L’Morphine : clashé, attaqué, mais jamais effacé

Avatar de Sabrina El FaizAvatar de Ayoub Jouadi

Temps de lecture :

L'Morphine : clashé, attaqué, mais jamais effacéL'Morphine lors de la conférence de presse Mawazine 2025 à la Villa des Arts de Rabat, le 27 juin 2025 © Ayoub Jouadi / LeBrief

A
A
A
A
A

Il s’appelle L’Morphine et sur scène, comme dans ses textes, il dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Invité à une conférence dans le cadre du festival Mawazine, il a déboulé avec ses punchlines acérées, ses phrases mitraillettes et cette façon bien à lui de faire danser les mots comme on fait trembler un système. Mieux vaut l’écouter que de prétendre pouvoir le résumer. Mais on a quand même essayé.

5…4…3…2…1, L’Morphine débarque dans la salle de conférence de Mawazine, à la Villa des Arts de Rabat. Jean, basket, tee-shirt. Aucun artifice. Aucune surenchère. Il n’en a nullement besoin. Tout est dans ses mots.

Il n’est pas là pour faire joli, ni pour plaire. Mais pour parler. A coups de punchlines, de clins d’œil à son éducation et de citations qui font rimer les anges et les démons, il s’impose comme l’un des rares rappeurs à naviguer entre musique et sociologie. Pendant sa prise de parole à Rabat, il a parlé vrai. De clashs, de Mawazine, de la pauvreté, de l’identité, des mots qu’on utilise et de ceux qu’on ne devrait pas avoir peur d’utiliser. Et surtout, de ce qu’il veut faire avec son art : du sens. Rien que ça.

Les questions fusent et la première est coup… enfin… que l’on croyait. Celui qui joue de la musique, sait jouer des mots, en live et en impro’. « Je n’ai jamais été contre Mawazine, il faut bien écouter les paroles et les comprendre. Pas juste sortir une phrase et faire genre on a compris ». Ca c’est dit.

L’Morphine sans détours

LMorphine LeBrief 2

L’Morphine à Rabat le 27 juin 2025 © Ayoub Jouadi / LeBrief

Le Maroc, ce n’est pas juste un folklore à vendre dans les catalogues de tour-opérateurs. C’est aussi une jeunesse qui cogite, qui s’exprime, qui clash. Et lui, il en est la preuve. L’Morphine, c’est ce genre d’homme qui ne vous sert pas la soupe. Il la jette et vous demande si vous avez le courage d’y gouter.

Face à une salle pleine, il parle de rap, de religion, de censures, de buzz et de vérités. Et parfois, ça pète. Mais toujours avec fond. « Le clash, ce n’est pas juste pour le show. Parfois oui. Mais souvent, c’est parce que tu dois dire quelque chose que personne ne veut entendre ».

Le rap, pour lui, c’est l’inhalateur de l’âme. Quand ça sature, il pose des mots. Pas pour faire danser, mais pour faire penser. Et si ça fait danser au passage, tant mieux.

Dans un paysage rapologique parfois cannibalisé par les clashs de cour de récré, L’Morphine garde le cap. Il n’est pas là pour faire le show, mais pour écrire et poser ses pensées. Le clash n’est pas un crime, pourtant, les réseaux sociaux en font leur beurre. « Faut arrêter d’avoir peur du clash. En France, aux Etats-Unis, ils clashent tout, même les mères et finissent par se prendre dans les bras ». Selon l’artiste, le clash, c’est comme un jeu vidéo. Lorsqu’on prend la manette, on joue contre quelqu’un, parce que c’est tout simplement le jeu. Une fois la partie finie, c’est sans rancune.

Il assume ses positions, ses contradictions, son passé, ses virages… « Il y a des intellectuels qui écrivent du rap et il y a l’intellectualisation par le rap ».

L’Morphine n’est pas lisse, il est brut. Pas cynique, mais lucide. Il fait du rap comme d’autres font des berceuses rébarbatives. Avec du souffle, de la colère, de l’humour et ce regard particulier sur la société marocaine. Il ose, il dérange, il clarifie.

Et c’est tant mieux !

Vidéo © Ayoub Jouadi / LeBrief

Dernier articles
Les articles les plus lu
Dernier hommage de Fairouz à Ziad Rahbani, son fils et complice artistique

Culture - Fairouz, silhouette discrète et endeuillée, a fait une rare apparition publique pour dire adieu à son fils, Ziad Rahbani, figure majeure de la scène libanaise.

Hajar Toufik - 29 juillet 2025
Le festival « Été des Oudayas » célèbre la diversité musicale marocaine

Culture - La 13e édition du Festival « Été des Oudayas » s’est ouverte à Rabat avec un vibrant hommage à Hayat El Idrissi.

Mbaye Gueye - 28 juillet 2025
Rabat : lancement de la 22ᵉ édition du Festival international des musiques andalouses

Culture - Rabat accueille le festival des musiques andalouses, un rendez-vous culturel qui met en lumière un héritage musical partagé entre les deux rives de la Méditerranée.

Hajar Toufik - 25 juillet 2025
Rim Battal finaliste du Prix de la littérature arabe 2025 à Paris

Culture - Rim Battal finaliste d’un prix littéraire prestigieux avec un roman fort sur l’émancipation féminine et la difficulté d’exister dans une société conservatrice.

Hajar Toufik - 24 juillet 2025
Mustapha Chemiâa décrypte la violence scolaire

Culture - Mustapha Chemiâa publie La violence en milieu scolaire, un ouvrage qui explore les causes, manifestations et solutions à la violence scolaire.

Mouna Aghlal - 24 juillet 2025
The Odyssey pose ses valises à Dakhla

Culture - Le réalisateur Christopher Nolan a décidé de filmer une partie de son nouveau film The Odyssey dans la ville de Dakhla.

Mouna Aghlal - 22 juillet 2025
Voir plus
Mawazine 2025 : l’heure du bilan

Culture - Mawazine 2025 fête ses 20 ans entre concerts réussis, controverses médiatisées et défis organisationnels.

Hajar Toufik - 30 juin 2025
Casa Music Week : retard, désorganisation, discrimination

Culture - L’édition 2025 de la Casa Music Week, événement très attendu par les amateurs de musique urbaine et pop au Maroc, ne laissera pas que de bons souvenirs.

Rédaction LeBrief - 23 juin 2025
Aux frontières du réel et de la fiction dans le roman social : le cas « Houris »

%customterm(topic)% - L’affaire entourant Kamel Daoud et son roman Houris illustre les tensions qui surgissent lorsque fiction et réalité s’entrelacent.

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024
Appropriation d’un caftan fassi : le Maroc saisit l’UNESCO contre l’Algérie

Culture - Le Maroc a déposé une plainte officielle auprès de l'UNESCO, accusant l'Algérie d'appropriation culturelle.

Hajar Toufik - 21 mai 2024
Maroc : carrefour des arts

Culture - Une année haute en couleurs ! D'ailleurs, le Maroc ne rate pas une occasion de faire briller les siennes sur la scène culturelle. 

Mbaye Gueye - 31 décembre 2024
Tim Burton, génie maléfique, maître de l’étrange

Culture - En 1989, Burton réalise Batman. Évidemment, nous ne sommes plus dans le monde de la bande dessinée, et donner un tel projet à Burton c’est s’attendre à une adaptation sombre et audacieuse. Retour sur une vie qui détonne !

Sabrina El Faiz - 2 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire