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Mbaye Gueye Publié le 28/05/25 à 10:51
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S’opposer a un prix

Dans certains pays, être opposant, c’est avoir un pied en prison. Pour tout et n’importe quoi, tu peux faire un séjour carcéral. Mais surtout, ne va pas déplaire à certains, puisque cela se traduira en gras sur ton Curriculum Vitae : Détenu politique. Ce statut peut devenir un véritable sésame pour accéder à certaines chancelleries occidentales qui se posent en défenseuses de la démocratie. Celles-ci raffolent de ce genre de situations, où chacun y va de son communiqué pour condamner ou exiger la libération de l’opposant.

Depuis l’arrestation du principal opposant au président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, Succès Masra, elles sont toutes devenues aphones. Pourtant, l’homme jouissait d’une certaine estime auprès des occidentaux. Ce silence suscite des interrogations. La France, autrefois premier défenseur du Tchad, n’a pas soufflé mot sur cette affaire. Mais pouvait-il vraiment en être autrement ?

Un petit rappel historique s’impose : lors des obsèques d’Idriss Déby, le président français Emmanuel Macron avait prononcé cette fameuse phrase : « La France ne laissera jamais personne, ni aujourd’hui, ni demain, remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad ». Une déclaration perçue par beaucoup comme un soutien, voire un adoubement, du fils d’Idriss Déby.

Quelques années plus tard, les relations entre Paris et N’Djaména se sont dégradées, découlant au départ des troupes françaises et la fin d’une coopération de plusieurs décennies. Le président français n’a pas apprécié cette décision de N’Djaména. Ce ressentiment l’a poussé à parler d’ingratitude : « Aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui à la tête d’un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région ». Entre-temps, Mahamat Idriss Déby Itno a été élu président de la République du Tchad avec un score soviétique, malgré la contestation de l’opposition.

Pour l’heure, Succès Masra risque gros, puisqu’il est accusé d’actes graves : incitation à la haine, à la révolte armée, complicité d’assassinat, incendie volontaire et profanation des sépultures. Le procureur de la République lui reproche d’avoir véhiculé un message haineux appelant à la révolte, dont des extraits circulent sur les réseaux sociaux.

Selon lui, ces propos auraient provoqué la mort de 42 personnes dans le village de Mandakao, une localité située dans la région du Logone Occidental, dans le sud-ouest du Tchad. Or, ce fameux message date du 26 mai 2023. Il a été publié sur la page officielle des Transformateurs, le parti de Succès Masra.

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