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Dans le purgatoire des Marocains en terrain de guerre

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L’accord de cessez-le-feu entré en vigueur hier matin a permis le retour au bercail de 13 Israéliens aux mains du Hamas, 10 Thaïlandais, un Philippin et 39 Palestiniens prisonniers de l’État hébreu. Cependant, la guerre commencée le 7 octobre dernier tient en otage toute une population sur le territoire occupé. Parmi eux, plus de 700 Marocains qui espèrent encore être évacués, alors que deux de nos compatriotes travaillant pour l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ont payé de leur vie leur engagement à Gaza.

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La guerre, entamée à Gaza il y a 50 jours, est à son deuxième jour de trêve. L’accord conclu mercredi entre Israël et le Hamas, avec médiation qatarie, semble aller bon train. Alors que la communauté internationale se dit rassurée pour la population palestinienne de la bande côtière qui pourra voir quatre jours pleins de répit, force est de constater que l’on parle peu des binationaux et étrangers encore bloqués sur le territoire en guerre.

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Dès les premiers jours suivant le 7 octobre, les diplomaties ont incité leurs citoyens à quitter les zones de combat au Proche-Orient. Et les opérations d’évacuation se sont, tant bien que mal, organisées en accord avec les autorités israéliennes. Dans la bande de Gaza, sous blocus sévère depuis l’attaque perpétrée par le Hamas, le seul point de passage encore opérationnel est celui aux frontières avec l’Égypte. L’armée israélienne y exerce un contrôle strict. Car bien que l’autorité est entre les mains du Hamas, qui dirige de facto la bande de Gaza depuis 2007, les listes sont approuvées par l’Égypte et Israël.

Le 1ᵉʳ novembre, les premiers civils ont pu franchir le poste de Rafah. Depuis, sept Suisses ont quitté la bande côtière en plus de cent Français, une soixantaine de Canadiens, 400 Américains et bien d’autres (Espagnols, Allemands, Néerlandais, Polonais, Indiens, Philippins, Russes et Brésiliens d’après les listes publiées quotidiennement par l’Autorité des frontières et des passages de Gaza). Le nombre d’étrangers toujours à Gaza et cherchant à partir n’a pas été précisé. L’on peut toutefois deviner l’ampleur : Ottawa avait indiqué le 7 novembre qu’au total, plus de 400 Canadiens ont demandé à quitter la bande côtière.

Des centaines de Marocains bloqués

Les Occidentaux ne sont pas les seuls. Lundi 13 novembre, un groupe de 112 Marocains a réussi à franchir la frontière pour entrer en Égypte. Ils ont par la suite eu 72 heures pour quitter l’Égypte, à destination du Maroc ou d’un pays tiers. C’est jusque-là, selon l’ambassade du Maroc à Ramallah, en Cisjordanie, «la plus grande vague d’étrangers bloqués à Gaza autorisée à passer par Rafah». Ils sont, à date, 797 Marocains à vouloir quitter la zone de guerre. Et à mesure que les bombardements s’intensifient, leur nombre augmente et les pressions se poursuivent pour les évacuer le plus rapidement possible.

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Une source bien informée au sein de l’ambassade a indiqué à nos confrères de Hespress que «l’ambassade du Royaume à Ramallah est en contact avec le bureau de liaison marocain à Tel Aviv et l’ambassade du Maroc en Égypte, qui eux-mêmes sont en contact avec les autorités officielles pour accélérer le processus d’évacuation des Marocains de Gaza dans les plus brefs délais». Cependant, en raison des combats, le point de passage connaît des fermetures irrégulières et des difficultés de communication, exacerbées par les coupures d’électricité à Gaza et de la suspension du processus d’évacuation lorsque les autorités le jugent nécessaire.

C’est le cas, précise la même source, lorsque «la pression exercée par tous les pays du monde pousse les autorités responsables du passage à suspendre le processus d’évacuation pour vérifier les listes des citoyens qui sont en permanence mises à jour».

Et, l’ambassade du Royaume, à l’instar des diplomaties mondiales, est confrontée à un nouveau défi : les couples mixtes souhaitant partir dont l’un est Marocain et l’autre Palestinien. «Cela nous oblige à donner la priorité aux Marocains pour le moment, puis nous accélérerons nos efforts pour évacuer les autres couples», a commenté la source auprès de Hespress.

Une information que nous n’avons pas réussi à vérifier de source indépendante.

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Mais si l’ambassade marocaine semble au devant de la situation, d’autres témoignages assurent que les citoyens marocains sont nombreux à se retrouver «sans assistance consulaire». C’est ce qu’avait révélé, le 12 novembre, l’avocat franco-espagnol Juan Branco en tweetant une vidéo montrant trois enfants, passeport marocain à la main, appelant le roi Mohammed VI à intervenir.

D’autres médias font état de 40 Marocains bloqués au passage de Rafah, alors qu’ils figuraient sur la liste autorisée, du fait de l’absence d’un représentant de l’ambassade marocaine au Caire. Une situation qui les aurait obligés à retourner à Gaza.

Tandis que certains meurent

Ce lundi, des sources médiatiques locales ont rapporté que cinq citoyens Marocains ont été tués, parmi douze personnes, à la suite d’un bombardement israélien survenu le 4 novembre contre l’école Al-Fakhoura. Cette école abrite des milliers de personnes déplacées à l’ouest du camp de réfugiés palestiniens de Jabalia dans la bande de Gaza.

L’information rapportée par le journal arabe basé à Londres, Al Quds Al Arabi, n’a été qu’en partie confirmée par les autorités marocaines. L’ambassade de Rabat à Ramallah, qui avait déjà annoncé quelques jours plus tôt mener une enquête pour vérifier ces informations, a indiqué mercredi avoir enregistré deux décès confirmés de Marocains parmi les citoyens travaillant pour le compte de l’UNRWA à l’intérieur de la bande de Gaza.

L’ambassade a toutefois indiqué que «les opérations de vérification et les procédures en vigueur se poursuivent pour les autres cas» et qu’elle poursuivra «sans cesser la mise en œuvre des instructions du Roi du Maroc pour préserver la sécurité des citoyens marocains».

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Si aucune information n’a filtré, la situation risque d’exacerber des tensions déjà palpables. «La résistance en Palestine nous a libérés de notre peur. Désormais, nous ne quitterons jamais la rue jusqu’à ce qu’ils annoncent publiquement la fin de la honteuse normalisation avec l’entité sioniste», rapporte The New Arab en citant un manifestant dans la ville de Kénitra. Cette ville a vu 15.000 manifestants se rassembler dans ses rues, selon le Front marocain contre la normalisation, l’un des mouvements locaux pro-palestiniens organisateurs. À noter que plusieurs villes marocaines ont connu des manifestations pareilles.

Un constat appuyé par le dernier rapport du Baromètre arabe sur le Maroc datant d’octobre 2022. Celui-ci révèle que 64% des Marocains s’opposent à la normalisation des relations entre le pays et Israël. Parmi eux, révèle l’enquête, 34% se déclarent «fermement opposés» à la normalisation, tandis que 30% se disent «opposés». 23% supplémentaires se déclarent «favorables» au rétablissement des relations entre Israël et le Maroc, tandis que seulement 8% se disent «fortement favorables» à la normalisation.

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Et, il est probable que ce taux ait chuté beaucoup plus bas depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, a déclaré au média Arab News le spécialiste des relations Maroc-Israël, Jamal Amiar.

Le Roi médiateur ?

Au premier jour de la trêve, le roi Mohammed VI devait démarrer un voyage diplomatique aux Émirats arabes unis et au Qatar. Ce dernier est un pays pivot dans les négociations visant à faire libérer les otages israéliens aux mains du Hamas et les Palestiniens prisonniers de l’État hébreu. Ce voyage a été reporté à une date ultérieure, rapporte Maghreb-Intelligence de sources informées. Les raisons de ce report n’ont pas été dévoilées, mais les préparatifs de cette tournée, tant à Rabat qu’à Doha et à Abou Dabi, ont été abandonnés, précisent les mêmes sources.

Cette tournée devait intervenir au moment où le Forum des familles d’otages et de disparus à Gaza, une organisation ad hoc créée pour apporter une aide logistique aux proches des otages israéliens, avait sollicité l’intervention du roi, notamment au sujet de la détention de quelque 240 individus par le Hamas, depuis le 7 octobre.

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«242 personnes, comprenant des bébés, des enfants, des mères, des pères et des grands-parents, dont plusieurs de confession juive d’origine marocaine, sont toujours captives à Gaza», avait écrit le Forum dans sa correspondance adressée au roi Mohammed VI, le 3 novembre. «Le Maroc, sous la direction sage de sa majesté, a toujours prôné une politique d’ouverture, permettant aux Juifs marocains en Israël de maintenir des liens étroits avec leur patrie», poursuit la missive dont la traduction en langue française est disponible.

La lettre souligne que les Juifs marocains, lorsqu’ils quittent le Royaume deviennent des ambassadeurs, faisant allusion à une déclaration de feu le roi Hassan II. Les familles des otages appellent en retour le Souverain à être «l’ambassadeur de la paix dans la région», soulignant que son soutien sera «une lueur d’espoir et un réconfort pour tous».

Et, ce n’est pas le premier appel adressé au Roi. L’Association des originaires du Maroc en Israël a également interpellé le Monarque par la voix de son président Shimon Ohayon, ancien membre de la Knesset et président du Centre Aharon pour la promotion de la culture et la tradition séfarade. Elle a sollicité son «empathie» et son «soutien» face à l’attaque du Hamas décrite comme «ayant pour seul but d’assassiner et d’éliminer les Juifs».

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Ce déplacement du Souverain, en sa qualité de président du comité d’Al-Qods, à Doha puis à Abou Dhabi, laissait planer l’ombre d’importantes négociations entreprises en faveur d’un retour de la paix dans la bande de Gaza. Reste à savoir si les parties au différend feront, elles aussi, le choix de la paix à la suite de cette trêve.

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