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Afrique : une reprise économique fragile face à des chocs multiples

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Afrique : une reprise économique encore fragile face à de multiples chocsPhoto illustration © DR

L’Afrique subsaharienne entre dans une phase de croissance modérée mais fragile. Son potentiel de développement est réel, notamment dans les services, les énergies renouvelables, l’agriculture et le numérique. Cependant, les conditions d’une croissance inclusive et durable restent largement à construire.

En 2025, l’économie de l’Afrique subsaharienne affiche des signes de reprise, mais cette embellie demeure freinée par des vents contraires, tant internes qu’externes. Selon les dernières prévisions de la Banque mondiale, la croissance régionale devrait atteindre 3,7% cette année, contre 3,5% en 2024. Toutefois, cette progression modeste masque de profondes disparités entre les pays ainsi que des vulnérabilités structurelles et conjoncturelles qui compromettent la durabilité de cette dynamique.

Un redémarrage contrasté

Plus de 60% des économies de la région ont enregistré une accélération de leur activité en 2024, stimulées par la hausse de l’investissement public et la reprise des exportations de matières premières. L’Angola, l’Éthiopie et l’Ouganda illustrent ce rebond, portés respectivement par les services, les industries extractives et les projets pétroliers.

À l’inverse, les deux principales économies de la région, le Nigeria et l’Afrique du Sud, affichent des performances nettement plus modestes. La croissance nigériane s’est établie à 3,4% en 2024, portée par les services financiers, les télécommunications, ainsi qu’une légère reprise des transports et de la production pétrolière. La suppression de la subvention implicite sur le taux de change et une meilleure gestion des recettes publiques ont contribué à améliorer la position budgétaire du pays.

En Afrique du Sud, en revanche, la croissance a chuté à 0,5%. Des contraintes structurelles persistantes, une sécheresse historique liée à El Niño et l’inefficacité des entreprises publiques ont annulé les effets positifs d’une amélioration de l’approvisionnement en électricité et d’un assouplissement monétaire. Le secteur agricole y a connu sa plus forte contraction en trente ans.

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Toutefois, malgré un certain ralentissement des pressions inflationnistes globales, l’inflation alimentaire demeure un point noir majeur. Dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est, notamment le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda, les sécheresses ont gravement compromis les rendements agricoles, aggravant une insécurité alimentaire qui touchait déjà près d’un tiers de la population en 2024. Dans les pays en conflit, comme le Soudan, le Soudan du Sud et la Somalie, plus de la moitié des habitants sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë.

Face à cette situation, les banques centrales ont adopté des positions divergentes : tandis que certains pays, comme l’Angola et le Nigeria, ont suspendu les hausses de taux en raison des progrès en matière de désinflation, d’autres poursuivent le resserrement de leur politique monétaire.

Pour la période 2026-2027, la croissance de l’Afrique subsaharienne devrait s’établir en moyenne à 4,2%, un rythme supérieur à celui de 2025, mais encore inférieur aux moyennes observées entre 2000 et 2019. Cette reprise repose sur des hypothèses optimistes — désescalade des conflits, recul de l’inflation et amélioration de l’environnement extérieur — mais les risques demeurent fortement orientés à la baisse.

Les perspectives sont particulièrement moroses pour les pays exportateurs de matières premières industrielles, qui souffrent de la baisse de la demande mondiale liée aux tensions commerciales et au ralentissement de la croissance en Chine. Le Nigeria, par exemple, devrait connaître une croissance modérée de 3,6% en 2025, freinée par une production pétrolière stagnante. Quant à l’Afrique du Sud, elle ne devrait croître que de 0,7%, en raison d’un potentiel économique atone.

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À l’opposé, les économies peu riches en ressources, comme le Bénin, l’Éthiopie ou l’Ouganda, devraient enregistrer des taux de croissance supérieurs à leurs tendances historiques, soutenus par des investissements dans les infrastructures, l’agriculture et les services.

Endettement et consolidation budgétaire

La dette publique continue de constituer un frein majeur. Les ratios dette/PIB restent élevés et les coûts du service de la dette pèsent lourdement sur les finances publiques, limitant les marges de manœuvre budgétaires. Cette contrainte a poussé de nombreux gouvernements à adopter des mesures d’austérité, malgré des besoins croissants en infrastructures et en protection sociale.

Le rapport prévoit une amélioration progressive des soldes primaires grâce à une discipline budgétaire renforcée. Néanmoins, dans un contexte de baisse de l’aide internationale et de hausse des primes de risque souverain, le risque de détresse de la dette reste significatif, notamment pour les économies les plus pauvres et fragiles.

Au-delà des données macroéconomiques, l’Afrique subsaharienne fait face à un enjeu fondamental : celui de l’emploi. La région devrait connaître la plus forte croissance de la population en âge de travailler au monde d’ici à 2050. Sans politiques ambitieuses pour dynamiser la croissance et résoudre les goulets d’étranglement structurels, le rythme actuel de création d’emplois sera insuffisant. Le rapport souligne qu’un quart des économies régionales n’auront pas retrouvé leurs niveaux de revenu par habitant d’avant la pandémie d’ici à 2027.

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D’autre part, les risques liés au climat s’intensifient, les sécheresses, inondations et tempêtes ayant plus que doublé entre 2015-2019 et 2020-2024. Ces aléas naturels menacent directement la sécurité alimentaire, notamment dans la Corne de l’Afrique, le Sahel et l’Afrique australe. Le dérèglement climatique exacerbe les tensions dans les zones rurales pauvres, augmentant le risque de conflits et de déplacements de population.

Par ailleurs, l’instabilité politique persiste dans de nombreuses régions, notamment au Soudan, au Sahel et dans l’est de la République démocratique du Congo, où cette violence endémique pèse sur les investissements, la production agricole et l’efficacité des services publics.

 

Sans stabilisation politique, réduction des vulnérabilités climatiques, amélioration des institutions publiques et accélération des réformes structurelles, la région risque de rester à la traîne, incapable de tirer pleinement parti de ses atouts démographiques et de ses ressources naturelles.

La prochaine décennie sera décisive : il est impératif que les gouvernements africains, les partenaires internationaux et les acteurs du secteur privé unissent leurs efforts pour transformer les aspirations économiques de la région en une réalité durable.

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