Code de procédure civile : la réforme a du mal à passer

Mbaye Gueye
Temps de lecture :

Nouveau code de procédure civile : la réforme a du mal à passerCode de procédure civile les avocats-observent un-sit-insamedi devant le Parlement © DR

A
A
A
A
A

Depuis quelques mois, les avocats sont vent debout contre le ministre de la Justice, à cause du nouveau Code de procédure civile (CPC). Adopté par le Conseil du gouvernement au mois d’août 2023, le projet du CPC a été présenté au Parlement au mois d’avril, pour un examen approfondi, avant d’être voté par la Chambre des représentants. Ce qui a envenimé la situation avec une série de grèves. Comme cela ne suffisait pas, l’Association des barreaux du Maroc a organisé un sit-in, le samedi dernier devant le Parlement, avec plus de 800 avocats venus de plusieurs régions du Royaume.

Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, avait annoncé que ce nouveau Code de procédure civile était destiné à moderniser le système judiciaire et à en améliorer l’efficacité. Cette réforme devrait transformer la gestion des affaires judiciaires en introduisant des mesures innovantes. Parmi celles-ci, un rôle plus dynamique serait attribué au juge civil. Désormais, celui-ci pourra intervenir de manière accrue dans la préparation des affaires. Ce qui lui permettra de prendre des mesures pour garantir leur progression rapide.

L’objectif est de réduire le nombre de décisions de non-recevabilité et de s’assurer que les affaires soient traitées de manière plus efficace. Une mesure notable sera introduite avec l’utilisation des données de la carte nationale d’identité électronique (CNIE) pour localiser les défendeurs dont l’adresse est inconnue ou incorrecte, facilitant ainsi la procédure.

La réforme vise aussi à centraliser et à clarifier les compétences des différentes juridictions. Les tribunaux de première instance seront désormais habilités à traiter un large éventail de dossiers, y compris civils, sociaux, familiaux, administratifs et commerciaux. Les compétences des juridictions administratives et commerciales seront également mieux définies, remplaçant les textes dispersés précédents. Les chambres spécialisées pour les affaires commerciales vont être maintenues, mais les dispositions relatives aux chambres d’appel des tribunaux de première instance seront supprimées.

Le texte prévoit notamment une modernisation du système judiciaire avec la possibilité de transmettre les convocations par divers moyens, tels que par voie numérique ou administrative, lorsque l’huissier ne peut intervenir. La procédure du curateur sera supprimée en raison de ses aspects négatifs. Les annonces de ventes aux enchères publiques seront publiées en ligne, et les procédures judiciaires vont être dématérialisées, intégrant les technologies de communication électroniques pour faciliter les échanges entre juridictions, avocats, experts et parties.

Une des nouveautés importantes est l’établissement du juge d’exécution. Ce dernier est chargé de superviser l’application des décisions judiciaires et de gérer les procédures d’exécution forcée.

Les avocats voient leurs amendements «ignorés»

Les avocats dénoncent, pour leur part, ce qu’ils considèrent comme une régression législative et constitutionnelle. Ils se sont donnés rendez-vous, le samedi dernier devant le Parlement, afin de montrer leur opposition à ce nouveau Code de procédure civile. Ils sont venus de tout le pays en entonnant des slogans tels que «le projet de loi est une honte législative» et «s’attaquer à la profession d’avocat, c’est porter atteinte à l’État de droit». Ils estiment que le projet compromet les droits des justiciables et l’indépendance de la profession d’avocat. Les robes noires reprochent au gouvernement une absence de dialogue et de concertation.

Malgré une grève de 72 heures observée la semaine dernière, la Chambre des représentants a adopté le texte. Lors de ce rassemblement, le président de l’Association des barreaux du Maroc (ABAM), Houssein Zayani, a critiqué le projet. Auprès de nos confrères de Le Matin, Houssein Zayani a qualifié le texte de «contraire à la Constitution»,  en ajoutant que ceci menace les principes fondamentaux de justice. Il a soutenu que les propositions et observations de l’ABAM avaient été ignorées, compromettant ainsi les droits de recours et l’égalité devant la loi.

Selon les robes noires, ce projet de loi restreint le droit d’ester en justice à deux niveaux, ce qui va à l’encontre des dispositions établies par la législation marocaine et les normes comparées. En outre, l’association considère que ce projet de loi manque l’opportunité historique de garantir pleinement le droit à la défense et l’accès éclairé à la justice en rendant la présence d’un avocat facultative plutôt qu’obligatoire. Cette approche est en contradiction avec les conventions internationales signées par le Maroc et avec la Constitution, surtout dans un contexte où l’accès à un avocat est facilité et rendu accessible par la législation sur l’aide juridictionnelle.

En plus de cela, cette démarche suscite l’interrogation des avocats. Car l’idée de permettre aux justiciables de se défendre eux-mêmes devant la Cour de cassation est inconcevable. Pour un avocat, il faudra 15 ans de pratique effective pour pouvoir se présenter devant cette juridiction, qui est par essence une instance de droit.

Dernier articles
Les articles les plus lu
L’OMS reconnaît le Maroc comme pays maîtrisant l’hépatite B

Société - Reconnu par l’OMS comme pays maîtrisant l’hépatite B, le Maroc franchit une étape sanitaire majeure, fruit d’efforts soutenus en prévention, dépistage et prise en charge.

Hajar Toufik - 14 novembre 2025
Criminalité au Maroc : quelle évolution ?

Société - Entre 2002 et 2022, la criminalité au Maroc s’est intensifiée et diversifiée : violence, fraude, corruption et nouvelles formes de délinquance numérique.

Hajar Toufik - 14 novembre 2025
SPARKS de la FST Fès remporte le prix « Sustainability in Action » au Caire

Société - La FST Fès se distingue au Caire lors de la YEC 2025, récompensée pour son engagement en faveur du développement durable.

Mouna Aghlal - 14 novembre 2025
Transavia inaugure sa nouvelle ligne Amsterdam–Rabat

Société - Découvrez la nouvelle liaison Transavia entre Amsterdam et Rabat, qui répond à une demande croissante pour cette destination.

Mouna Aghlal - 14 novembre 2025
Mise en service de la nouvelle branche du nœud autoroutier de Sidi Maarouf

Société - La nouvelle branche du nœud autoroutier de Sidi Maarouf ouvre ses voies, offrant sécurité, fluidité et modernité aux usagers en direction de l’aéroport et Marrakech.

Hajar Toufik - 14 novembre 2025
Protection des données personnelles : la CGEM et la CNDP unissent leurs forces

Société - Sujet de la convention : promouvoir la culture de la protection des données personnelles au sein des entreprises marocaines.

Rédaction LeBrief - 13 novembre 2025
Voir plus
Manifestations de la « GenZ 212 » : 60 personnalités marocaines exhortent le Roi à engager des réformes profondes

Société - Soixante figures marocaines appellent le roi Mohammed VI à lancer des réformes profondes en phase avec les revendications de la jeunesse.

Hajar Toufik - 8 octobre 2025
Travaux : les Casablancais n’en peuvent plus !

Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.

Sabrina El Faiz - 12 avril 2025
Manifestations de la « GenZ 212 » : appel à boycotter les entreprises liées à Akhannouch

Société - Les manifestations de la « GenZ 212 », poursuivent leur mobilisation à travers un appel au boycott des entreprises liées à Aziz Akhannouch.

Ilyasse Rhamir - 7 octobre 2025
Mariages marocains : l’amour au prix fort

Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !

Sabrina El Faiz - 23 août 2025
La classe moyenne marocaine existe-t-elle encore ?

Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.

Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025
Faux et usage de faux, la dangereuse fabrique de l’illusion

Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.

Sabrina El Faiz - 24 mai 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire