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Mélenchon au Maroc : une visite de solidarité, n’en déplaise à l’Élysée

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Dix ans après sa dernière visite, Jean-Luc Mélenchon, chef de file des Insoumis, entame ce mercredi 4 octobre une tournée au Maroc. Si l’idée de ce voyage est née il y a près d’un an «de la volonté de renforcer la coopération entre les mouvements de gauche marocains et français», ce n’est que récemment qu’elle a pu être concrétisée. En cause peut-être les tensions diplomatiques entre Paris et Rabat. Même si la visite du politique, réinventé théoricien d’une nouvelle gauche, n’a aucun caractère officiel, sa teneur symbolique a de quoi titiller la majorité présidentielle française.

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«Une tournée aux allures de pèlerinage !», a titré ce midi même Jeune Afrique. Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise (LFI), démarre aujourd’hui une tournée de six jours au Maroc. À l’invitation du Secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), Nabil Benabdallah, le leader de LFI devrait atterrir cet après-midi à Marrakech, accompagné de Farida Amrani, députée LFI de l’Essonne et vice-présidente du groupe d’amitié France-Maroc, avant de poursuivre son déplacement à Casablanca, Rabat et enfin sa ville natale, Tanger.

Si la venue de Mélenchon au Maroc a été discutée il y a près d’un an, le séisme qui a frappé le pays en septembre dernier en a accéléré le calendrier. «La visite était envisagée et discutée depuis environ un an entre trois personnes : Farida Amrani, députée de La France insoumise en France, Mohammed Abdi, un ami au sein de la gauche française [NDLR, Mohammed Abdi, un ex-militant du Parti socialiste français devenu conseiller du ministre marocain de l’investissement, Mohcine Jazouli] et moi-même», a affirmé le Secrétaire général du PPS dans une déclaration pour Le360. «Ce séjour devait avoir lieu en marge des débats qui se déroulent parallèlement au festival d’Essaouira, mais il n’a pas pu avoir lieu», l’hôte ayant un programme chargé. Ce n’est que récemment que «l’idée de la visite a été relancée».

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Une visite qui intervient alors que les relations entre le Maroc et la France demeurent au point mort. Même si «la lutte contre le refroidissement des relations diplomatiques entre la France et le Maroc» fait partie des objectifs officiels de la visite, l’entourage de Mélenchon insiste pour évacuer sa portée politique.

En solidarité avec son pays natal

Cette visite qu’il a souhaité commencer à Marrakech et ses alentours, théâtre de la catastrophe meurtrière du 8 septembre dernier, témoigne, selon ses proches, du caractère «affectif» et de «l’esprit de partage» qu’évoque ce retour au bercail. Mélenchon a, en effet, passé ses onze premières années à Tanger, où il est né en 1951. Sa tournée se clôturera d’ailleurs dimanche et lundi par un déplacement dans cette ville du Nord, mais cette partie du séjour est «strictement privée», relèvent ses proches.

Pour la première étape de son voyage, l’ancien candidat à la présidentielle française se rendra donc à la médina de la ville ocre pour exprimer sa solidarité avec les victimes du séisme. Il ira ensuite à Amizmiz, un village du Haut Atlas, où il échangera avec le représentant politique local sur le déroulement des opérations de secours. Dans cette commune située au pied du Haut Atlas, il est censé assister à la reprise des classes sous tente et échanger avec des habitants, des responsables locaux et des représentants d’associations.

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«Ce qui l’intéresse avant tout, c’est de comprendre comment l’entraide se crée et comment les populations s’auto-organisent pour participer à la reconstruction», explique Farida Amrani. Jean-Luc Mélenchon avait, en ce sens, rendu un hommage appuyé au Maroc en reconnaissance de la formidable solidarité dont il a fait preuve pour relever les défis imposés par le séisme.

Et, Mélenchon jouit au Maroc d’une perception plutôt positive en raison de ses attaches avec le pays et de ses propos laudateurs à l’égard des Marocains. Mais la ligne idéologique de son parti politique, qualifiée parfois d’extrême gauche par la presse française, ainsi que les positions anti-monarchiques et hostiles à la marocanité du Sahara de plusieurs figures de proue de LFI, pourraient-elles compromettre la tournée de Mélenchon ?

En tournée promotionnelle pour son livre

Ce déplacement au Maroc est aussi pour l’homme de gauche l’occasion de promouvoir son dernier livre, « Faites mieux ! Vers la révolution citoyenne », un essai politique de 352 pages abordant la planification écologique, paru ce jeudi 28 septembre aux éditions Robert Laffont. Jeudi à Casablanca, après des rencontres de travail avec des personnalités politiques, Mélenchon animera une conférence à l’Université Hassan II au cours de laquelle il évoquera la coopération des pays de la Méditerranée, notamment dans le domaine de l’eau. Un sujet cher au Maroc qui se trouve fortement confronté à cette problématique.

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Le nouveau livre du chef de file de LFI est avant tout un essai où il trace les nouvelles frontières d’une gauche populiste, à la fois antilibérale et antiproductiviste. Jean-Luc Mélenchon, théoricien d’une nouvelle gauche entre marxisme et social-démocratie, y critique le système capitaliste, dénonçant les inégalités croissantes et la concentration du pouvoir économique entre les mains d’une élite.

Invité de Darius Rochebin sur LCI le dimanche 1er octobre, l’homme politique français avait souligné les conséquences néfastes de la course à la croissance infinie sur l’environnement et les travailleurs, expliquant pourquoi il rejette la logique de société de marché, mettant en garde contre les conséquences désastreuses pour l’humanité et l’environnement.

Plaidant pour une économie d’entraide, Mélenchon appelle, à travers cet essai, à se mobiliser pour une «révolution citoyenne» pacifique, où le peuple reprendrait le contrôle de son destin.

En soirée, le leader LFI tiendra des rencontres avec les élus français de l’étranger, ainsi qu’avec d’autres personnalités politiques de la gauche marocaine dont les noms n’ont pour l’heure pas été communiqués.

En visite pour «écouter et apprendre»

Le lendemain, le politique français se rendra à Rabat pour notamment une série de rencontres avec le bureau politique du PPS, ainsi qu’avec les membres du groupe parlementaire d’amitié France-Maroc que dirige l’Istiqlalien Mohamed Zidouh et la mairesse de Marrakech, Fatima-Zahra Mansouri. Un entretien officiel avec le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, sera «peut-être également à l’ordre du jour», indique Nabil Benabdellah.

L’escale de Rabat prévoit aussi des entretiens avec d’autres chefs de partis politiques comme Nizar Baraka, patron de l’Istiqlal et ministre de l’Équipement et de l’Eau.  Ensuite, une conférence à la Faculté des sciences juridiques, sociales et économiques de Rabat-Agdal aura lieu. Le déroulé de la journée et le détail des rencontres politiques sera communiqué ultérieurement.

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«Jean-Luc vient pour écouter et apprendre», précise Farida Amrani. «Il ne vient pas pour donner des leçons», glisse son attachée de presse. «Une modestie affichée qui tranche avec le reproche de «paternalisme» adressé au président Emmanuel Macron par nombre d’observateurs au Maroc», commente Alexandre Aublanc, correspondant du Monde. Et, si tension il y a aujourd’hui entre les deux pays, elle ne sera résorbée ni par les hommes de l’ombre ni par les réseaux parallèles. «Le dossier est dans les mains du palais» confie à Maghreb-intelligence une source bien informée à Rabat.

Interrogé sur le différend entre Paris et Rabat, sur LCI, le leader insoumis a prévenu : «Je n’ai pas l’intention d’assumer la responsabilité des actes de M. Macron». Pour Nabil Benabdallah, «la visite n’a rien à voir avec les problèmes qu’il y a entre le Maroc et la France, en raison de l’attitude absolument inacceptable et honteuse de la part de certains milieux médiatiques, voire de certains milieux politiques français». Pour l’homme de gauche marocain «le Maroc trace son chemin, en particulier après le tremblement de terre, car comme on dit : “à toute chose malheur est bon”. Sous la direction ferme, décisive, clairvoyante de Sa Majesté le Roi, le Maroc prit les mesures qu’il faut pour affronter cette terrible épreuve qu’est le séisme».

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Derrière la venue au Maroc du fondateur de LFI plane l’ombre de la visite d’État au Maroc d’Emmanuel Macron. Car, six ans après avoir été élu, le président de la République attend encore son tour. «Ironie de l’histoire, celle de François Hollande, en avril 2013, avait eu lieu quelques semaines après le passage à Rabat de… Jean-Luc Mélenchon, alors leader du Parti de gauche», écrit le correspondant du Monde.

Et le Sahara dans l’histoire ?

Mais c’est sur un dossier qui empoisonne les relations franco-marocaines que Mélenchon semble être attendu. «Va-t-il rompre le soutien de son parti au Front Polisario ?», titraient, le 29 septembre, nos confrères de Telquel. Posée à ses proches, la question suscite un certain embarras. «Jean-Luc a siégé au Parlement européen, il a une position dans ce dossier», souligne Farida Armani, sans plus de précisions.

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En mai, lors de son déplacement dans le royaume, Eric Ciotti, le président des républicains, avait déclaré que «la souveraineté du Maroc est indiscutable» au Sahara. Mélenchon fera-t-il de même ? Clarifiera-t-il sa position, et peut-être celle de son parti, sur cette question cruciale ? Car les sorties médiatiques de certaines figures LFI dénotent clairement leur positionnement. Exemple : Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, et Manon Aubry, eurodéputée Les Insoumis, réputées toutes les deux très proches de Mélenchon, font partie des cadors du parti les plus farouchement opposés à la marocanité du Sahara et au régime monarchique.

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«Nous parlerons probablement de la crise entre le Maroc et la France, mais la position de M. Mélenchon ou de son parti n’est pas centrale. C’est celle du gouvernement français et du chef de l’État qui importe», observe Mohamed Zidouh, membre du Conseil national du parti de l’Istiqlal. «Ni lui ni moi n’avons vocation à remplacer nos officiels, tempère de son côté Nabil Benabdellah. Il ne fera pas de déclaration à ce sujet et je ne l’attends pas sur ce registre. Mais je suis conscient qu’au sein de la Nupes [l’alliance des partis de gauche en France], surtout au Parti communiste et chez les Verts, il existe de nombreux députés qui soutiennent le Front Polisario».

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