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Maroc-Tunisie : la crise diplomatique était-elle prévisible ?

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kais saied et brahim GhaliLe président tunisien Kaïs Saïed reçoit le chef du Polisario, Brahim Ghali, sur le tarmac de l'aéroport de Tunis-Carthage, le 26 août 2022 © DR

L’accueil du chef du Polisario par le président tunisien, vendredi 26 août, à l’occasion du 8ᵉ sommet Japon-Afrique (TICAD) a été à l’origine d’une crise diplomatique d’une virulence inouïe entre le Maroc et le pays dirigé par Kaïs Saïed. De ce fait, le Royaume a décidé, en toute responsabilité, de ne pas participer à ce sommet et de rappeler son ambassadeur pour consultations. L’erreur de Kaïs Saïed a porté un coup sérieux à ce rendez-vous, qui a été détourné de sa vocation initiale, prouvant par la même occasion que la Tunisie aurait déjà changé de cap. Détails.

La Tunisie aurait abandonné sa neutralité traditionnelle dans l’affaire du Sahara après l’accueil « digne d’un chef d’État » réservé au chef du Polisario sur son sol. Cette réception protocolaire a logiquement déclenché la colère du Maroc, qui a considéré cet acte comme « inédit », en décidant de rappeler son ambassadeur et en boycottant le sommet. Aujourd’hui, cet incident diplomatique prend de l’ampleur.

Depuis cet incident, les réactions se sont enchaînées les unes après les autres. D’abord, l’Association nationale des médias et des éditeurs (ANME) a dénoncé avec vigueur l’hostilité provocatrice de la Tunisie, indiquant avoir été «surpris par la démarche du président Saïed qui s’est montré insolent envers la cause nationale, sans le moindre respect des coutumes, traditions, règles de respect du bon voisinage, ou de l’histoire et du destin communs entre les deux pays». Elle a aussi ajouté «que le geste dénoncé ne représente que la présidence tunisienne et ses représentants».

La voie du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) s’est également élevée pour condamner l’attitude de Kaïs Saïed. Dans son communiqué, le SNPM a exhorté l’ensemble des organisations civiles, syndicales et de défense des droits de l’homme, ainsi que toutes les élites des mondes des médias et de la culture, à s’opposer à toutes les manœuvres qui ciblent l’action maghrébine commune, en visant la souveraineté des États et leur intégrité territoriale, les invitant à œuvrer et à renforcer les liens entre les peuples de la région de manière à servir la paix, la stabilité, la sûreté et la démocratie.

Lire aussi : Maroc-Tunisie : une brouille diplomatique majeure

Un appel au boycott

Les réactions au sujet de cette crise entre Rabat et Tunis se poursuivent. Un communiqué a été publié hier, lundi 29 août, par la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC).

Selon son président, Bouazza Kherrati, il s’agit d’une affaire nationale. Conséquence : une relation gelée de toutes les formes d’activités avec les institutions tunisiennes de protection des consommateurs et un appel au boycott de tous les produits tunisiens.

Sur les réseaux sociaux, un boycott des produits tunisiens s’organise déjà. Code-barres et listes de marques tunisiennes sont partagés en masse. Pis encore, certains appellent même au retrait de la filiale tunisienne du groupe Attijariwafa bank.

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Abandon de la «neutralité positive» ?

Avant le sommet de la TICAD, La Tunisie émettait déjà des signes avant-coureurs d’hostilité envers le Maroc. La surprenante abstention de la Tunisie lors du vote, le 29 octobre, de la résolution 2602 du Conseil de sécurité de l’ONU prolongeant le mandat de la Minurso a intrigué les observateurs. La Tunisie a été en effet l’un des deux pays (avec la Russie), sur quinze participants, à exprimer sa défiance vis-à-vis de ce texte. Un revirement dans le dossier du Sahara qui prouve aujourd’hui, et de façon claire, le basculement de Tunis dans le camp des ennemis de l’intégrité territoriale marocaine.

Autre chose : il est important de rappeler que le premier voyage officiel de Kaïs Saïed à l’étranger était en Algérie. C’était en février 2020, soit après seulement trois mois au pouvoir. «L’Algérie est notre patrie soeur», avait-il assuré. Deux ans plus tard, il s’est rendu à nouveau à Alger à l’invitation de son homologue algérien, lors du défilé militaire de l’armée algérienne du 5 juillet. Et il n’a échappé à personne le fait que le président tunisien s’est assis aux côtés du chef du Polisario.

Autant de signes qui ont déjà fait croire que la Tunisie était en train de changer d’attitude vis-à-vis du Maroc, contre un prêt de 300 millions de dollars accordé par son voisin pour le renforcement des relations économiques entre les deux pays.

Lire aussi : Tunisie : gel des comptes bancaires de plusieurs opposants du président

Croissance en berne

La Tunisie vit une grave crise économique. Les chiffres indiquent qu’un tiers de la population est pauvre, ce qui signifie que plus de quatre millions de Tunisiens vivent déjà dans la pauvreté ou sont menacés de pauvreté. En 2022, le taux de chômage s’élevait à 16,1%, alors qu’en juillet dernier, l’inflation avait déjà atteint 8,2%.

Le tourisme, qui représente entre 10% et 14% du PIB tunisien, peine à redémarrer malgré la réouverture de la frontière terrestre algéro-tunisienne le 15 juillet dernier. En 2019, le pays avait accueilli, entre la saison estivale et les fêtes du Nouvel An, neuf millions de touristes étrangers, dont trois millions d’Algériens et plus de 650.000 Russes et Ukrainiens. Ces deux dernières clientèles manquent actuellement à l’appel en raison de la guerre.

Outre la baisse du tourisme et la guerre en Ukraine, l’instabilité gouvernementale a également plongé le pays dans le surendettement. En juillet 2021, le président Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs avec le limogeage du gouvernement et la suspension du Parlement, dominé par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha. Une suspension du Parlement encore prolongée jusqu’à la tenue de nouvelles élections législatives annoncées pour décembre prochain.

Pour faire face à sa grave crise financière, la Tunisie a sollicité le Fonds monétaire international (FMI) pour un nouveau prêt de quatre milliards de dollars, après les prêts déjà accordés au pays en 2013, 2016 et 2020. Les négociations sont d’ailleurs toujours en cours.

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