La protection animale en question : un nouveau regard sur la situation
Des chiens sur la chaussée © DR
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Depuis plusieurs mois, des campagnes d’abattage de chiens et chats errants sont dénoncées dans plusieurs villes du Royaume, provoquant une onde de choc sur les réseaux sociaux et dans les médias. Ces opérations, souvent filmées et diffusées en ligne, suscitent indignation et colère. Elles remettent également en question la manière dont les autorités locales gèrent les questions de salubrité publique et de sécurité, au détriment du bien-être animal.
Des ONG dénoncent une « extermination méthodique »
Le 3 août 2025, l’alerte est lancée. Plusieurs ONG marocaines publient une lettre ouverte adressée au roi Mohammed VI, dénonçant les « campagnes d’extermination méthodique » de chiens et chats errants menées par les autorités locales. Les signataires évoquent leur épuisement face à l’inaction des pouvoirs publics et en appellent à l’intervention royale. « Nous avons épuisé toutes les voies institutionnelles sans trouver d’oreilles attentives auprès des autorités concernées », écrivent-ils. Ils pointent du doigt des pratiques jugées « cruelles », en contradiction avec « les valeurs de compassion promues par la religion et la monarchie ».
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Parmi les voix les plus actives, Zineb Taqane, présidente de l’association « Irham », confirme à Hespress que les opérations d’élimination de chiens et chats errants se poursuivent dans plusieurs villes. Elle déplore un climat d’indifférence et d’opacité. « Les services du ministère de l’Intérieur nient l’existence de ces campagnes, alors que des vidéos circulent et confirment la réalité », affirme-t-elle. Plus grave encore, selon elle, la capture des animaux est souvent confiée à des individus marginalisés et non formés, parfois des toxicomanes, causant des souffrances supplémentaires aux bêtes.
Face à cette situation, une manifestation a eu lieu devant le Parlement le 2 août. Associations et citoyens y ont exigé une réforme législative urgente et plus humaine. Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte tendu, marqué par le projet de loi 19.25 sur la gestion des animaux errants, très critiqué par les défenseurs des droits des animaux.
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Un projet de loi controversé et paradoxal
Ce projet de loi, censé réglementer la gestion des animaux errants, soulève une forte controverse. L’article 5 interdit à toute personne de nourrir, héberger ou soigner un animal errant. Une disposition qui suscite l’indignation. Le Collectif national pour la protection des animaux et de l’environnement y voit une criminalisation de la compassion. « Ce texte crée un paradoxe juridique : il contredit le Code pénal qui impose de venir en aide à toute personne ou être en danger », dénonce un représentant du collectif.
Le juriste Chakib Alkhayari confirme à Hespress cette lecture. Il estime que l’article 5 viole les principes de la Constitution marocaine ainsi que les engagements internationaux du pays. Il critique également l’article 44 qui prévoit des amendes pour toute forme d’aide à un animal errant, y compris le simple fait de le nourrir. « Cela revient à annuler toute prise en charge individuelle pourtant essentielle à la réussite des politiques publiques », insiste-t-il.
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Susan Machin : un point de vue plus nuancé sur cette loi
Dans ce climat de tension, certaines initiatives locales tentent de tracer une autre voie. C’est le cas de Susan Machin, fondatrice de l’association Jarjeer Mules, un refuge pour équidés situé au sud de Marrakech. Elle y accueille quelque 350 ânes, mules et chevaux abandonnés. Pour elle, les nouvelles lois ne sont pas totalement négatives, mais leur application soulève de nombreuses interrogations.
« Nous avons l’autorisation officielle de prendre en charge les équidés abandonnés, et nous collaborons avec les autorités locales d’Agadir et de Kénitra. Mais si je n’étais pas une association enregistrée, je n’aurais pas le droit de les recueillir », explique-t-elle. Cette situation, selon elle, illustre un déséquilibre profond dans la gestion de la protection animale, « Le problème, c’est qu’on pénalise aussi les gens ordinaires qui, par compassion, veulent aider un animal en détresse ».
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La militante britannique regrette vivement que la nouvelle législation interdise aux citoyens de nourrir les chiens errants. « Vous ne pouvez pas empêcher quelqu’un de nourrir un chien dans la rue. C’est absurde. Et pourtant, aujourd’hui, cela peut conduire à une amende, voire une arrestation. » Selon elle, « l’objectif initial du gouvernement, empêcher les abus dans les levées de fonds par des structures non réglementées est légitime ». Mais la méthode choisie pénalise indistinctement tous les acteurs.
Susan Machin reconnaît que certaines associations non reconnues ont effectivement abusé du système. Elle cite notamment le cas d’un refuge à Agadir fondé par deux étrangers, dont les animaux ont été retrouvés dans un état déplorable après leur départ. « Le gouvernement veut éviter ces dérives, et c’est une bonne chose. Mais il ne faut pas, pour cela, étouffer les élans de solidarité des simples citoyens ».
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La crise autour des animaux errants au Maroc révèle un dilemme difficile à résoudre : comment encadrer la protection animale sans criminaliser la compassion ? Comment éviter les dérives tout en encourageant les bonnes volontés ? Face à ces interrogations, les ONG, juristes et associations comme Jarjeer Mules réclament une refonte de la loi, intégrant à la fois la régulation, la compassion et la responsabilité publique.
L’avenir dira si leurs voix seront entendues, mais une chose est certaine : la question animale est désormais un enjeu de société incontournable, au cœur des valeurs civiques, religieuses et humanitaires que le Maroc souhaite incarner.
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