Le 5 juin 1943 : le Maroc tourne la page Vichy
En 1943, le Maroc est encore sous protectorat français. En ce 5 juin de cette année, le général Charles Noguès, résident général de France au Maroc depuis 1936, est prié de quitter ses fonctions. Cette éviction marque la fin de l’influence du régime de Vichy dans la région.
Nommé résident général en 1936, Charles Noguès est un militaire de carrière, ayant gravi les échelons de l’armée française. Au Maroc, il se distingue par une politique autoritaire, notamment envers les mouvements nationalistes marocains, qu’il réprime sévèrement. Après la défaite de la France en 1940, Noguès choisit de rester fidèle au régime de Vichy, appliquant ses directives et maintenant une ligne dure contre toute forme de division.
Le 8 novembre 1942, les forces alliées lancent l’opération Torch, un débarquement en Afrique du Nord visant à affaiblir les forces de l’Axe. Au Maroc, les troupes de Noguès opposent une résistance aux Alliés, notamment à Casablanca, où les combats font rage pendant trois jours. Malgré cette opposition, les Alliés parviennent à prendre le contrôle de la région, mettant fin à l’autorité de Vichy en Afrique du Nord.
La chute de Vichy et de Noguès
Suite à l’opération Torch, la position de Noguès devient de plus en plus précaire. Sous la pression du Comité français de Libération nationale, dirigé par le général de Gaulle, Noguès est remplacé le 3 juin 1943 par Gabriel Puaux, un diplomate expérimenté. Cette décision est officialisée le 5 juin, marquant la fin de l’ère Noguès au Maroc. Exilé au Portugal, Noguès sera plus tard condamné par contumace à l’indignité nationale pour sa collaboration avec le régime de Vichy.
Après l’éviction de Charles Noguès, le Maroc entre dans une nouvelle phase politique et diplomatique. La guerre continue de faire rage en Europe, mais l’Afrique du Nord est désormais solidement sous contrôle allié. Le remplacement de Noguès par Gabriel Puaux n’est pas anodin : ce diplomate expérimenté est chargé d’amorcer un virage délicat, entre maintien de l’ordre colonial et gestion des nouvelles exigences, à la fois locales et internationales.
L’éviction de Noguès marque, certes, la fin officielle de l’influence du régime de Vichy au Maroc, même si, sur le terrain, l’appareil colonial reste intact. Puaux, bien que moins rigide, reste un homme du système ! Il tente néanmoins de faire des gestes d’ouverture, notamment envers les notables marocains. Quelques figures nationalistes, jusque-là réprimées, peuvent reprendre prudemment la parole. Mais ces gestes restent limités. La France, affaiblie, mais toujours coloniale, n’est pas encore prête à céder du terrain.
Sur le plan international, la Conférence d’Anfa (Casablanca) en janvier 1943, juste avant le départ de Noguès, avait déjà donné un signal fort : Roosevelt y rencontre feu le roi Mohammed V, montrant que les États-Unis s’intéressent à l’avenir du Maroc. Cette entrevue historique renforce la stature du Sultan.
Dans les années qui suivent, les tensions entre autorités françaises et nationalistes marocains ne cessent de monter. Le Sultan Mohammed V joue un rôle de plus en plus central, en particulier après son discours du 10 avril 1947 à Tanger, où il affirme avec courage l’unité du peuple marocain et son aspiration à la liberté. Ce discours marquera un point de non-retour dans la lutte pour l’indépendance.
Ce qu’il faut donc retenir, c’est que le départ de Noguès en 1943 ne signifie pas la fin immédiate du protectorat, il enclenche juste un lent processus de recomposition. Le régime colonial tente de se réinventer, mais les graines du changement sont déjà semées. Elles germeront pleinement douze ans plus tard, lorsque le Maroc obtiendra son indépendance en 1956.
7 avril 1947 : le jour où le sang des Marocains s’est mêlé à l’encre de l’Histoire