Le siège de Bank Al-Maghrib à Rabat © DR
Le Conseil de Bank Al-Maghrib a récemment clôturé l’année 2023 avec sa dernière réunion trimestrielle, tenue le 19 décembre. Cette session a été l’occasion d’analyser en profondeur les tendances actuelles et futures de l’économie, tant sur le plan national qu’international.
Paysage économique global et inflation
Pour l’international, le Conseil a noté une atténuation significative des pressions inflationnistes, principalement attribuable aux politiques monétaires restrictives et à la baisse des prix de l’énergie. Parallèlement, la croissance économique mondiale continue de subir les conséquences des tensions géopolitiques et de l’augmentation des incertitudes. Ces éléments conjugués dressent un tableau complexe du paysage économique global.
Sur le plan national, malgré l’impact humain considérable du séisme d’Al Haouz, ses répercussions sur l’économie sont jugées minimes. De plus, les nombreux projets d’envergure en cours ou prévus apportent un souffle d’optimisme pour une dynamique renouvelée de l’investissement et de l’activité économique à moyen et long termes.
Tendance de l’inflation domestique
En ce qui concerne l’inflation domestique, un ralentissement notable a été observé. Après avoir atteint un pic de 10,1% en février, l’inflation a progressivement diminué pour s’établir à 4,3% en octobre, avec une moyenne annuelle prévue de 6,1%. Cette tendance à la baisse devrait se poursuivre, atteignant environ 2,4% en 2024 et 2025. Cette évolution est soutenue par la diminution des pressions inflationnistes externes, l’impact des mesures fiscales de la loi de Finances 2024, et une décompensation graduelle.
Politique monétaire et taux directeur
Le Conseil a également observé que les anticipations d’inflation à moyen terme continuent de reculer, illustrant l’efficacité des récentes décisions de relèvement du taux directeur. Dans ce contexte, le taux directeur actuel de 3% a été jugé approprié pour soutenir le retour de l’inflation vers des niveaux conformes à l’objectif de stabilité des prix. En conséquence, le Conseil a décidé de maintenir ce taux inchangé, tout en continuant à surveiller étroitement les tendances économiques et inflationnistes.
Volatilité des marchés des matières premières
À propos des marchés des matières premières, le Conseil a mis en évidence une volatilité persistante dans les prix du pétrole, influencée par les risques d’approvisionnement et les décisions de l’OPEP+. Après un sommet de 98,9 dollars le baril en 2022, le prix moyen du Brent devrait baisser à 83,1 dollars cette année, puis s’établir à 87,3 dollars en 2024 et 86,6 dollars en 2025. Hors secteur énergétique, une tendance baissière des prix est également attendue, notamment pour les produits agricoles et les métaux. Quant aux phosphate et ses dérivés, une diminution progressive est prévue, avec une baisse de prix notable pour le DAP, passant de 772 dollars la tonne en 2022 à 400 dollars en 2025.
Production céréalière et croissance économique
Sur le plan national, la production céréalière influence positivement l’économie. Après une production de 55,1 millions de quintaux, la valeur ajoutée agricole est prévue pour augmenter de 5% en 2023, puis de 5,9% en 2024 et de 2% en 2025. Les activités non agricoles devraient aussi connaître une croissance, avec des augmentations prévues de 2,5% en 2023, 2,7% en 2024, et 3,7% en 2025.
Ajustements dans l’environnement monétaire
Le déficit du compte courant devrait s’alléger à 1,6% du PIB en 2023, mais s’aggraverait à 2,5% en 2024 et 3,8% en 2025. Les investissements directs étrangers (IDE) connaîtraient une baisse en 2023, mais devraient retrouver un niveau stable dans les années suivantes. Globalement, malgré les incertitudes, ces prévisions économiques indiquent une reprise progressive et une stabilisation des marchés à moyen terme.
Stabilité des réserves officielles de la banque
Le Conseil a noté qu’à la fin de l’année 2023 et 2024, les avoirs officiels de réserve de la banque se stabiliseraient à 360,9 milliards de DH (MMDH), avant de connaître une légère hausse pour atteindre 372,1 MMDH à la fin de 2025. Ces réserves représenteraient environ cinq mois et seize jours d’importations de biens et services en 2023, et se maintiendraient à un niveau similaire dans les deux années suivantes. Cette stabilité des réserves est un indicateur rassurant de la santé financière du pays dans un contexte économique mondial incertain.
Analyse de la balance des paiements
La balance des paiements, un autre indicateur crucial, révèle des dynamiques intéressantes. Après une période de forte activité, une légère baisse des échanges de biens est attendue en 2023, suivie d’une reprise progressive. Les importations, après une contraction de 2,6% en 2023, devraient augmenter de 4,2% en 2024 et de 8,2% en 2025. Cette augmentation s’expliquerait principalement par les achats accrus de demi-produits et une facture énergétique plus élevée. Parallèlement, les exportations devraient connaître une stagnation temporaire en 2023, malgré une croissance soutenue dans le secteur automobile et un recul notable dans les ventes de phosphate et dérivés. Toutefois, une reprise est prévue avec une augmentation annuelle d’environ 7%, portée en grande partie par les ventes dans le secteur automobile, qui devraient atteindre 190 MMDH en 2025.
Reprise du secteur touristique
Le secteur du tourisme montre également des signes de reprise, avec les recettes de voyages prévues pour augmenter de 13,2% en 2023 à 106 MMDH. Cette croissance devrait se stabiliser en 2024 avant de connaître une nouvelle hausse de 6,5% en 2025, atteignant 112,4 MMDH. Cette tendance positive est encouragée par la reprise économique anticipée dans la zone euro, principal marché émetteur de touristes vers le pays.
Importance des transferts des résidents à l’étranger
En ce qui concerne les transferts des résidents à l’étranger, une augmentation progressive est attendue, passant de 112,8 MMDH en 2023 à 120 MMDH en 2025. Ces transferts, une source importante de revenus pour de nombreux pays, contribuent de manière significative à l’équilibre des comptes nationaux.
L’environnement monétaire actuel connaît des ajustements notables, cruciaux pour la stabilité économique future. Une hausse notable des taux débiteurs a été observée, atteignant 5,36% au troisième trimestre 2023, marquant une augmentation cumulée de 112 points de base depuis le début du resserrement de la politique monétaire.
Besoin croissant de liquidités bancaires
Les banques, quant à elles, font face à un besoin croissant de liquidités. Leur besoin s’élève à 92,6 MMDH à la fin de 2023, avec des prévisions de hausse atteignant 137,7 MMDH en 2025. Cette augmentation est principalement alimentée par la croissance de la monnaie fiduciaire. Dans ce contexte, le crédit au secteur non financier montre des signes de ralentissement, passant de 7,9% en 2022 à 2,6% en 2023, avant de s’accélérer légèrement à 4,6% en 2024 et 4,7% en 2025. Ces chiffres reflètent une adaptation prudente du secteur bancaire aux conditions économiques changeantes.
Évolution du taux de change
Concernant le taux de change effectif réel, après une baisse de 3,9% en 2022, une remontée modeste est attendue, avec une augmentation de 0,8% en 2023. Cette tendance à la hausse devrait se poursuivre avec des taux de 1,1% en 2024 et de 0,6% en 2025, indiquant particulièrement une appréciation de la valeur nominale de la monnaie.
Perspectives budgétaires et gestion fiscale
Du côté des finances publiques, les recettes ordinaires ont enregistré une amélioration de 2,2% à la fin novembre 2023, grâce à une augmentation des revenus fiscaux. Cependant, les dépenses globales ont également augmenté de 4%, reflétant essentiellement la hausse des coûts des biens, services et investissements. Tenant compte de ces facteurs, ainsi que des prévisions budgétaires pour 2024-2026, le déficit budgétaire devrait se situer à 4,8% du PIB en 2023, avant de diminuer légèrement à 4,5% en 2024 et à 3,9% en 2025.
Stratégie et planification de Bank Al-Maghrib
Pour conclure, Bank Al-Maghrib a adopté un plan stratégique ambitieux pour la période 2024-2028, soulignant son engagement envers une gestion financière robuste et proactive. Le plan inclut l’approbation du budget pour 2024, la validation d’une stratégie de gestion des réserves de change, ainsi qu’un programme d’audit interne. Les dates des réunions ordinaires pour 2024 ont aussi été fixées, marquant des étapes importantes pour l’évaluation et l’ajustement des politiques monétaires et fiscales. Cette approche stratégique témoigne d’une planification minutieuse et d’une vision à long terme, essentielles pour naviguer dans un paysage économique mondial en constante évolution.
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