Fait-il bon investir au Maroc ?

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Réforme du soutien aux TPME au Maroc : « ils veulent financer simplement les PME »Le ministre délégué chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques, Karim Zidane et le président de la CGEM, Chakib Alj © Ministère de tutelle

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Les réformes suffisent-elles à débloquer les freins qui minent l’investissement au Maroc ? La réunion du Conseil d’administration de la CGEM, tenue le 11 mars à Casablanca, en présence du ministre délégué à l’Investissement, Karim Zidane, aura eu le mérite de rappeler cette problématique. Si les chiffres semblent flatteurs : 326 milliards de dirhams de projets approuvés en deux ans, 120 milliards investis rien qu’en 2024, 150.000 emplois directs et indirects attendus, le discours lucide du président Chakib Alj, tout comme les analyses ministérielles, n’ont pas oublié les verrous encore bien présents. Analyse.

Le Maroc affiche aujourd’hui un profil des plus séduisants : position géographique stratégique, plus de 50 accords de libre-échange, infrastructures modernes, capital humain jeune, énergie renouvelable abondante, stabilité macroéconomique… Sur le papier, tout semble réuni pour en faire un hub régional tout à fait charmant.

Mais dans la pratique, le fait d’investir connaît quelques blocages. Le président de la CGEM l’a résumé en des termes choisis : « il est essentiel de simplifier le parcours de l’investisseur. En effet, et malgré de nombreux efforts, il faut dire que la digitalisation n’a pas encore eu les effets escomptés sur la fluidification du parcours de l’investisseur. Les délais d’obtention d’autorisations, la multiplication des interlocuteurs et bien d’autres obstacles n’encouragent pas l’investissement, qu’il soit national ou étranger ». Révélateur de la température actuelle : le parcours administratif demeure trop lourd, trop lent, trop opaque.
Karim Zidane l’a d’ailleurs reconnu sans détours : la simplification du parcours de l’investisseur est aujourd’hui au cœur du chantier gouvernemental. Une étude spécifique a été conduite, analysant plus de 613 procédures réglementaires, identifiant une multiplication des points de contact, de longs délais, des interlocuteurs dispersés et une absence d’harmonisation des pratiques. Une réalité bien connue des opérateurs économiques.

Les angles morts

Parmi les blocages structurels les plus récurrents, la rigidité du code du travail figure en tête des revendications patronales. La CGEM en a fait un cheval de bataille afin de fluidifier le marché du travail et faciliter l’intégration de l’informel.

Autre frein : la question du foncier industriel. L’accès au foncier adapté, en quantité, en qualité et à un prix compétitif, reste un casse-tête pour de nombreux investisseurs, particulièrement hors des grands pôles urbains. Si des progrès ont été accomplis, le déficit de lisibilité et de transparence dans la gestion foncière publique continue de décourager de nombreux porteurs de projets.

Enfin, l’énergie. Si le Maroc peut se targuer d’avoir atteint 45% de capacité installée en énergies renouvelables, l’accès à une énergie verte à coût compétitif pour les entreprises reste à généraliser. Tant que ce verrou réglementaire n’est pas levé, la promesse d’un avantage comparatif énergétique restera partiellement inexploitée.

Autre pilier vacillant : l’accès au financement pour les petites structures. Le ministre lui-même l’a souligné : seuls 17% des TPE marocaines accèdent au crédit, contre environ 35% dans des pays au profil économique similaire. Le tissu bancaire reste frileux, exigeant, souvent peu outillé pour évaluer les projets portés par des entreprises informelles ou de taille modeste.

Lire aussi : TPME : une politique d’investissement taillée à leur mesure ?

Les tentatives de diversification des modes de financement (capital-investissement, introduction en bourse, plateformes participatives) restent encore timides, mal connues ou trop peu vulgarisées. Là encore, une transformation culturelle et réglementaire est nécessaire, sans quoi l’écosystème d’investissement restera étroitement dépendant des circuits bancaires classiques.

Des réformes promises…

À entendre les responsables publics, la volonté de réforme est bien réelle. La feuille de route 2023-2026 pour l’amélioration du climat des affaires, la stratégie Maroc Digital 2030, la refonte des CRI, l’élargissement de la Charte de l’investissement aux TPME, ou encore les efforts de dématérialisation des procédures, sont autant de signaux positifs pour l’avenir.

Mais la réalité du terrain est en décalage avec l’architecture des textes. Si le Maroc a avancé dans la structuration de son offre, il reste confronté au défi de l’adaptation, de la fluidité administrative et de la stabilité des dispositifs dans le temps.

Comme l’a rappelé Chakib Alj, il est essentiel de donner à l’entreprise marocaine lisibilité, visibilité, et les moyens de se projeter. L’économie marocaine vit incontestablement une période charnière. L’afflux d’IDE, la montée en puissance de projets stratégiques, les efforts de territorialisation et la mobilisation du secteur privé offrent une base prometteuse. Mais pour que le Maroc devienne un véritable « Etat investisseur » moderne, agile et attractif, il lui faudra poursuivre sa mue institutionnelle au-delà des textes : dans les pratiques, les mentalités, les délais et la culture de service public.

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