Il y a 50 ans, le président algérien Houari Boumédiène prononçait un discours dans lequel il reconnaissait la marocanité du Sahara, appelant à une solution entre les pays concernés. Une déclaration qui contrastait avec la ligne adoptée ensuite par Alger.

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Dans toute l’histoire de l’humanité, il y a eu des oublis volontaires, des secrets à peine voilés et des vérités occultées. Certaines déclarations, malgré leur importance historique, ont été mises au premier rang, un temps, puis sont volontairement reléguées au second plan. Le discours prononcé le 19 juin 1975 par Houari Boumédiène, président de l’Algérie, à Adrar, en est un excellent exemple.

En appelant à une résolution du dossier du Sahara entre le Maroc, la Mauritanie et l’Espagne et en omettant toute mention du Polisario, le dirigeant algérien reconnaissait la légitimité marocaine. Une position surprenante, si on la compare au soutien inconditionnel que l’Algérie accordera, quelques mois plus tard, au mouvement séparatiste.

Il y a 50 ans, Houari Boumédiène reconnaissait la marocanité du Sahara

Discours de Houari Boumédiène du 19 juin 1975 © DR

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Le 19 juin 1975, à Adrar, Houari Boumédiène s’adresse à la nation à l’occasion du 13e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Il aborde divers sujets de politique intérieure et régionale. Mais c’est un passage de son allocution qui retient particulièrement l’attention, celui consacré à la question du Sahara.
« Nous pensons, que le problème du Sahara est un problème de décolonisation. Il doit être réglé entre les trois parties concernées : l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie ».

Et d’ajouter, dans un passage trop souvent occulté :

L’Algérie n’a pas de revendication territoriale dans cette affaire. Notre position est claire et elle est fondée sur le principe du respect des droits historiques des peuples. 

Houari Boumédiène

Pas de notion de séparatisme

Cette double affirmation (à savoir exclusion de toute prétention algérienne et reconnaissance des parties directement concernées) tranche avec la posture que prendra Alger quelques mois plus tard. D’autant plus qu’à aucun moment, dans ce discours, Boumédiène ne cite le Polisario, pourtant fondé deux ans plus tôt en 1973.

À Rabat, ce discours est accueilli avec une satisfaction… prudente ! Les autorités marocaines, engagées depuis plusieurs mois dans une stratégie diplomatique pour faire valoir la légitimité historique du Royaume sur ses provinces sahariennes, y voient un signe d’ouverture.

Le discours intervient à un moment stratégique. En effet, la Cour internationale de Justice de La Haye venait tout juste de terminer les auditions sur les liens juridiques unissant le Sahara au Maroc et un verdict était attendu pour l’automne. À Rabat, tout était prêt pour intensifier la mobilisation populaire, notamment à travers la préparation de la future Marche Verte.

6 novembre 1975 : début de la Marche verte

La Mauritanie, elle aussi concernée, adopte une position similaire à celle de Boumédiène et des discussions informelles ont lieu entre diplomates marocains, mauritaniens et espagnols. L’Algérie semble prête à s’en tenir à une position d’observateur.

Une camaraderie de courte durée

Mais ce moment d’apaisement sera de courte durée. Dès l’automne 1975, alors que le verdict de La Haye reconnaît l’existence de liens d’allégeance entre les tribus sahariennes et le Souverain marocain, les choses s’accélèrent. L’Espagne négocie son départ, le Maroc lance la Marche Verte le 6 novembre et les accords de Madrid sont signés le 14 novembre, attribuant alors la gestion administrative du territoire au Maroc et à la Mauritanie.

À partir de ce moment, Alger change radicalement de position. Le 27 février 1976, la pseudo-RASD est proclamée par le Polisario, depuis Tindouf, avec l’appui logistique et diplomatique de l’Algérie. La boucle est bouclée, l’État algérien, qui quelques mois plus tôt se disait non concerné, devient acteur du soutien au séparatisme.

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