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Étudiants en médecine : «une année blanche plutôt qu’un avenir sombre»

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Les «futures blouses blanches» ne lâchent pas du lest. Après deux mois de grèves, les étudiants en médecine générale, dentaire et pharmacie ne décolèrent pas. Quitte à se diriger vers une année blanche. Car les récents propos des ministères de la tutelle, Khalid Aït Taleb et Abdellatif Miraoui, ont profondément indigné les quelques 25.000 étudiants marocains.

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La situation ne semble pas se détendre. Depuis le début de l’année universitaire, les étudiants en médecine enchaînent les grèves et les sit-in, exprimant leur rejet de la réforme de leur formation académique présentée par les deux départements de tutelle. Les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont décidé de réduire la durée de la formation en médecine : le cursus passe désormais à six ans. Une décision qui n’est plus sujette à débat.

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De Rabat à Guelmim, les futures blouses blanches mènent un mouvement de boycott général des cours, travaux pratiques et examens. Pour les étudiants, ce boycott est une démarche désespérée pour attirer l’attention des autorités sur leur situation et obtenir des réponses à leurs demandes légitimes en faveur d’une formation de qualité, conforme aux attentes des citoyens marocains. Ils appellent à «une vision claire, conforme aux standards internationaux» pour garantir la pérennité du secteur et de ses professionnels.

Car la réduction de la durée des études signifie qu’il n’existe plus aucune possibilité d’accéder au marché du travail sous d’autres cieux.

«Nous ne sommes pas des produits consommables»

«On nous a qualifiés de produits consommables. Le médecin marocain n’est pas un produit. Nous en avons assez de ces comparaisons. Si nous n’avions pas eu ce sens du patriotisme et n’étions pas soucieux de la qualité de la formation en médecine, ayant un impact direct sur notre système de santé, les 25.000 étudiants n’auraient jamais entrepris ce boycott», a d’emblée déclaré le coordinateur de la Commission des étudiants en médecine générale, dentaire et pharmacie du Maroc (CNEMEP), Mohamed El Mehdi Benhamida.

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Les étudiants en médecine générale, dentaire et pharmacie ont en effet tenu, lundi 26 février, une conférence pour dénoncer la «remise en question de leur patriotisme et de leur engagement militant» de la part de la tutelle. Face à cette accusation, Mohamed El Mehdi Benhamida a précisé qu’il s’agissait d’une initiative purement volontaire des étudiants en médecine pour faire entendre leur voix. Si une proposition de résolution de crise avait été partagée par les ministères avec la Coordination, celle-ci a été rejetée, car elle ne répondait pas à la majorité de leurs revendications qui couvrent bien plus que la simple réduction de la durée d’études. Le boycott a donc été maintenu en dépit des menaces auxquelles les étudiants et leurs représentants sont confrontés.

«Il est important de souligner que la décision de boycotter les travaux pratiques, les travaux dirigés et les examens, a été votée dans toutes les facultés de médecine, de médecine dentaire et de pharmacie du Maroc lors de l’Assemblée nationale en décembre 2023. Ce boycott a été un succès à 100%. La Coordination n’a jamais contraint qui que ce soit à participer au boycott. Les étudiants ont voté lors de l’Assemblée nationale à 91% en faveur du boycott en présentiel, et à 93% dans l’ensemble des facultés de médecine du Maroc. C’était un vote très représentatif, démontrant que les étudiants sont convaincus par leur mouvement», a expliqué le coordinateur.

«Aujourd’hui, il est temps d’arrêter de blâmer les étudiants et leurs représentants comme étant le principal problème. Ils font face à des menaces quotidiennes. Nous invitons donc les ministres Miraoui et Ait Taleb à assumer leurs responsabilités politiques et à résoudre cette crise par le biais d’un dialogue sérieux visant à répondre à nos demandes. La poursuite du boycott après la publication du communiqué par les deux ministères prouve que le boycott ne sera levé que par un accord voté par les étudiants, et non par un simple communiqué», a poursuivi Mohamed El Mehdi Benhamida.

Rectifier les erreurs propagées

Dans un second temps, la conférence était le moyen pour la Coordination de réfuter ce qu’ils ont qualifié d’«erreurs récemment propagées» par les départements ministériels. D’abord, la CNEMEP a exprimé sa surprise de voir les ministères réduire leur plateforme revendicative au seul point de la réduction des années de formation. C’est pour elle une tentative de discréditer la cause des étudiants en médecine. «Nos préoccupations ne se limitent pas à la réduction des années de formation, mais incluent également l’amélioration de la qualité de l’enseignement, l’élargissement des stages, la réduction du nombre d’admissions pour désengorger les facultés, et la révision des conditions des concours de médecine pour garantir la formation de professionnels compétents. Nous sommes animés par un patriotisme sincère et un désir d’améliorer notre pays», a déclaré Mohamed El Mehdi Benhamida.

Lire aussi : Réduction de la durée de formation en médecine : Miraoui fait le point

En réponse aux accusations selon lesquelles les étudiants en médecine envisageraient de quitter le Maroc pour travailler à l’étranger après leur formation, les membres de la Coordination ont souligné leur volonté d’améliorer la qualité de leur formation au Maroc pour servir leur pays après l’obtention de leur diplôme. «Une formation de six ans permet effectivement à l’étudiant d’effectuer sa 7ᵉ année à l’étranger, puis de bénéficier de tous les avantages qui lui sont offerts pour y rester. Cependant, ce n’est pas le cas actuellement. Les étudiants rejettent l’idée d’une formation de six ans et préfèrent conserver sept ans, ce qui démontre leur volonté d’améliorer la qualité de la formation et de servir leur pays et leurs concitoyens après l’achèvement de leurs études. Parfois, nous nous demandons même si les deux ministères lisent notre dossier revendicatif ou s’ils se contentent de lancer des accusations à gauche et à droite pour discréditer notre cause légitime», a déclaré un membre de la coordination.

Ensuite, la Coordination a souligné que s’étaient tenues quatre réunions avec les ministères depuis décembre 2023, contrairement aux 14 affirmées par les autorités. Le ministre de l’Éducation nationale, Abdellatif Miraoui, avait en effet fait savoir que ces réunions ont permis d’éclaircir plusieurs points, notamment la présentation de l’état d’avancement de la réforme pédagogique, la présentation des mobiles qui justifient la réduction du cursus d’études, la programmation de l’élargissement des terrains de stage ou encore le rôle des simulations et de la télémédecine intégrée dans l’ensemble des facultés du Maroc.

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La Coordination a surtout tenu à répondre à une allégation particulièrement troublante : celle-ci serait affiliée à une «partie obscure» ou servirait un «agenda», particulièrement en étant associée au mouvement islamiste «Al Adl Wal Ihssane». Le porte-parole de la Commission a exprimé sa vive réprobation : «près de 99% des étudiants ne connaissent même pas ce mouvement. Ce qui nous pousse à agir aujourd’hui, c’est le manque de communication avec les autorités qui refusent de répondre à nos revendications».

Les étudiants en pharmacie, ces oubliés

Dans un autre registre, la commission continue à dénoncer la «marginalisation» de la filière de pharmacie par les responsables, qui considèrent que «les étudiants de cette filière ne font que suivre les pas de ceux de la médecine». «Nous sommes constamment traités comme de simples suiveurs des étudiants en médecine générale, comme si nous étions des moutons. C’est inacceptable. Les étudiants en pharmacie souffrent énormément et personne ne prête attention à nos revendications. Il y a actuellement un encombrement sans précédent dans la formation en pharmacie, ce qui risque de conduire à un surplus de pharmaciens sur le marché, augmentant le risque de chômage. Alors que les recommandations de l’OMS préconisent un ratio d’une pharmacie pour 3.000 patients, nous observons actuellement une pharmacie pour 6.000 patients, une situation critique», a dénoncé Imane Ait Benamer, présidente du conseil des étudiants en pharmacie à la faculté de médecine de Rabat.

La CNEMEP rappelle que les étudiants en pharmacie ont leurs propres doléances qu’il convient d’écouter et de prendre en compte. Et d’ajouter que ces étudiants attendent toujours la rédaction du PV de la réunion du 15 février dernier, condition sine qua non pour mettre fin à leurs grèves et reprendre leurs cours.

Lire aussi : Les futurs médecins face à une situation sociale difficile

Une mobilisation nationale est prévue jeudi 29 février devant le Parlement à Rabat où seront présents les étudiants des différentes branches. «Nous ne voulons pas causer une année blanche, mais cela nécessite que le gouvernement prenne ses responsabilités. Ce qui n’est pas évident, surtout lorsque celui-ci déclare que la porte du dialogue est fermée, que la décision est irrévocable et qu’il menace tous les étudiants … Ce qui nous fait dire qu’une année blanche est préférable à un avenir sombre», a conclu la Commission.

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