforcer la politique de décentralisation et à étendre les compétences des services déconcentrés. Après l’amendement, l’article 4 stipule que le statut général s’applique à «l’ensemble des…

Par, Yassine Kahli , Conseiller juridique et chercheur en sciences juridiques
Publié le 18/10

Ce que pourrait être le stade Mohammed V

Le stade se distingue par son enveloppe architecturale ornée de motifs complexes, rappelant l’artisanat traditionnel, et par l’intégration innovante du végétal artificialisé. Ce dernier permet de créer un environnement qui évoque la nature en utilisant des matériaux modernes, symbolisant une harmonie entre urbanisme, culture et durabilité. Parti architectural et intégration du végétal artificialisé 1. Façade organique et motifs végétaux stylisés  L’enveloppe extérieure du stade est conçue pour rappeler des formes organiques, telles que des feuilles et des pétales géants qui…

Par, Mohammed Hakim Belkadi , Consultant architecte des écosystèmes urbains prédictifs et des milieux interconnectés expert judiciaire
Publié le 15/10

L’enseignant qui faisait d’un tableau noir une œuvre d’art

Le cours commençait par un trait de craie blanche, et se terminait, dans une allure aussi rapide que précise, en une planche anatomique haute en couleurs. On dirait que la vie s’imprègne dans ce tableau usé par tant d’années d’usage. Les plus doués en dessin arrivaient à suivre le rythme frénétique du cours. Et le soir venu, ils retouchaient leurs dessins, les peaufinaient, si bien que les cahiers d’anatomie deviennent des œuvres d’art. C’était une manière très originale d’apprentissage, simple…

Par, Dr Mustapha Merouane , Médecin-chirurgien et journaliste
Publié le 10/10

La coopération au service de l’éducation

« Les racines de l’éducation sont amères, mais ses fruits sont doux » ARISTOTE   Conscients que l’éducation joue un grand rôle dans le développement de notre pays, l’Association « AGHBALOU » (1) Ait Ouabidallah, Ait Oum Lbakht, grâce à un programme d’aide aux projets à caractère social initié au Maroc par la République Tchèque, a contribué à la réhabilitation de l’école rurale du Douar Ait Ouabidallah. Cette réhabilitation rentre également dans le cadre du protocole de partenariat signé entre…

Par, Mustapha Merouane , Président de l'Association Aghbalou Ait Ouabidallah

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire