Qu’on ne vienne pas nous parler de partenariat d’exception et de relations privilégiées entre la France et le Maroc. Quand il s’agit d’enjeux électoraux, tout est relégué au second plan. Parce qu’à six mois de la présidentielle de 2022, c’est bien de cela qu’il s’agit. Taclé par l’extrême droite sur sa promesse de campagne en 2017 sur « 100% d’exécution des OQTF (ordre de quitter le territoire français) », Emmanuel Macron ne veut pas être doublé sur ce dossier, à l’heure où la candidate du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, doit présenter ce mardi après-midi son projet de référendum sur l’immigration.
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Chantage aux visas
Souvenez-vous, Paris avait critiqué l’usage, certes maladroit par Rabat, du levier migratoire au mois de mai dernier dans son conflit avec l’Espagne. Aujourd’hui, le gouvernement conduit par Jean Castex fait de même. Il veut faire chanter le Maroc. Pourtant, le « chantage » migratoire marocain avait été dénoncé en Francequi, elle-même aujourd’hui, recourt à une pratique de chantage doublé de mépris.
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Paris a décidé de durcir les conditions d’obtention des visas à l’égard du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. Les trois pays « refusent » de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France, a annoncé mardi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.«C’est une décision drastique, c’est une décision inédite, mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France», a-t-il justifié sur Europe 1. Plus grave encore, le responsable gouvernemental français affirme qu’«il y a eu un dialogue, ensuite il y a eu des menaces ; aujourd’hui, on met cette menace à exécution» estimant qu’«à un moment quand les choses ne bougent pas, nous faisons appliquer les règles». Et les nouvelles règles de Paris sont simples: lenombre de visas octroyés va être divisé par deux pour le Maroc et l’Algérie, et une baisse de 30% va être opérée en direction de la Tunisie.
Interrogé sur la durée d’application de cette mesure, temporaire ou pérenne, le porte-parole du gouvernement français a indiqué qu’elle avait été «décidée il y a quelques semaines» et «va être mise à exécution» pour «pousser les pays concernés à changer de politique et accepter de délivrer ces laissez-passer consulaires». Sauf que Paris«souhaiterait que la réaction soit davantage de coopération avec la France pour qu’on puisse faire appliquer nos règles migratoires», a insisté Attal.
Une décision injustifiée selon Rabat
Du côté de Rabat, la réaction ne s’est pas faitattendre. «Nous avons pris acte de cette décision et la considérons comme injustifiée pour nombre de raisons, dont la première est que le Maroc a toujours traité la question de la migration avec la logique de responsabilité et le nécessaire équilibre entre la facilitation de la circulation des personnes (étudiants, hommes d’affaires et autres..), la lutte contre l’immigration clandestine et le traitement ferme réservé aux personnes en situation irrégulière», a soutenu mardi à Rabat, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita.Selon lui, le Maroc conditionne le retour de ses ressortissants au fait qu’ils disposent d’un passeport ou d’un laisser-passer, or, dans le sillage de la pandémie de la covid-19, le Royaume exige désormais qu’ils justifient en plus d’un test PCR négatif pour pouvoir accéder au territoire national. Ce que la France ne déclare pas, a-t-il noté, c’est que nombre d’individus disposant de documents de voyage n’ont pas pu rentrer au Maroc car refusant de réaliser ce dépistage, facultatif en France. Le problème est franco-français car si la loi française ne permet pas à ses autorités d’obliger les émigrés à se soumettre à ce test pour leur rapatriement, le Maroc n’acceptera pas non plus de changer ses lois pour permettre aux personnes venant de France d’accéder à son territoire sans se faire dépister, a-t-il détaillé.
Le Maroc, grand bénéficiaire des visas français
En 2020, la pandémie de la Covid-19 a obligé la France à réduire de façon drastique la délivrance de visas. Paris a délivré un total de 712.317 visas en 2020 contre 3.534.999 en 2019, soit une baisse significative de 79,8%. En conséquence, la Chine, traditionnellement le premier pays d’origine des titulaires de visa, est passée à la quatrième place, derrière le Maroc, la Russie et l’Algérie. Avec 98.627 visas Schengen, le Maroc est le premier pays d’origine des bénéficiaires suivi de la Russie (78.701), de l’Algérie (73.276), et de la Chine (71.451).
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Au mois de juin 2019, dans le cadre de sa visite au Maroc, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, se vantait du fait que jamais dans l’histoire, la France n’a délivré autant de visas aux Marocains qu’en 2018. Cette année-là, plus de 400.000 visas ont été délivrés aux Marocains par les différents consulats français établis dans le Royaume, avait souligné Le Drian dans un point de presse à l’issue de ses entretiens avec le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita. La progression de ce chiffre « très significatif » de 10% par an montre l’ »attractivité »des relations entre le Maroc et la France, avait commenté Le Drian.
Ce même ministre français des Affaires étrangères avait confié une sale besogne à un certain Clément Beaune, secrétaire d’État français aux Affaires européennes, celle de proférer des menaces à l’égard des pays qui ne veulent pas récupérer les personnes expulsées. «Il faut dire à ces pays qu’ils doivent reprendre les personnes qui sont identifiées comme leurs ressortissants», avait déclaré Beaune au mois de novembre 2020. «Nous avons des leviers pour le faire, par exemple les visas […] en ciblant des responsables politiques, des responsables économiques. Oui, c’est un des leviers que le président de la République et le ministre de l’Intérieur envisagent», avait-il ajouté.
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La France a donc choisi d’appliquer une mesure de rétorsion rendue possible par le code communautaire de Schengen. Mais, pour le cas marocain, le gouvernement français n’a peut-être pas eu un compte-rendu exhaustif du dernier discours du roi Mohammed VI clamant haut et fort que les «règles du jeu ont changé». Selon les nouveaux paramètres régissant les relations stratégiques du Royaume et indiquant l’orientation générale de sa politique étrangère, le Maroc ne cèdera pas à ce chantage aux visas.La France en sortira perdante avec une confiance brisée avec le plus grand partenaire maghrébin et une image écornée auprès des citoyens marocains.
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