L’Observatoire national de la criminalité : un nouveau pilier de la politique pénale marocaine

Mbaye Gueye
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L’adresse de la CIN devient le seul domicile légal à compter du 9 décembreLe ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi © DR

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Le nouveau Code de procédure pénale consacre l’Observatoire national de la criminalité, faisant du Maroc l’un des rares pays au monde à offrir un ancrage législatif à un tel organe. Doté d’un rôle consultatif et stratégique, l’Observatoire devient un acteur incontournable de la gouvernance pénale, avec pour mission de collecter, analyser et exploiter des données fiables au service d’une justice moderne et éclairée.

Le système judiciaire marocain entre dans une nouvelle ère de modernisation. Avec l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale, publié au Bulletin Officiel du 8 septembre 2025, l’Observatoire national de la criminalité bénéficie désormais d’une consécration législative claire et structurée. Cette reconnaissance place le Royaume parmi les rares pays au monde à avoir inscrit dans leur arsenal juridique l’existence et les prérogatives d’un tel organe.

Selon un communiqué du ministère de la Justice, seules 8% des structures similaires à travers le monde disposent d’un ancrage légal aussi solide. Le Maroc s’inscrit donc dans le cercle restreint des États adoptant les meilleures pratiques en matière de gouvernance pénale fondée sur des preuves scientifiques.

Une consécration législative inédite

Créé par le décret n° 2-22-400 du 18 octobre 2022 et renforcé par l’arrêté ministériel n° 1501-22 du 19 octobre 2022, l’Observatoire national de la criminalité bénéficie aujourd’hui d’un statut législatif grâce à l’article 51-3 du nouveau Code de procédure pénale. Celui-ci définit de manière précise ses missions : collecter et traiter les statistiques pénales, analyser les phénomènes criminels et proposer des solutions adaptées pour lutter contre la criminalité et prévenir ses manifestations.

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Cette évolution marque un tournant. L’Observatoire n’est plus seulement une structure de collecte de données, mais devient un véritable acteur consultatif et stratégique, associé au processus décisionnel en matière de politique pénale. Sa mission s’étend désormais à l’ensemble du territoire national, avec le droit de solliciter des données auprès de toutes les institutions judiciaires, sécuritaires et administratives.

Une approche fondée sur la science et les données

La consécration législative de l’Observatoire s’inscrit dans une vision plus large : celle d’une « politique pénale nouvelle et éclairée », conforme aux hautes orientations royales et aux conclusions du dialogue national sur la réforme du système judiciaire. Elle traduit également la volonté du Royaume de se conformer aux recommandations des Nations unies en matière de justice et de gouvernance pénale.

Cette philosophie repose sur une conviction simple : la lutte contre la criminalité doit s’appuyer sur des données fiables, des analyses objectives et des méthodes scientifiques reconnues. C’est dans ce sens qu’une convention de partenariat a été signée entre le ministère de la Justice, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) et l’Observatoire.

Un partenariat stratégique avec le HCP

Ce partenariat vise à doter le Maroc d’un système statistique criminel intégré, harmonisé et conforme aux standards internationaux. Plusieurs axes prioritaires ont été définis.

Le premier axe concerne l’harmonisation méthodologique des statistiques criminelles, en mobilisant les expertises complémentaires du HCP en matière de méthodologies statistiques et celles de l’Observatoire en analyse criminologique. Cette synergie permettra d’unifier les indicateurs et d’en garantir la fiabilité.

Le deuxième axe porte sur la mise en place d’enquêtes de victimation, indispensables pour évaluer le « chiffre noir » de la criminalité, c’est-à-dire la part des infractions non déclarées ou non poursuivies. Conçues et menées conjointement, ces enquêtes permettront de mieux comprendre la réalité criminelle et d’orienter les politiques publiques de prévention et de répression.

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Le troisième volet concerne la création d’un système d’information intégré. Il assurera l’inclusion des statistiques criminelles dans le Système statistique national et proposera des tableaux de bord numériques partagés, en cohérence avec la stratégie nationale de transformation numérique.

Enfin, le partenariat prévoit la réalisation d’études spécialisées sur des phénomènes criminels précis, le développement de programmes de formation pour renforcer les compétences des acteurs concernés, ainsi que la coordination des actions internationales à travers les réseaux opérationnels des deux institutions.

Une dynamique de modernisation continue

Au-delà du cadre juridique et institutionnel, l’Observatoire national de la criminalité se projette déjà dans l’avenir. Il ambitionne de développer de nouveaux outils d’analyse et de prédiction afin d’anticiper l’évolution des phénomènes criminels. Il entend également renforcer ses partenariats institutionnels, nationaux et internationaux pour consolider son rôle de centre d’expertise et de référence.

Cette dynamique s’inscrit pleinement dans les Objectifs de développement durable, en particulier l’ODD 16, qui promeut la paix, la justice et des institutions efficaces. Elle traduit également la volonté du Maroc de s’affirmer comme un acteur régional de premier plan dans la production et l’analyse de données criminelles, au service d’une justice moderne, transparente et équitable.

Un outil au service d’une justice éclairée

Avec cette consécration législative, le Maroc entre dans une ère de politique pénale fondée sur la science et les preuves. L’Observatoire national de la criminalité devient un instrument stratégique, au croisement de la statistique, de l’analyse et de la décision publique.

En dotant cet organe d’une mission élargie, d’un rôle consultatif et d’un champ d’action national, le Royaume confirme son engagement dans une réforme profonde de son système judiciaire. Loin de se limiter à la répression, cette approche place la prévention, la compréhension des phénomènes criminels et l’appui scientifique au cœur de la politique pénale.

Ainsi, le Maroc trace une voie originale, conciliant tradition juridique nationale, ouverture aux meilleures pratiques internationales et volonté ferme d’assurer aux citoyens une justice plus efficace, équitable et moderne.

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