Wafa Assurance : la destruction méthodique de Ramsès Arroub (6/6)
L’une des particularités du secteur des assurances, est la diversité des canaux de distribution et leur degré d’(in)dépendance vis-à-vis de la compagnie. Le rôle d’intermédiaire d’assurances a toujours consisté en le rapprochement entre les clients éparpillés d’une compagnie d’assurances et ses services centraux ou régionaux. Contrairement aux banques qui distribuent leurs produits via leurs propres agences et employant leurs propres salariés, les intermédiaires d’assurances sont des tiers pour les assureurs et sont donc rémunérés à la commission. Ainsi, qu’il s’agisse de la présentation des produits d’assurances aux clients, de la vente de contrats, de l’encaissement des primes ou du paiement de prestations en cas de sinistres, leur rôle était de parer aux contraintes liées à l’éloignement physique entre assureurs et assurés.
D’où une relation particulière où le destin financier de beaucoup de ces «distributeurs» est littéralement entre les mains des assureurs. Dans cette dernière tribune de la série consacrée au bilan de M. Arroub à la tête de Wafa Assurance, nous passerons en revue l’autre explication de la dégradation des performances financières de la compagnie : la destruction méthodique du réseau de distribution.
Un métier difficile
Il y a quelques années, un film dramatique eut lieu au siège d’une compagnie d’assurances, où l’un de ses agents, de santé mentale visiblement fragile s’est donné la mort, en se jetant du haut de l’imposant bâtiment de l’assureur en plein cœur de Casablanca. Motif, il ne s’en sortait plus financièrement. D’autres se sont retrouvés en prison pour avoir confondu l’argent de la compagnie et le leur. Et pour cause, les commissions qu’ils perçoivent ne suffisaient même plus à leur assurer les conditions minimales d’une vie digne. Parmi eux, certains occupaient des postes de responsabilité et avaient sacrifié de brillantes carrières. Enfin, la majorité silencieuse se contente désormais d’une situation proche de celle d’un cadre en début de carrière et peine, par moments, à joindre les deux bouts. Beaucoup d’agents nous ont confié qu’ils étaient loin de s’imaginer pareil sort quand ils ont décidé de devenir intermédiaires d’assurances.
Ces difficultés trouvent leurs origines dans la politique agressive d’extension des réseaux de distribution en assurance. En effet, depuis le milieu des années 2000, le nombre d’agents ne cessa de progresser à un rythme supérieur à celui du marché de l’assurance automobile (qui constitue plus de 80% des revenus d’un nouvel agent). Il en résulta mécaniquement une baisse des revenus moyens par agence. Cette précarité qui était propre aux agents et courtiers en démarrage s’est étendue, pendant la crise de la Civid-19, aux grands intermédiaires. Si certaines compagnies ont pu négocier intelligemment ce moment difficile et préserver leur patrimoine commercial, d’autres ont préféré sacrifier une partie de leur réseau pour enjoliver à court terme la présentation de leurs comptes financiers.
Un management chaotique
Wafa Assurance a fait malheureusement partie de cette deuxième catégorie. Des agents et des courtiers, qui représentaient pourtant plusieurs centaines de millions de dirhams de primes, avaient plusieurs points de vente et disposaient de bons fonds de commerce, ont dû mettre la clef sous le paillasson. Ils devaient verser du jour au lendemain des primes qu’ils n’ont pas pu encaisser en raison de la pandémie. D’ailleurs, l’effondrement des parts de marché de la compagnie coïncide avec l’année qui a suivi la pandémie, à savoir 2021. S’il y a une leçon qu’un assureur doit garder précieusement, «c’est de toujours recevoir le plus modeste des intermédiaires», même s’il est en plein conseil d’administration, et là nous exagérons à peine.
Or, des intermédiaires nous ont raconté qu’en plein marasme et alors que le fruit du travail de toute une vie était en train de disparaître sous leurs yeux, on ne leur a laissé comme interlocuteur que des cadres qui leur disaient «nous ne faisons qu’appliquer les instructions de la direction générale». Celle-ci ne daignant même pas les recevoir. Certains d’entre eux employaient des dizaines de salariés. Ce traitement a diffusé au sein du réseau de distribution de Wafa Assurance, et même auprès de ses salariés, un climat d’insécurité et de perte de confiance. D’autres intermédiaires nous ont déclaré : «Nous avons fait gagner des millions de dirhams à cette compagnie. Tout ce que nous voulions, c’est d’être reçus par celui qui prend les décisions qui affectent notre vie et celles de nos employés. C’est notre droit et c’est son devoir. Est-ce trop demandé ? C’est cette ‘hogra’ qui ne passe pas».
Par ailleurs, les changements brusques de procédures et leur imposition immédiate au réseau, l’instabilité des postes au sein de la compagnie et les douces sirènes de la concurrence, ont poussé les courtiers les plus fidèles à déplacer progressivement leurs clients ailleurs. En revanche, les agents se retrouvent coincés et voient, impuissants, leurs portefeuilles s’effriter devant leurs yeux. Cependant, cette situation ne durera pas longtemps. Certains ont déjà commencé à prendre leur disposition. Si la compagnie a perdu plusieurs années de parts de marché (PdM), c’est parce que ses réseaux de distribution, construits sur plusieurs décennies, ne lui font plus confiance.
PdM | PdM | Perte de PdM | Perte de PdM | |
Vie | 26,1% | 21,8% | -430 | 15 ans |
Non Vie | 16,5% | 15,2% | -130 | 10 ans |
Automobile | 15,8% | 12,3% | -350 | 21 ans |
Total | 20,7% | 18,2% | -250 | 15 ans |
Source : Rapports fédération marocaine des assurances ; perte en nombre d’années = PdM 2021 – dernière année où la compagnie affichait une PdM inférieure ou égale à celle de 2021
Si Wafa Assurance a abandonné 21 ans d’acquis en assurance automobile, c’est parce qu’elle a massacré son réseau. Et si sa perte en assurances non-vie n’est pas aussi lourde, ce n’est que grâce au portefeuille du groupe Al Mada et à l’apport de certains gros clients financés par Attijariwafa bank.
Aujourd’hui, plusieurs agents cherchent à sauter d’un navire en train de chavirer. Ils dénoncent l’absence de vision, critiquent un management chaotique et lunatique, supportent beaucoup d’approximations dans la gestion au quotidien, souffrent d’une compagnie d’assurances en panne et, surtout, redoutent l’absence de relève.
À la première tribune de cette série, nous avons reçu des dizaines de courriers et de messages de la part d’employés (actuels et anciens), du réseau de distribution, des opérateurs du secteur, et même d’anciens consultants. Tous avaient une histoire à raconter, un témoignage à partager ou ont exprimé juste un sentiment de regret de ce qui est en train de se produire à Wafa Assurance. Tous ces messages étaient poignants et révélateurs d’un mode de management qui a conduit la compagnie à sa léthargie actuelle. Un jour, peut-être, nous les publierons.
Quand nous avons rédigé cette série de tribunes, c’était en tant qu’ancien cadre dirigeant de la compagnie, ayant modestement contribué à son succès pendant son âge d’or, et attristé par sa léthargie actuelle. Nous avons voulu, faits et preuves à l’appui, tirer la sonnette d’alarme pour sauver ce qui peut encore l’être.
Le général Douglas MacArthur disait bien : «Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard».
Dans la même série :
Wafa Assurance : le sombre tableau de Ramsès Arroub (1/6)
Wafa Assurance : le virage raté par Ramsès Arroub (2/6)
Wafa Assurance : le grand gâchis de Ramsès Arroub (3/6)
Wafa Assurance : les opportunités manquées par Ramsès Arroub (4/6)
Wafa Assurance : le dommage irréparable de Ramsès Arroub (5/6)
Wafa Assurance : la destruction méthodique de Ramsès Arroub (6/6)
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