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Journée internationale des droits des femmes : pour le Maroc, plusieurs chantiers prioritaires

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Comme partout ailleurs dans le monde, le Maroc célèbre, ce mardi 8 mars, la journée internationale des droits des femmes. Une commémoration avec une résonance particulière, dans un pays où l’inégalité entre les sexes, à tous les niveaux de la société, demeure persistante.

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Dans une lettre ouverte publiée ce mardi 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Leila Rhiwi, représentante d’ONU Femmes au Maroc, rappelle que cette date invite «à nous remémorer les combats menés pour faire avancer les droits des femmes dans nos sociétés». Pour elle, l’occasion est aussi «un moment de bilan pour apprécier les avancées et les progrès, mais aussi un moment d’interrogation et d’analyse sur tout ce que les femmes continuent à vivre comme entrave à la jouissance de leurs droits, un moment d’engagement pour accélérer la cadence en faveur d’une société égalitaire».

Si Leila Rhiwi reconnait que le Maroc «a connu de nombreuses avancées au cours des dernières années tant sur le plan législatif qu’institutionnel et ce en accord avec les engagements internationaux pris par le pays», les indicateurs de développement humain, incluant l’accès des hommes et des femmes à l’éducation, la santé et l’emploi démontreraient toujours des «inégalités persistantes» selon la représentante d’ONU Femmes au Maroc.

Peu de changement, malgré des efforts

Le Rapport mondial sur l’écart entre les femmes et les hommes (ou Global Gender Gap Report), publié chaque année depuis 2006 par le Forum économique mondial, classait d’ailleurs le Maroc au 144e rang sur 156 pays en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, dans son dernier rapport.

À l’été 2021, ONU Femmes au Maroc reconnaissait toutefois que le Maroc avait fait «un progrès important en faveur de l’égalité entre les sexes», en adoptant une loi instaurant des quotas dans les organes de gouvernance des entreprises, prévoyant une représentation de chaque genre ne pouvant être inférieur à 40% dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance. Mais les femmes sont encore sous-représentées sur le marché du travail, c’est ce qui ressort notamment d’une étude réalisée conjointement par le ministère de l’Économie et des Finances, ONU Femmes, l’Agence française de développement (AFD) et l’UE, rendue publique le 2 mars dernier.

«Si on comblait ces disparités au travail, cela pourrait nous conduire à une amélioration de 39% du PIB par personne», assure Nouzha Skalli, ancienne ministre marocaine de la Famille et militante pour les droits des femmes. «Aujourd’hui, le gouvernement manifeste sa volonté de lutter en faveur des réclusions économiques des femmes et de leur employabilité, c’est une bonne chose. Mais ce qui est important c’est de traiter la question des droits des femmes et de l’égalité de manière globale, il ne faut pas morceler le sujet».

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Concernant les violences faites aux femmes, les pouvoirs publics ont adopté plusieurs stratégies, programmes et plans consécutifs de lutte contre la violence à l’égard des femmes au cours des deux dernières décennies. Un cadre légal spécifique a même été mis en place, avec la loi n°103-13, relative à la lutte contre la violence faite aux femmes, entrée en vigueur depuis 2018.

Dans les faits, la situation semble pourtant inchangée : dans son rapport sur la condition féminine au Maroc le Haut-Commissariat au Plan rapportait que 57% des femmes ont été victimes d’un acte de violence en 2019 (soit 7,6 millions de femmes âgées de 15 à 74 ans parmi les 13,4 millions). Selon la même source, la violence faite aux femmes et aux filles reste principalement perpétrée au sein de l’espace conjugal et familial avec une prévalence de 52,1%, suivi du milieu éducatif avec un taux de 18,9% et du milieu professionnel (15,4%). Dans les espaces publics, la prévalence est de 12,6%.

La période du confinement entre mars et juin 2020 n’a rien arrangé, et les violences basées sur le genre se sont accentuées de 31,6% par rapport à la même période en 2019, selon un rapport de la Fédération des ligues des droits des femmes.

En outre, près de la moitié de la population féminine marocaine ne dispose d’aucune couverture médicale : selon l’étude sur les discriminations intersectionnelles des femmes au Maroc, publiée en 2021 par l’Observatoire national du développement humain (ONDH), 44,6% des femmes ne sont ni adhérentes ni bénéficiaires d’aucun des deux systèmes d’assurance-maladie (AMO ou RAMED).

Les priorités du chantier législatif

Pour Nouzha Skalli, la refonte du système législatif au Maroc est nécessaire pour améliorer les droits des femmes au Maroc.

«Il y a de très grosses injustices qui persistent, aussi bien dans Code marocain de la famille, pourtant réformé en 2004, que dans le Code pénal», déplore l’ancienne ministre de la Famille. «Il faut procéder à une refonte des deux, sur la base de l’égalité femmes-hommes. Le Code pénal actuel accable les femmes. Il pénalise les relations sexuelles hors mariage, pénalisel’avortement, mais en même temps ne reconnait pas les mères célibataires, ce qui a pour conséquence directe de faire vivre un enfer aux enfants nés hors mariages».

La militante des droits des femmes appelle à plusieurs réformes à court terme, telles que la pénalisation du mariage des mineures : «C’est une réforme très urgente», souligne-t-elle. «Il y a une prise de conscience et une volonté qui semble générale. Il faut une pénalisation des mariages subis par les petites filles, car il n’y a pas de consentement de leur part, et cela les prive de toute forme d’autonomisation».

Si le Code marocain de la famille fixe la capacité matrimoniale minimale à 18 ans, l’article 20 du même code confère pourtant aux juges des affaires familiales le droit d’autoriser les épousailles de mineures. Une brèche législative, décriée par les ONG féministes, mais également par d’autres institutions comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui appellent à son abrogation. Selon des chiffres alors rapportés par l’AFP, en 2020, plus de 13.000 dérogations ont été délivrées par les juges pour marier des mineures sur près de 20.000 demandes. Ces chiffres n’incluent pas les mariages scellés par la simple lecture d’une sourate du coran et qui ne sont pas reconnus par la loi.

Lire aussi :Archive : Journée internationale des droits de la femme

Autre réforme préconisée par Nouzha Skalli, la fin du droit de tutelle sur l’enfant, automatiquement octroyé exclusivement au père. «C’est un scandale», déplore-t-elle. «Si la femme divorcée se remarie, elle perd la garde de ses enfants, c’est inadmissible. Ce qui me rassure, c’est que le gouvernement semble ouvert à cette question et s’est exprimé favorablement à plusieurs reprises pour l’approche participative».

Libérer la parole

Pour l’ancienne ministre, le contexte au Maroc est d’ailleurs «plus favorable qu’au cours des dix dernières années, avec un parti au pouvoir qui prônait l’islam politique, particulièrement opposé au droit des femmes. La fin de cette ère nous laisse entrevoir des perspectives qui ne peuvent être que meilleures», analyse Nouzha Skalli, qui estime que les changements dans la société civile passeront par une libéralisation de la parole.

«Quand je prends la parole, je constate que mon message passe très bien, les gens sont prêts à évoluer si on leur explique correctement», assure la militante. «Les médias ont évolué aussi, ils parlent plus des problématiques liées au respect des droits des femmes qu’auparavant. Il y a toujours beaucoup de tabous et de non-dits au Maroc, mais il faut continuer de libérer la parole, de parler des problèmes et des maux de notre société. Il faut leur donner un large écho pour que les gens puissent comprendre».

Leila Rhiwiestime de son côté que ce chemin vers l’égalité entre les sexes ne peut être poursuivi par les femmes seules. «Les hommes et les garçons sont concernés et doivent être plus impliqués, leur voix en tant qu’alliés du féminisme, doit être plus forte», conclut-elle dans sa lettre ouverte.

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