Crise sociale et communication : quelles leçons pour le gouvernement ?

Avatar de Hajar Toufik
Temps de lecture :

Crise sociale et communication : quelles leçons pour le gouvernement ?Réunion du Conseil du gouvernement, présidé par Aziz Akhannouch, le 2 octobre 2025 © DR

A
A
A
A
A

Souvent pointé du doigt pour son déficit de communication, le gouvernement a été confronté à sa première véritable épreuve pour démontrer sa capacité à gérer une crise sociale. Alors, comment peut-on juger son efficacité ?

Depuis le début des manifestations du collectif « GenZ 212 », le gouvernement Akhannouch se retrouve confronté à une crise politique et sociale majeure. Alors que la mobilisation des jeunes dure depuis plusieurs jours et que les images des rassemblements circulent massivement sur les réseaux sociaux, la question de la communication officielle se pose avec acuité.

Comment réagit un gouvernement face à une contestation persistante et visible, et quelles leçons tirer de la gestion de cette crise ? Nous avons interrogé à ce sujet Yasmina Belahsen CEO – Mayagency et experte en communication pour analyser les forces et les faiblesses de la réaction institutionnelle.

Lire aussi : 212 : Gen Z sur fil tendu

La première réaction : un moment déterminant

Selon Yasmina Belahsen, la première réaction est le moment clé qui définit la suite de la crise. Elle fixe le ton, structure le récit et envoie des signaux sur la posture du gouvernement. « En communication politique, on considère souvent que les 24 premières heures déterminent 80% de la perception publique », explique-t-elle.

Pour le mouvement « GenZ 212 », la réaction initiale a été tardive. « Les premières 24 heures sont restées muettes. Lorsque Aziz Akhannouch a enfin pris la parole, il a présenté un constat factuel, avec une invitation au dialogue à la fin, mais sans proposer de mécanismes concrets de discussion avec le collectif », note l’experte. Aucun canal dédié, aucune plateforme de dialogue spécifique n’ont été annoncés, et le ton neutre du discours, combiné à une gestuelle peu engageante, a fragilisé sa crédibilité.

« La neutralité et l’absence d’empathie ont fortement entamé la légitimité de cette première prise de parole. Dans la communication de crise, le timing compte autant que le contenu. Il faut anticiper, préparer tous les scénarios et écouter la rumeur de la jeunesse », ajoute Yasmina Belahsen. Cette première réaction ratée a laissé un vide narratif, rapidement rempli par des interprétations médiatiques et sociales.

Entre maintien de l’ordre et dialogue : trouver l’équilibre

La communication de crise gouvernementale implique un équilibre subtil entre fermeté et ouverture. Notre interlocutrice rappelle que le ton sécuritaire exclusif braque et radicalise, tandis qu’un discours trop laxiste fragilise l’autorité de l’État. « Dans le cas du Maroc, il n’y a eu ni l’un ni l’autre : la légitimité du gouvernement a été fragilisée par le silence initial suivi d’une prise de parole tardive, non structurée », poursuit-elle.

La stratégie idéale combine une voix institutionnelle, ferme sur les principes d’ordre public, et une voix politique, tournée vers l’écoute, le dialogue et la compréhension des revendications citoyennes. La transparence et l’empathie restent des éléments essentiels pour rétablir la confiance. Yasmina Belahsen cite l’exemple de l’Allemagne en 2023, lors des manifestations contre la réforme de l’éducation.

« Le gouvernement fédéral avait simultanément réaffirmé son attachement à l’ordre public tout en ouvrant des concertations avec les représentants étudiants. Ce double registre a permis de renforcer la légitimité tout en apaisant les tensions », nous dit Yasmina Belahsen.

Lire aussi : GenZ 212 : les manifestations ont-elles un impact sur le tourisme ? 

Multiplication des interventions : rattrapage ou stratégie ?

En fin de semaine, plusieurs ministres ont répondu aux sollicitations des médias nationaux et internationaux, multipliant interviews, émissions et prises de parole, au point de susciter des interrogations sur la pertinence et la cohérence de cette communication soudaine et abondante.

Sur ce volet, Yasmina Belahsen souligne que « sans une stratégie anticipée et claire, cette multiplication d’interventions apparaît comme un rattrapage tardif. Cependant, ces prises de parole ont introduit un discours plus nuancé et attendu, recentrant le débat sur les revendications et la réponse politique ».

Ces interventions ont permis de mesurer la maturité du débat public. Les journalistes plus audacieux et les jeunes participants sur les plateaux télé ont challengé les discours convenus, offrant une fenêtre sur une parole politique plus libérée. L’experte cite l’exemple de Jacinda Ardern, première ministre de Nouvelle-Zélande, dont les prises de parole rapides, répétées et structurées dès les premières heures de chaque crise renforcent la confiance et la légitimité gouvernementale.

« La leçon est claire : la communication de crise ne se limite pas à énoncer des faits, mais doit combiner anticipation, transparence, empathie et dialogue. Les premières heures sont cruciales, et les interventions tardives, même nuancées, ne suffisent pas à compenser une absence initiale », conclut Yasmina Belahsen.

Dernier articles
Les articles les plus lu
La princesse Lalla Hasnaa participe à une réception du Congrès Mondial de la Nature à Abou Dhabi

Politique - Présente à Abou Dhabi, la princesse Lalla Hasnaa a pris part à une réception en marge du Congrès Mondial de la Nature. Elle y a échangé avec plusieurs responsables internationaux engagés dans la préservation de la biodiversité et la lutte climatique.

Ilyasse Rhamir - 9 octobre 2025
ONU : le modèle de développement des provinces du Sud du Maroc salué à New York

Politique - Le modèle lancé par le roi Mohammed VI salué à New York pour son impact sur le développement régional.

Mouna Aghlal - 9 octobre 2025
Conseil de gouvernement : SNDD 2035, commerce et protection sociale

Politique - Le Conseil de gouvernement s’est réuni jeudi sous la présidence de Aziz Akhannouch pour examiner la SNDD 2035, moderniser le Code de commerce et réformer l’enseignement artistique.

Hajar Toufik - 9 octobre 2025
Le Maroc salue l’accord de cessez-le-feu à Gaza annoncé par Donald Trump

Politique - Le Maroc a exprimé son soutien à l’accord de cessez-le-feu à Gaza annoncé par Donald Trump, saluant les efforts américains et réaffirmant son engagement pour une paix durable fondée sur la solution des deux États.

Ilyasse Rhamir - 9 octobre 2025
Le Roi présidera ce vendredi l’ouverture de la session parlementaire d’automne

Politique - Le roi Mohammed VI présidera vendredi l’ouverture de la première session de la 5ᵉ année législative, s’adressant aux parlementaires dans un discours retransmis en direct.

Rédaction LeBrief - 9 octobre 2025
La princesse Lalla Hasnaa à Abou Dhabi pour le Congrès Mondial de la Nature

Politique - Invitée d’honneur au Congrès mondial de la nature à Abou Dhabi, la princesse Lalla Hasnaa a souligné le rôle décisif de l’éducation, de la jeunesse et de la participation citoyenne dans la protection de la biodiversité et la réussite de la transition écologique.

Ilyasse Rhamir - 9 octobre 2025
Voir plus
Sahara : 4 ans pour tout régler ?

Dossier - Le Maroc peut maintenant demander plus : sortir le dossier du Sahara de la quatrième commission de l'ONU, inscrire le Polisario comme organisation terroriste…

Sabrina El Faiz - 25 janvier 2025
Sahara : Guterres appelle à un changement de cap

Politique - L’ONU tire la sonnette d’alarme : le Sahara reste en tension, Guterres appelle les parties à un changement de cap pour éviter l’escalade.

Hajar Toufik - 25 août 2025
Fête du Trône : le Roi adresse un discours à la Nation

Le roi Mohammed VI a adressé, mardi, un discours au peuple marocain à l’occasion du 26e anniversaire de son accession au Trône. Voici le texte…

Rédaction LeBrief - 29 juillet 2025
Parlement : la diplomatie de l’ombre

Dossier - À l’instar d’un pur-sang arabe, le Parlement avance toujours, rectifiant ses virages au besoin. Immersion dans un univers parallèle.

Sabrina El Faiz - 28 décembre 2024
Le Roi préside à Rabat un Conseil des ministres

Politique - Le roi Mohammed VI a présidé un Conseil des ministres à Rabat, validant des réformes importantes, des nominations stratégiques et des conventions renforçant la coopération internationale.

Hajar Toufik - 12 mai 2025
Sahara : pourquoi le Maroc doit agir avant la fin du mandat de Trump ?

Politique - Pour le Sahara, l'heure n'est plus à la négociation, le contexte international offre une fenêtre d'opportunité inédite. Interview avec Pr. Nabil Adel.

Sabrina El Faiz - 24 avril 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire