Déblocage de la crise de visas : la France courtise-t-elle le Maroc ?

Avatar de Khadija Shaqi
Temps de lecture :

Visas Schengen : fin de la criseLe chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, et son homologue française, Catherine Colonna © DR

A
A
A
A
A

Après plusieurs mois de tensions avec le Maroc, la France a décidé de reprendre l’octroi normal de visas aux Marocains. Après l’arrivée de la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, au Royaume, Paris a désigné le nouvel ambassadeur français au Maroc, Christophe Lecourtier. Alors, qu’implique ce réchauffement diplomatique pour le Royaume ?

Paris et Rabat enterrent-ils la hache de guerre ? Après plusieurs mois de tensions, la France a enfin réalisé la valeur et le mérite d’entretenir de bonnes relations avec le Maroc.

L’Hexagone a nommé Christophe Lecourtier, ancien directeur général de Business France, ambassadeur au Maroc. Juste avant cette nomination, la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, s’est rendue au Maroc et avait annoncé la fin de la crise concernant l’octroi des visas Schengen. Lors de son entretien avec son homologue marocain, Nasser Bourita, elle a déclaré : «Nous avons pris les mesures, avec nos partenaires marocains, pour restaurer une relation consulaire» dans le domaine migratoire. En outre, elle a indiqué que le président français, Emmanuel Macron, effectuera une visite au Royaume au cours du premier trimestre de 2023.

Il convient de rappeler que Paris avait décidé, en septembre 2021, de réduire de moitié le nombre de visas accordés aux Marocains. La France avait expliqué cette décision par la réticence du Royaume à récupérer ses ressortissants en situation irrégulière dans l’Hexagone. Mesure appliquée également aux Algériens et Tunisiens.

Cette mesure avait impacté les relations entre ces deux grands alliés. Elle a même conduit au retrait des deux d’ambassadeurs respectifs installés dans chacun des deux pays, en signe de protestation, il y a seulement deux mois.

À l’instar de la Tunisie et du Maroc, la France résout sa crise de visas avec l’Algérie, facilitant ainsi l’octroi de ce document à ses ressortissants.

Lire aussi : Visas Schengen : une indignation sans fin !

Le Maroc en position de force ?

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a été clair et ferme. «Il n’y a pas de crise maroco-française. Aujourd’hui, il y a le besoin de rénover et d’adapter cette relation», a-t-il souligné.

De plus, il a précisé que «grâce à la vision du roi Mohammed VI, le Maroc a évolué en interne, sur le plan économique, politique, etc. Grâce à cette même vision royale, le Royaume a renforcé davantage son déploiement à l’international et a diversifié ses partenariats». 

Le Maroc a changé. Un message fort et concis que le ministre a transmis à la France durant cette rencontre diplomatique. Bourita a affirmé : «Le Maroc a changé, en interne et dans son déploiement à l’international. La France a aussi changé, et notre environnement géopolitique régional a changé. Cette relation, tout en gardant ses fondamentaux solides, a donc besoin de tenir compte de ces évolutions, que ce soit au niveau des mécanismes, de l’approche ou du contenu de notre coopération. La relation doit s’adapter à ces évolutions». 

Concernant la question du Sahara, Catherine Colona a précisé que «le Maroc sait qu’il peut compter sur l’appui de la France». Elle a également réitéré la position «claire et constante» de Paris, en relevant «l’urgence de parvenir à une solution politique durable au moment où les tensions refont surface». 

Bourita a ainsi défendu que : «Le Maroc n’a jamais considéré que la position de la France était négative (…) La France, je pense, est consciente de l’importance de la question du Sahara pour le Maroc, pour le peuple marocain et pour les forces vives de la nation marocaine». Il ajoute : «Le Maroc n’est pas pour une solution en dehors de l’ONU. Le Maroc n’est pas pour une solution imposée. Mais le Maroc considère qu’il est temps de définir des positions par rapport à l’objectif des processus onusiens, pas par rapport aux processus eux-mêmes. Les processus ne sont pas un objectif en soi. Ils doivent nous amener à une solution». 

Lire aussi : Maroc-France : l’heure est-elle au réchauffement des relations ?

Quelles répercussions sur le Maroc??

Afin de comprendre ce qu’implique ce nouveau rapprochement entre le Maroc et la France, la rédaction de LeBrief a contacté Dr Nabil Adel, directeur du Groupe de recherche en géopolitique et géoéconomie à l’ESCA.

«D’abord, il faut préciser le contexte de la décision française qui a été prise lors des élections en France. À cette époque, il y avait une surenchère de l’extrême droite et de ce fait le gouvernement français a dû faire des concessions vis-vis du Maroc. Juste après, Eric Zemmour avait pris la parole pour dire que c’était son idée», a expliqué notre intervenant.

En revanche, cette mesure adoptée par le gouvernement français n’a pas abouti à une solution concrète. Selon Nabil Adel, «là où Macron pensait placer des pions à l’extrême droite, il a renforcé le citoyen français dans ses convictions, que l’extrême droite avait raison (…) Cela a créé un climat d’animosité entre le Maroc et la France, non pas entre les gouvernants, mais au niveau des citoyens». 

Par ailleurs, la France a pris les Marocains en otage en raison d’une mauvaise décision politique. Cette réalité a provoqué un sentiment d’humiliation chez les citoyens du pays, qui avaient l’habitude de se rendre sans difficulté à l’Hexagone. «En effet, l’influence de la France se situe au niveau politique, mais aussi au niveau culturel. Perdre cette influence culturelle va se traduire, à long terme, par une perte d’influence politique», avance le géopoliticien.

Enfin, s’agissant de la reprise de l’octroi normal des visas aux Marocains, Nabil Adel a expliqué que «les choses vont reprendre leur cours normal, même si nous allons remarquer que le nombre de demandes des visas va diminuer par rapport à 2018 et 2019. Quand la France a fermé les portes, les Marocains ont découvert d’autres destinations. L’Hexagone aura beaucoup de mal à regagner leur confiance». 

Dernier articles
Les articles les plus lu
Akhannouch appelle à plus de coordination entre services publics et Institution du Médiateur

Politique - Akhannouch appelle à renforcer la coopération entre les services publics et l’Institution du Médiateur pour améliorer le service aux citoyens.

Rédaction LeBrief - 13 octobre 2025
Bensaid présente la réforme du Conseil national de la presse

Politique - Mohamed Mehdi Bensaid explique le projet de loi révisant le CNP, visant à renforcer l’indépendance, la transparence et le professionnalisme des médias marocains face aux défis numériques et économiques.

Ilyasse Rhamir - 13 octobre 2025
Marrakech abrite le 14e Congrès mondial des consuls en novembre 2025

Politique - Le Maroc accueillera en novembre 2025 le 14e Congrès mondial des consuls, un événement international rassemblant des représentants consulaires venus des cinq continents.

Rédaction LeBrief - 13 octobre 2025
Le CESE analyse la réforme du Conseil national de la presse

Politique - Le CESE s’est penché sur le projet de loi 026.25, consacré à la réorganisation du Conseil national de la presse. Un avis qui souligne les avancées, les limites et les enjeux d’une réforme essentielle pour le secteur médiatique.

Ilyasse Rhamir - 13 octobre 2025
Enseignement : vers une réforme de l’âge de recrutement et du budget

Politique - Le ministre de l'Éducation nationale prévoit une réforme du budget du secteur et des conditions d'accès au concours des enseignants.

Mouna Aghlal - 13 octobre 2025
Discours royal du 10 octobre 2025 : perspectives de la proactivité territoriale

Tribune - Dans cette dynamique, le discours royal présente une véritable architecture triptyque de la gouvernance proactive territoriale.

Rédaction LeBrief - 13 octobre 2025
Voir plus
Sahara : 4 ans pour tout régler ?

Dossier - Le Maroc peut maintenant demander plus : sortir le dossier du Sahara de la quatrième commission de l'ONU, inscrire le Polisario comme organisation terroriste…

Sabrina El Faiz - 25 janvier 2025
Sahara : Guterres appelle à un changement de cap

Politique - L’ONU tire la sonnette d’alarme : le Sahara reste en tension, Guterres appelle les parties à un changement de cap pour éviter l’escalade.

Hajar Toufik - 25 août 2025
Fête du Trône : le Roi adresse un discours à la Nation

Le roi Mohammed VI a adressé, mardi, un discours au peuple marocain à l’occasion du 26e anniversaire de son accession au Trône. Voici le texte…

Rédaction LeBrief - 29 juillet 2025
Parlement : la diplomatie de l’ombre

Dossier - À l’instar d’un pur-sang arabe, le Parlement avance toujours, rectifiant ses virages au besoin. Immersion dans un univers parallèle.

Sabrina El Faiz - 28 décembre 2024
Le Roi préside à Rabat un Conseil des ministres

Politique - Le roi Mohammed VI a présidé un Conseil des ministres à Rabat, validant des réformes importantes, des nominations stratégiques et des conventions renforçant la coopération internationale.

Hajar Toufik - 12 mai 2025
Sahara : pourquoi le Maroc doit agir avant la fin du mandat de Trump ?

Politique - Pour le Sahara, l'heure n'est plus à la négociation, le contexte international offre une fenêtre d'opportunité inédite. Interview avec Pr. Nabil Adel.

Sabrina El Faiz - 24 avril 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire