Entre famine et bombardements, que reste-t-il de Gaza ?

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Entre famine et bombardements, que reste-t-il de Gaza ?Image d’illustration © DR

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Alors que les bombardements redoublent d’intensité dans la bande de Gaza, Israël autorise l’entrée de 100 camions d’aide humanitaire après plus de deux mois de blocus total. Une décision tardive, perçue par les ONG comme une réponse insuffisante à une famine annoncée.

Dans la bande de Gaza, les jours se suivent et se ressemblent, marqués par les frappes, la peur et la faim. Mardi 20 mai 2025, l’Organisation des Nations unies a annoncé avoir été autorisée à faire entrer « environ 100 » camions d’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne. Une évolution qui survient au lendemain d’une première livraison symbolique de neuf camions, alors que les Nations unies alertent depuis des mois sur le risque imminent de famine.

Mais derrière cette ouverture partielle, le pilonnage israélien continue et le bilan humain s’alourdit. En 24 heures, 44 nouvelles victimes ont été recensées par la Défense civile palestinienne, principalement des femmes et des enfants. Plus qu’une opération humanitaire, l’entrée de ces camions apparaît comme une manœuvre diplomatique dans un conflit où la nourriture est devenue une arme de guerre.

Sous la pression, une aide minimale

Depuis le 2 mars, Israël avait totalement bloqué l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, évoquant des raisons sécuritaires. Cette décision a rapidement plongé la population (plus de deux millions d’habitants) dans une situation désastreuse. Selon l’ONU, environ 1,6 million de personnes souffrent d’une insécurité alimentaire aiguë. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) parle de « deux millions de personnes affamées » alors que « des tonnes de nourriture sont bloquées à la frontière ».

Face à la pression croissante de ses alliés, notamment la France, le Royaume-Uni et le Canada, Israël a fini par infléchir sa position. Dimanche 18 mai, le Premier ministre Benyamin Nétanyahou annonçait l’entrée d’« une quantité de base de nourriture », évoquant non pas des considérations humanitaires, mais des raisons « diplomatiques ». Dans une vidéo publiée sur Telegram, il confie : « Nos amis nous ont fait comprendre qu’ils ne pourraient plus soutenir la poursuite de la guerre si des images de famine de masse circulaient. »

Gaza : Israël prépare la prise de contrôle complète

Lundi, cinq camions sont effectivement entrés à Gaza, transportant notamment de la nourriture pour bébés. Le lendemain, mardi 20 mai, Jens Laerke, porte-parole du Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), a confirmé que les Nations unies avaient pu récupérer ces premiers camions, et que l’entrée d’environ 100 autres camions avait été autorisée. Mais pour Claire Nicolet, responsable des urgences à Médecins sans frontières, cette annonce est largement insuffisante : « C’est de la poudre aux yeux, c’est une façon de dire, oui, on fait rentrer de la nourriture, mais c’est presque symbolique. »

Des annonces floues, une mise en œuvre confuse

Malgré les chiffres avancés, les modalités concrètes de cette aide restent floues. Combien de camions sont réellement entrés ? Quels types de produits transportent-ils ? Qui les distribue sur le terrain ? À ces questions, peu de réponses claires. Le directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, Eden Bar-Tal, parle de « dizaines de camions » qui devraient entrer dans les prochains jours, sans calendrier précis. Son porte-parole, Oren Marmorstein, admet même ne pas connaître les chiffres exacts.

De son côté, l’OCHA assure être en « pourparlers » avec les autorités israéliennes pour organiser la reprise progressive des livraisons. Mais les difficultés logistiques et les conditions sécuritaires rendent l’opération délicate. Lundi soir, aucune aide n’avait pu être distribuée en raison de l’obscurité et des risques de tirs.

Israël approuve un plan prévoyant la « conquête » de la bande de Gaza

Sur le terrain, les stocks d’aide humanitaire sont prêts. Selon les chiffres communiqués par l’ONU, près de 8.900 camions sont en attente aux frontières, chargés de plus de 160.000 palettes de nourriture, d’eau, de médicaments et de carburant. « Deux millions de personnes sont affamées alors que des tonnes de nourriture sont bloquées. C’est inacceptable », s’insurge le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Offensive totale et famine annoncée

Pendant que les camions d’aide avancent lentement, les bombes, elles, tombent sans relâche. Dans la nuit de lundi à mardi, l’armée israélienne a lancé une série de frappes meurtrières dans plusieurs zones de Gaza, faisant au moins 44 morts, selon Mahmoud Bassal, porte-parole de la Défense civile. Parmi les cibles, une école abritant des déplacés à Gaza-ville, une maison à Deir el-Balah, une station-service à Nousseirat, et un immeuble résidentiel à Jabalia.

Depuis samedi, Israël a intensifié son offensive terrestre, baptisée « Chariots de Gédéon », avec pour objectif déclaré d’éradiquer le Hamas et de récupérer les otages enlevés le 7 octobre 2023. « Nous prendrons le contrôle de tout le territoire », a martelé le Premier ministre. Il a aussi rejeté les appels de Paris, Londres et Ottawa à suspendre l’offensive, estimant qu’ils « offrent une immense récompense au Hamas ».

Gaza : un navire humanitaire ciblé par des drones israéliens

Pourtant, les négociations de cessez-le-feu, menées à Doha par le Qatar, semblent dans l’impasse. Le Premier ministre qatari, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, a reconnu « un fossé majeur » entre les deux parties, et affirmé que l’intensification des combats « compromet toute chance de paix ».

Dans ce contexte, l’aide humanitaire devient une arme politique. Elle est accordée au compte-gouttes, sous conditions, et dans un climat où l’urgence vitale est sacrifiée sur l’autel de la stratégie militaire. Comme le résume un habitant de Nousseirat interrogé par l’AFP après une frappe : « Nous nous sommes réveillés en pleine nuit au son des bombardements. Une famille entière a été décimée. »

Survivre, en attendant mieux

L’entrée de 100 camions d’aide à Gaza ne peut masquer la réalité : le territoire est au bord de l’effondrement humanitaire, et les civils sont pris entre famine et bombardements. Si cette décision répond à une pression diplomatique croissante, elle reste largement symbolique au vu des besoins colossaux.

Alors que les négociations stagnent et que l’armée israélienne poursuit son offensive, la survie de la population devient un enjeu politique. À Gaza, les repas sont rares, les soins presque inexistants, et chaque jour apporte son lot de morts. L’aide ne sauve que quelques vies, pendant que d’autres sont brisées.

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