Éducation et santé : la « GenZ 212 » fait entendre sa voix

Avatar de Hajar Toufik
Temps de lecture :

Éducation et santé : la « GenZ 212 » fait entendre sa voixDes milliers de jeunes participent aux rassemblements de la GenZ 212 à Derb Sultan à Casablanca, le 28 septembre 2025 © Ayoub Jouadi / Le Brief

A
A
A
A
A

La jeunesse marocaine se mobilise. Dans plusieurs villes, des milliers de jeunes sont descendus dans la rue pour réclamer des réformes dans l’éducation et la santé, exerçant une pression sur le gouvernement et suscitant un débat politique à l’échelle nationale.

Le week-end dernier, des milliers de jeunes ont manifesté dans plusieurs villes du Royaume, dont Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech et Agadir, répondant à l’appel d’un collectif nommé « GenZ 212 ». Le groupe, actif sur la plateforme Discord, se présente comme un espace de discussion autour de « questions comme la santé, l’éducation et la lutte contre la corruption », affirmant son « amour pour la patrie ».

Les manifestations interviennent dans un contexte particulièrement sensible après le décès récent de huit femmes enceintes admises à l’hôpital Hassan II d’Agadir. Suite à ce drame, le directeur de l’établissement et plusieurs responsables locaux ont été limogés, tandis qu’une enquête interne a été diligentée et des investissements annoncés pour renforcer les services hospitaliers.

Sur place, les manifestants ont scandé des slogans tels que « Liberté, dignité, justice », tout en précisant qu’ils refusaient toute tentative de récupération politique. Les revendications principales portaient sur une réforme du système éducatif et l’amélioration des services de santé publique, des thèmes au cœur des préoccupations des jeunes participants.

Lire aussi : Mobilisation pour l’éducation et la santé : manifestations interdites dans plusieurs villes 

Qui est cette « GenZ 212 » ? 

La Génération Z regroupe les jeunes nés entre 1996 et 2010, en plein essor numérique. Au Maroc, cette tranche d’âge représente environ 8,2 millions de personnes âgées de 15 à 29 ans, soit une part importante de la population. Ces jeunes se distinguent par leur familiarité avec les technologies numériques, leur accès quasi permanent à l’information et leur capacité à créer, partager et diffuser du contenu en ligne.

Ils ont grandi dans un contexte économique et social complexe, marqué par des défis majeurs : le chômage des diplômés, les inégalités régionales et les lacunes dans les systèmes éducatif et sanitaire. Toutes ces réalités ont contribué à forger une génération attentive aux injustices et soucieuse de participer activement à la vie publique.

Contrairement aux générations précédentes, la Génération Z privilégie la transparence et l’authenticité dans ses relations, que ce soit avec les marques, les institutions ou au sein de leur cercle social. Elle recherche des interactions sincères et des engagements concrets, et se montre particulièrement critique face aux discours officiels dépourvus de preuves tangibles.

Cette génération est également très informée et réactive. Habituée à comparer les politiques publiques à celles d’autres pays, elle n’hésite pas à exprimer son opinion et à réagir rapidement à des événements nationaux ou internationaux via les réseaux sociaux. Les plateformes numériques jouent un rôle central dans leur quotidien, non seulement pour communiquer, mais aussi pour s’informer, débattre et s’organiser collectivement, notamment autour de causes sociales. 

Lire aussi : Nouveau gouvernement ?

Interpellations et tensions 

Lors des manifestations du week-end dans plusieurs villes, les forces de l’ordre ont tenté d’empêcher les rassemblements, procédant à des interpellations. Selon les données de la section de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Rabat, le nombre d’arrestations entre les 27 et 28 septembre a dépassé la centaine, sans compter les manifestants blessés lors des interventions. Les personnes arrêtées ont été relâchées progressivement après vérification de leur identité.

De leur côté, les administrateurs de GenZ 212 ont confirmé ces interpellations « sans motif clair », les qualifiant d’atteinte à un droit légitime garanti par la loi et la Constitution. Le collectif a également condamné tout acte illégal ou non pacifique survenu pendant les rassemblements, réaffirmant son engagement pour des manifestations pacifiques et encadrées par la législation.

Néanmoins, certaines tensions ont marqué le déroulement des manifestations. Dimanche soir à Casablanca, des jeunes ont investi l’autoroute urbaine, bloquant la circulation. À la suite de cet incident, selon des sources fiables, 25 personnes ont été déférées devant le parquet ce matin, dont cinq mineurs.

L’opposition interpelle le gouvernement

Les premières réactions politiques sont tombées le week-end des manifestations. Alors que le gouvernement n’a toujours pas réagi et a opté pour le silence jusqu’à l’écriture de ces lignes, l’opposition s’est fait entendre.

Nabila Mounib, ancienne secrétaire générale et membre du bureau politique et parlementaire du Parti Socialiste Unifié (PSU), était d’ailleurs présente sur le terrain pour participer au sit-in de dimanche à Casablanca. Sa présence a été perçue comme un soutien à la mobilisation pacifique des jeunes.

Cette participation s’est accompagnée d’un communiqué dans lequel le PSU a réaffirmé son engagement envers les droits des citoyens et la nécessité de répondre aux revendications sociales par le dialogue plutôt que par la répression. Le parti a souligné l’importance d’une approche inclusive permettant aux jeunes de s’exprimer et de participer activement à la vie politique et sociale du pays.

De son côté, le Parti Justice et Développement (PJD) a tenu le gouvernement pour pleinement responsable de la détérioration du climat social et de la montée des protestations, marquées par des arrestations parmi les jeunes manifestants. Dans un communiqué de son secrétariat général, le parti conservateur a estimé que l’exécutif se montrait incapable de répondre aux revendications citoyennes en matière de services publics essentiels garantis par la Constitution, notamment la santé, l’éducation, l’emploi, le logement et la justice sociale.

Le PJD a également dénoncé la répression sécuritaire et réclamé la libération immédiate de tous les jeunes interpellés, tout en exhortant les autorités à favoriser l’inclusion des jeunes dans le développement et l’action politique, « voie privilégiée pour exprimer leurs aspirations et consolider l’édifice démocratique ». Le parti a par ailleurs alerté sur les dangers liés au conflit d’intérêts et à l’abus de pouvoir dans les nominations et les marchés publics, facteurs selon lui de perte de confiance dans les institutions. Enfin, le PJD a pointé du doigt l’échec de la gestion gouvernementale depuis le scrutin de 2021 et les promesses non tenues, qui auraient accentué le vide de médiation institutionnelle et contribué au sentiment de frustration sociale.

Une mobilisation qui se poursuit

Le mouvement semble loin de s’essouffler. De nouveaux appels à manifester ont été lancés pour ce lundi 29 septembre en fin de journée, ce qui montre la détermination persistante de ces jeunes à faire entendre leur voix. 

Sur les réseaux sociaux, le soutien à la mobilisation se confirme aussi et continue de croître. Les hashtags liés aux manifestations se multiplient, permettant aux messages des jeunes de circuler rapidement et d’atteindre un large public. En outre, de nombreux influenceurs ont également pris part à la dynamique en partageant leur soutien et en relayant les informations concernant les rassemblements. 

Dernier articles
Les articles les plus lu
Troisième jour de mobilisation : la « GenZ 212 » maintient la pression dans plusieurs villes

La « GenZ 212 » poursuit ses manifestations au Maroc, entre rassemblements pacifiques et interventions des forces de l’ordre, réclamant réformes éducatives et sanitaires.

Hajar Toufik - 29 septembre 2025
Le prince héritier Moulay El Hassan inaugure la 16ᵉ édition du Salon du cheval d’El Jadida

Société - Le prince héritier Moulay El Hassan inaugure la 16ᵉ du Salon du cheval d’El Jadida, vitrine du patrimoine équestre et des traditions marocaines.

Rédaction LeBrief - 29 septembre 2025
Rassemblements de la « GenZ 212 » : l’intervention des forces de l’ordre détaillée par un expert

Société - Un expert sécuritaire explique l’intervention des forces de l’ordre pour disperser les rassemblements non autorisés, assurant sécurité et respect de l’ordre public au Maroc.

Rédaction LeBrief - 29 septembre 2025
Enseignement supérieur : le syndicat annonce une grève et des sit-in

Société - Le Syndicat national de l’enseignement supérieur lance une grève de 72 heures avec sit-in, dénonçant blocages gouvernementaux et menaçant la gratuité de l’université publique.

Hajar Toufik - 29 septembre 2025
Pédophilie : un collectif de victimes dénonce « le silence » des diocèses de Dijon et de Rabat

Société - Un collectif de victimes dénonce le silence des diocèses de Dijon et Rabat sur un prêtre incarcéré pour pédophilie.

Mouna Aghlal - 29 septembre 2025
Ifrane : 22,5 MDH investis dans la protection contre les inondations

Société - Des projets de protection contre les crues à Ifrane et alentours, totalisant 22,55 MDH, assurent la sécurité des habitants.

Mouna Aghlal - 29 septembre 2025
Voir plus
Travaux : les Casablancais n’en peuvent plus !

Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.

Sabrina El Faiz - 12 avril 2025
Mariages marocains : l’amour au prix fort

Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !

Sabrina El Faiz - 23 août 2025
La classe moyenne marocaine existe-t-elle encore ?

Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.

Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025
Faux et usage de faux, la dangereuse fabrique de l’illusion

Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.

Sabrina El Faiz - 24 mai 2025
Le Maroc des voisins qu’on n’a pas choisis

Dossier - Les voisins ont bien changé. Les balcons étaient les réseaux sociaux d’antan. On y partageait les breaking news du quartier et les hommes étaient aussi bien surveillés que les enfants !

Sabrina El Faiz - 12 juillet 2025
Casablanca : les malls en perte de vitesse, sauf exceptions

Société - Les mails de Casablanca traversent une période de transformation, entre défis liés à l’entretien, évolution des attentes et adaptation à un nouveau contexte économique.

Hajar Toufik - 8 août 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire