Scandale : que cachent vraiment nos prothèses dentaires ?

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Scandale : que cachent vraiment nos prothèses dentaires ?Image d'illustration © Pixabay / Diego Toralabad

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Un joli sourire, ça coûte cher. Alors, nombreux sont les Marocains à chercher une voie moins coûteuse, quitte à risquer leur santé. Le secteur dentaire, en pleine expansion, est plus que jamais gangrené par l’anarchie et l’illégalité. Alors que les cabinets de prothésistes dentaires fleurissent à chaque coin de rue au Maroc, un scandale retentit. Celui de l’atteinte à la santé publique.

Tout est parti d’une lettre adressée à la Fédération par un collectif se présentant comme une « représentation des prothésistes dentaires ». Une lettre sans date, sans explication concrète, mais qui réclamait une rencontre pour « trouver des solutions ». La réponse du Dr Hamid El Byad, président de la Fédération nationale des syndicats des médecins dentistes du secteur libéral du Maroc est directe : « Avec qui dois-je dialoguer ? Je ne sais même pas qui représente qui. Je ne peux pas m’asseoir avec des individus qui n’ont ni cadre légal, ni existence juridique, ni reconnaissance institutionnelle », déclare-t-il à LeBrief.

Ce refus catégorique n’est pas motivé par de l’orgueil professionnel. Loin de là. Il repose sur un constat très simple, à savoir la prolifération incontrôlée de cabinets illégaux tenus par des personnes sans formation universitaire, ni encadrement médical, ni autorisation du ministère de la Santé. Certains d’entre eux s’autoproclament « techniciens dentaires » après un stage de quelques jours, ouvrent des locaux improvisés sur des terrasses ou dans des garages et posent couronnes, bridges, prothèses, au mépris des règles sanitaires les plus élémentaires.

Quand l’hépatite se transmet chez le médecin

Ces pratiques ne sont évidemment pas sans conséquences sur la santé. Selon le Dr El Byad, plus de 80% des cas de transmission d’hépatite enregistrés lors d’une enquête intergouvernementale menée il y a une dizaine d’années (ministères de la Santé, de l’Intérieur et de l’Education) seraient dus à ces actes médicaux pratiqués dans l’ombre. Un danger de santé publique, que peu de citoyens soupçonnent lorsqu’ils se rendent chez un « prothésiste » à petit prix.

« Ce n’est pas une question de qualité du travail, c’est une question de légalité et de sécurité », insiste le président de la Fédération.

Casablanca : les médecins dentistes tirent la sonnette d’alarme sur l’exercice illégal

Mais l’affaire ne s’arrête pas à nos frontières. Le Dr El Byad nous révèle une information peu reluisante : récemment, certains de ces praticiens illégaux auraient créé une « représentation du Maroc » à l’étranger, en se présentant comme des professionnels de santé lors de salons internationaux en Belgique, en Espagne ou encore aux Pays-Bas. « Ils se proclament d’une profession qui n’existe même pas légalement au Maroc. Quand on leur demande leur diplôme ou leur parcours, certains ne savent même pas quoi répondre. C’est une humiliation pour le pays ».

La situation est si préoccupante qu’en Espagne, l’Ordre des médecins a publié un communiqué pour décourager les citoyens espagnols d’effectuer des soins dentaires au Maroc. Une atteinte grave à la réputation du Royaume dans un secteur où il cherche pourtant à attirer du tourisme médical.

Une tolérance qui date… du protectorat

Comment en est-on arrivé là ? Le flou juridique remonte à un dahir de 1960, qui tolérait les « fabricants de prothèses dentaires » déjà installés avant l’indépendance. Ces derniers étaient alors au nombre de 500, strictement encadrés. Mais la loi n’a pas prévu la succession de cette tolérance à la génération suivante. A mesure que ces anciens praticiens disparaissaient, une brèche s’est ouverte, exploitée aujourd’hui par des milliers d’individus sans légitimité.
« On a laissé se développer une profession dans l’illégalité, sur une faille juridique vieille de 60 ans », explique Dr El Byad. Une anarchie totale qui alimente une économie informelle lucrative, sans aucune imposition, ni contrôle de qualité, ni formation encadrée.

Ce qui rend la situation encore plus complexe, c’est l’émiettement des collectifs qui se présentent comme la voix des prothésistes. « Il y a dix ou douze associations, chacune prétendant représenter le secteur. Mais aucune n’a de statut clair, ni d’agrément du ministère de la Santé ou de l’Education. C’est du bricolage », déplore-t-il.

Pour le président de la Fédération, le dialogue n’est possible qu’avec des partenaires légaux, régis par la loi, et disposant de formations diplômantes reconnues. Il rappelle que des techniciens prothésistes formés existent bel et bien au Maroc (ceux-là travaillent main dans la main avec les chirurgiens-dentistes, dans le cadre prévu par la législation).

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