Les pharmaciens montent au créneau

Avatar de Hajar Toufik
Temps de lecture :

Les pharmaciens montent au créneauPrès de 2.000 pharmaciens manifestent à Rabat contre les pénuries et la politique des prix, réclamant un dialogue urgent pour protéger leur profession et les patients © DR

A
A
A
A
A

À Rabat, le malaise des pharmaciens s’est traduit par un sit-in massif. Entre menaces de faillite et absence de concertation, les professionnels réclament un dialogue réel avec la tutelle pour protéger leur métier et la santé des Marocains. Les détails.

Près de 2.000 pharmaciens venus de différentes régions du Maroc se sont réunis, hier à Rabat, devant le siège du ministère de la Santé et de la Protection sociale, à l’appel de la Confédération nationale des syndicats de pharmaciens. Objectif : dénoncer une politique de régulation des prix des médicaments jugée défavorable à la profession et susceptible de mettre en danger la santé des citoyens.

Les représentants syndicaux ont mis en cause le ministre de la Santé, Amine Tahraoui, qu’ils accusent de « refus persistant de dialogue » avec les instances représentatives du secteur. Selon Amine Bouzoubaâ, secrétaire général de la Confédération, plus de 4.000 officines risqueraient aujourd’hui la faillite, ce qui menace non seulement l’avenir des pharmaciens, mais également la continuité d’un service public essentiel.

Les contestataires dénoncent aussi les pénuries récurrentes de certaines spécialités médicales et reprochent au ministère de concentrer sa politique sur les médicaments à faible valeur thérapeutique, laissant de côté les traitements coûteux destinés aux maladies chroniques ou aux cancers.

Durant ce rassemblement, les slogans et pancartes traduisaient la gravité du malaise : « Honte, honte, la pharmacie est en danger », « Où sont vos promesses, M. le ministre ? », ou encore « Stop à l’ignorance et à l’absurdité ! ». L’objectif de cette mobilisation était clair : alerter sur les conséquences économiques et sanitaires d’une politique jugée inadéquate et réclamer un dialogue effectif avec la tutelle.

Lire aussi : Journée mondiale des pharmaciens : état des lieux d’un secteur en quête de renouveau 

La réforme des prix contestée : ambitions vs réalité

Le ministère de la Santé souhaite moderniser la fixation des prix via un projet de décret qui remplacerait le texte de 2013. Parmi les mesures envisagées : révisions tarifaires plus fréquentes, indexation obligatoire des génériques à un prix inférieur de 30% au princeps, plafonnement du nombre de génériques par molécule, introduction de prix négociés pour les traitements coûteux et droit de substitution pour les pharmaciens. La tutelle explique que l’objectif est double : réduire le coût pour les patients et sécuriser la soutenabilité financière de l’assurance maladie.

Pour les pharmaciens, la réforme ne tient pas compte de la réalité économique des officines. Les textes réglementaires fixent des marges brutes élevées, allant de 30 à 50% pour les médicaments peu coûteux et jusqu’à 400 DH pour les plus onéreux. En pratique, après déduction des loyers, salaires et charges fiscales, la marge nette ne dépasse pas 6 à 10%. Ce décalage fragilise considérablement l’équilibre économique des pharmacies, en particulier celles situées dans les zones à faible pouvoir d’achat.

La controverse se concentre sur les traitements coûteux, comme les anticancéreux ou les médicaments pour maladies chroniques, souvent importés et peu disponibles dans les officines de quartier. Les pharmaciens estiment que ces exceptions ne peuvent pas servir de référence pour évaluer l’ensemble de la profession, surtout que le médicament représente 34% des dépenses de la CNSS. Selon eux, la réforme devrait s’inscrire dans une vision globale, intégrant les autres composantes du coût des soins, telles que la radiologie, les analyses ou les hospitalisations.

Lire aussi : Médicaments : une réforme des prix qui divise 

Des enjeux au-delà des prix

Le malaise des pharmaciens ne se limite pas aux marges et aux prix. La profession dénonce également des problèmes structurels persistants : vente de médicaments hors circuit légal, commercialisation de compléments alimentaires sans contrôle, arrestations jugées injustifiées et absence d’élections des conseils de l’Ordre depuis huit ans. Ces dysfonctionnements nourrissent le sentiment d’un secteur laissé à lui-même et fragilisent la sécurité médicamenteuse des citoyens.

La Confédération nationale des syndicats de pharmaciens impute au gouvernement la « pleine responsabilité des conséquences de ce blocage », rappelant que fragiliser le secteur pharmaceutique revient à compromettre un enjeu relevant de la souveraineté nationale en matière de santé publique. Pour les professionnels, la politique de santé ne peut se réduire au prix du médicament et doit s’inscrire dans une approche globale qui garantit l’accès aux soins pour tous, tout en préservant la viabilité économique des officines.

D’ailleurs, les pharmaciens se disent ouverts au dialogue et souhaitent participer activement à la réforme. Ils revendiquent une concertation réelle et constructive, avec des propositions concrètes pour concilier intérêt des patients et viabilité économique des officines.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Anouar Invest lance AYA, une usine verte et stratégique à Jorf Lasfar

Économie - Avec 480 MDH investis, Anouar Invest lance l’unité AYA à Jorf Lasfar, dédiée à la levure et aux additifs alimentaires.

Ilyasse Rhamir - 10 septembre 2025
Barid Al-Maghrib et Saudi Post renforcent leur coopération postale et e-commerce

Économie - Barid Al-Maghrib et Saudi Post signent deux accords stratégiques pour moderniser les échanges postaux et soutenir le développement du e-commerce entre le Maroc et l’Arabie saoudite.

Hajar Toufik - 10 septembre 2025
Comment le Maroc s’impose sur le marché mondial de l’avocat ?

Économie - Avec plus de 130.000 tonnes d'avocats produites en 2025, le Maroc s’impose comme 3ᵉ producteur africain d’avocats.

Rédaction LeBrief - 10 septembre 2025
Le Maroc préside le Comité du GSTP 2025-2026 à Genève

Économie - Le Maroc consolide son influence internationale en assumant la présidence du Comité des participants du GSTP pour 2025-2026.

Rédaction LeBrief - 10 septembre 2025
Tourisme : le Maroc accueille 13,5 millions de visiteurs à fin août

Économie - Le Maroc a accueilli 13,5 millions de touristes à fin août 2025, soit une hausse de 15% par rapport à l'année précédente.

Mbaye Gueye - 9 septembre 2025
L’or poursuit son envolée et signe un nouveau record

Économie - Valeur refuge par excellence, l’or enchaîne les records et pourrait poursuivre son envolée face aux incertitudes économiques et politiques qui secouent les marchés mondiaux.

Hajar Toufik - 9 septembre 2025
Voir plus
Visa Schengen : le cauchemar européen à prix d’or

Dossier - Entre les délais interminables, les coûts exorbitants et les parcours semés d’embûches, obtenir un visa Schengen c’est devenu…

Sabrina El Faiz - 26 juillet 2025
Coût, impact… tout savoir sur la nouvelle LGV Kénitra-Marrakech

Économie - Le Maroc lance l’extension de sa LGV vers Marrakech, un projet structurant qui transformera durablement la mobilité, l’économie et la connectivité entre les grandes villes.

Hajar Toufik - 25 avril 2025
Où en est l’avancement du gazoduc Nigeria-Maroc ?

Économie - Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc progresse : 13 pays engagés, signature intergouvernementale à venir et lancement d’un premier tronçon entre Nador et Dakhla.

Hajar Toufik - 14 juillet 2025
BTP : le Maroc bétonne ses règles

Dossier - Pas d’attestation, pas de chantier. C’est simple, non ? Pas de couverture décennale, pas de livraison. N'y réfléchissons pas trop !

Sabrina El Faiz - 19 juillet 2025
Ces Marocains qui s’endettent pour les vacances

L’endettement pour les vacances est devenu, chez beaucoup, une évidence presque banale. On ne s’en vante pas forcément, mais on ne s’en cache plus.

Sabrina El Faiz - 2 août 2025
Marhaba, MRE et les billets qui font tourner l’été

Économie - Il faut faire en sorte que les MRE ne se sentent pas seulement « bons à envoyer de l’argent » mais aussi « capables de bâtir ici ».

Sabrina El Faiz - 16 août 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire