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Travailleurs migrants : l’ONU examine le rapport du Maroc, le drame de Melilia au centre des attentions

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Le Comité des travailleurs migrants a ouvert lundi une session consacrée à l’examen de rapports périodiques présentés par quatre pays, dont le Maroc. Il s’agit pour l’instance onusienne d’évaluer le pays sur l’application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. À cet effet, Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, a présidé une importante délégation de hauts fonctionnaires pour défendre la politique marocaine. Le drame de Melilia pèsera-t-il sur le Royaume ?

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Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants (CMW) a ouvert, lundi 27 mars à Genève, les travaux de sa 36ᵉ session avec un programme de travail qui prévoit notamment l’examen des rapports présentés par le Maroc, le Nigeria, les Philippines et El Salvador.

Les quatre pays, qui comptent parmi les 58 États parties à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, «sont tenus de faire l’objet d’examens réguliers par le Comité de 14 experts internationaux indépendants sur la manière dont ils appliquent la Convention», précise le communiqué de l’instance onusienne.

Outre les rapports d’État, des institutions nationales des droits de l’Homme et des organisations non gouvernementales ont soumis leurs observations, parmi lesquelles, dans le cas du Maroc, celle du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) qui a invité le Comité à intégrer dans ses observations finales une série de recommandations, portant sur sept aspects en particulier.

À l’ouverture des travaux, le représentant du Secrétaire général et Chef de la Section des groupes cibles à la Division du Conseil des droits de l’homme et des organes conventionnels du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Andrea Ori, a fait une déclaration dans laquelle il a notamment souligné l’aggravation de la situation des migrants dans le monde.

Lire aussi : Migration irrégulière, plus de 11.200 migrants sont morts depuis 2018

«Entre 2014 et 2021, plus de 40.000 femmes, hommes et enfants ont disparu ou ont perdu la vie sur les routes migratoires à travers le monde, et d’innombrables autres disparitions n’ont jamais été signalées», s’est alarmé Andrea Ori.

Le représentant du Secrétaire général a de plus déploré que «la rhétorique incendiaire et xénophobe contre les migrants aide les politiciens à gagner des votes et, en temps de crise, le migrant devient un bouc émissaire commode à blâmer pour les difficultés sociales et économiques».

Le Royaume passe son examen

Mardi 28 mars, la délégation du Royaume, présidée par Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, a présenté le 2ème rapport périodique du pays lors d’un dialogue public au Palais Wilson. Elle a de plus répondu aux questions des membres du Comité s’agissant notamment de la lutte contre la discrimination à l’égard des migrants, de la scolarisation des enfants de migrants, des accords concernant l’importante communauté de travailleurs saisonniers marocains dans les pays européens, …

Travailleurs migrants : l’ONU examine le rapport du Maroc, le drame de Melilia au centre des attentions

L’importante délégation marocaine composée de hauts fonctionnaires du même ministère, ainsi que du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l’éducation nationale, du préscolaire et des sports, du Ministère de l’intérieur, de la Délégation interministérielle aux droits de l’homme, de la Direction générale de la sûreté nationale et du Ministère public, a été présidée par Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences. © DR

«Le Maroc est aujourd’hui un pays de transit et de résidence, en plus d’être un pays d’origine», a assuré Younes Sekkouri, relevant que la stratégie nationale sur la migration et l’asile, vise depuis 2013 à assurer l’intégration des migrants et des réfugiés et à faciliter leur accès aux droits et aux services publics sans discrimination.

L’approche multidimensionnelle, avec ses aspects préventif, humanitaire, juridique et réglementaire, établit de fait le Royaume en tant que pays leader non seulement au niveau du continent, mais également à l’échelle internationale, s’est félicité le ministre s’adressant au journaliste de la MAP à l’issue des travaux du comité. Cette approche, a-t-il ajouté, est liée à un système de valeurs sur lesquelles s’appuie le pays pour gérer un problème complexe qui révèle l’insuffisance de toutes les approches sécuritaires.

Dès le préambule de sa Constitution, le Royaume affirme son engagement en faveur de la protection des droits de l’Homme tels qu’universellement reconnus, ainsi que sa volonté de contribuer à leur développement en tenant compte de leur caractère universel et indivisible.

En ce sens, les efforts internationaux et régionaux consentis par le pays pour la gestion et la bonne gouvernance de la migration et la sauvegarde des droits des migrants reposent sur une volonté nationale bien ancrée qui s’est traduite dans la politique nationale en matière d’immigration et d’asile, qui a été adoptée par le Maroc en 2013 sur la base de la vision et des directives du roi Mohammed VI.

Cette période a été marquée par la poursuite de l’adhésion du pays aux normes de l’Organisation Internationale du Travail, en adhérant à huit conventions, faisant de lui une partie prenante dans 65 conventions 4 internationales, dont huit (8) conventions fondamentales sur 10, quatre (4) conventions de gouvernance, et cinquante-trois (53) conventions techniques . En matière d’appui aux efforts internationaux et régionaux liés à la gouvernance des migrations, le Royaume a contribué à l’émergence de nombreuses initiatives pionnières, telles que le Pacte mondial pour les migrations sûres, ordonnées et régulières, dont il a eu l’honneur d’abriter sa conférence préparatoire sous les auspices des Nations Unies en décembre 2018 .

Quant au continent africain, les efforts et les initiatives du pays ont été couronnés par le mandat confié au Souverain par ses confrères dirigeants africains, en tant que «Leader de l’Union africaine sur la question de la migration», lors du vingt-huitième sommet de l’Union Africaine tenu le 31 janvier 2017, en hommage aux efforts du Roi sur la question de la migration au niveau du continent africain et en reconnaissance à sa vision perspicace dans ce domaine. Cette reconnaissance a abouti à la création de l’Observatoire africain de la migration dont la signature entre le gouvernement du Royaume du Maroc et l’Union Africaine a eu lieu en 2018, en marge des travaux du sommet intergouvernemental en vue de l’adoption du Pacte mondial pour les migrations sûres, ordonnées et régulières.

«Le processus exceptionnel de régularisation de la situation juridique des migrants au Maroc au cours des années 2014 et 2017 a permis la régularisation d’environ 50.000 migrantes et migrants», a indiqué le ministre. De plus, le pays a renforcé son arsenal juridique à travers l’adoption de la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains en 2016.

«Cet effort se poursuit en vue de l’achèvement du chantier relatif à la réhabilitation du cadre juridique en œuvrant à l’adoption de deux autres lois importantes, la première concerne l’entrée et le séjour des étrangers au Royaume du Maroc et l’immigration, tandis que la seconde concerne l’asile et les conditions de son octroi», a ajouté Sekkouri.

Le Maroc a pris l’engagement d’une gestion adéquate de la migration dans l’inclusion et la dignité

– Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences.

En 2022, un total de 4.305 migrants irréguliers ont bénéficié du programme de retour volontaire, sans oublier le démantèlement par les autorités publiques de 290 réseaux actifs dans le trafic des immigrés et la traite d’êtres humains.

Il est à noter que le rapport du Maroc a été institué selon une démarche participative et consultative et se basant sur la procédure simplifiée d’établissement des rapports, répondant à la liste de points du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le drame de Melilia dans le viseur du Comité

Les conditions des femmes et des enfants dans le contexte de la migration, l’accès aux services de base tels que la santé, l’éducation et le logement, les mécanismes juridiques régulant l’entrée et le séjour des travailleurs, ainsi que les efforts déployés pour promouvoir la culture des droits humains des migrants et la lutte contre la traite des êtres humains, sont autant d’axes et de thématiques évoqués par les rapporteurs du Comité.

Tout en saluant la politique marocaine en matière d’immigration et d’asile, l’attention a néanmoins été portée sur un point particulier : l’incident survenu l’été dernier (24 juin 2022) à Barrio Chino, point de passage entre le Maroc et le préside occupé de Melilla, entraînant la mort de nombreux migrants.

Lire aussi : Melilia, l’enclave de la mort

Pour le rapporteur du Comité pour l’examen du rapport marocain, Mamane Oumaria, plusieurs questions restent sans réponse : le Maroc a-t-il diligenté une enquête pour savoir s’il y a eu usage excessif de la force de la part des forces de l’ordre ? Les responsabilités ont-elles été établies ? Existe-t-il un protocole de recherche des personnes disparues sur les routes migratoires ? S’agissant de l’accord bilatéral entre le Maroc et l’Espagne, respecte-t-il les instruments internationaux ? Les familles des migrants décédés dans cet incident ont-elles été contactées ? Des mineurs ou des enfants se trouvaient-ils parmi les victimes ? Et qu’en est-il des enfants non-accompagnés ?

Tout le pays avait été endeuillé par cette tragédie car toute perte humaine ne peut qu’être un drame

– Membre de la délégation marocaine

Réagissant à ces questions, un membre de la délégation marocaine a noté que cet incident démontre effectivement la complexité à la fois du processus migratoire et de la menace des trafics. «Le Maroc est exposé à ces phénomènes du fait de sa position géographique, mais a réussi à déjouer, en 2022, 71.000 tentatives, et à démanteler 290 réseaux clandestins», a-t-il fait savoir.

Lire aussi : Drame de Melilia, retour sur ce qui s’est passé

La délégation a reconnu que les autorités migratoires, qui avaient géré auparavant des centaines de cas similaires, ont été surprises par l’assaut de Melilla en plein jour par 2.000 migrants ayant traversé la ville de Nador en masse en suscitant la peur parmi la population, et par la convergence simultanée de ces milliers de personnes au point de passage.

Elle a néanmoins jugé que l’intervention des forces de l’ordre avait été professionnelle, proportionnelle, et menée avec discernement.

Le CNDH livre ses recommandations en sept points

Le Comité onusien a par ailleurs auditionné lundi les institutions nationales des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales qui ont fourni des informations sur le Maroc, dont le CNDH.

Lors de la réunion publique entre le CMW et les institutions nationales des droits de l’Homme (INDH/ONG), le CNDH a présenté une déclaration orale par laquelle il a émis une série de recommandations à intégrer dans les observations finales à adresser au Royaume.

Le directeur de la protection des droits de l’Homme au Conseil, Abderrafie Hamdi, a souligné que les droits des migrants et des membres de leurs familles à l’identité, à la santé, ou encore à la scolarisation sont désormais pleinement garantis par la réglementation en vigueur. Néanmoins, a-t-il fait remarquer, plusieurs défis persistent : la documentation des migrants et réfugiés, principe clé de la politique migratoire, tels que voulus par les autorités publiques et d’ores et déjà mis en œuvre dans le cadre de la Stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA).

Lire aussi : Tentative d’assaut contre Melilia, retour sur les conclusions du CNDH

Pour le Conseil, nombre de recommandations sont à adresser au Royaume en voici les sept axes stratégiques :

  • Le parachèvement de la pratique conventionnelle du Maroc, comme indiqué dans les rapports du Conseil;
  • L’accélération de l’adoption des deux lois sur la migration et les réfugiés, conformément à la Constitution et aux instruments internationaux ratifiés;
  • La prise en compte de la dimension migration, lors de la mise en œuvre du nouveau modèle de développement, particulièrement les droits des travailleurs migrants à la santé, à l’éducation, à la sécurité sociale, à l’emploi et à la participation politique;
  • La poursuite du respect du principe de non-refoulement des demandeurs d’asile;
  • La prise des mesures appropriées pour traiter les plaintes liées aux questions de migration référées au gouvernement par le Conseil national des droits de l’Homme;
  • La capitalisation sur les acquis des opérations de régularisation afin de surmonter, dans le cadre du droit commun, les défis de documentation des migrants et réfugiés;
  • Et le renforcement de la coopération internationale sur la base de la solidarité et du partage des responsabilités, dans le cadre d’une gouvernance mondiale répondant aux défis actuels en matière de migration.

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