Cette semaine Hiba du service marketing m’a invité à un ftour. Hiba est la fille la plus élégante de toute la boîte. Elle ose des couleurs qui, sur n’importe qui d’autre feraient tâche. Mais sur elle, le rouge éclatant, le jaune canari, le vert radioactif, le bleu cobalt, toutes les couleurs de la palette se rangent derrière cette élégance naturelle qui la caractérise.
Lorsqu’elle m’a invité, mon égo a été flatté avant que je réalise que l’invitation concernait la quasi-totalité de l’étage.
En quelques secondes, un groupe Whatsapp fut créé et chacun y alla de sa proposition.
Pour ma part, n’ayant aucune compétence en la matière, j’ai attendu le verdict final.
C’est ainsi que nous nous retrouvâmes dans cet endroit singulier, raffiné, où les clients ressemblaient à des figurants dans une production hollywoodienne. Tout le monde était sur son 31. Les femmes souriaient en se dévisageant d’une table à l’autre. Les hommes, col ouvert et grosse montre au poignet lorgnaient leur cigare en attendant le coup de canon salvateur.
Arrive le menu, présenté par une jeune femme dont le look semblait découler du lieu.
Je lis, puis je me reprends et je recommence.
Si je comprends les premières lignes, je tombe rapidement dans un questionnement sans fin. Dattes, chebbakia, selou, msemmen, etc. Je connais et je pratique. C’est après que cela se corse. Les soupes semblent venues d’une autre galaxie. Italian wedding soup, soupe blanche avec un nuage d’épices du bout du monde. Et ça ne s’arrange pas à mesure que les lignes défilent ; harsha au thym, émulsion jebli et khlii crispy , salade farro avec œufs pochés, olives kalamata, aubergines berrania, perles de légumes aller-retour à la fleur de sel.
Puis arrivent les objets du délit dans une sorte de dévoilement qui sonne comme le réveil brutal au milieu du plus délicieux des rêves. Je reconnais la plupart des mets et je recompose mentalement le lien entre ce que j’ai sous les yeux et les noms trop sophistiqués (mais sans faute) du menu que la jeune femme a vite repris, avec une pensée pour les migraines que la recherche de ces appellations a dû coûter à ceux qui les ont conçues.
L’ambiance est détendue. Tout le monde rit. On passe un bon moment. Un petit orchestre joue en nous regardant manger, tandis que nous faisons semblant d’apprécier leur musique en applaudissant mollement à la fin de chaque chanson. On se moque, gentiment, des uns en forçant le trait qu’on leur reproche et des autres (ceux qui ne sont pas là) en leur reprochant une attitude trop ceci ou pas assez cela. Hiba mène son groupe de main de maître et dès qu’un ange passe, elle relance la conversation. Une parfaite maîtresse de maison me disais-je.
Le niveau sonore de la salle fluctue en fonction de l’arrivage des plats. Le cliquetis des couverts succède aux voix des convives. Les serveurs, dans une chorégraphie parfaite, apparaissent et disparaissent. J’espère qu’ils profitent de chaque éclipse pour s’envoyer un extrait du menu, et pour recharger leur sourire.
A la fin du repas, nous nous voyons proposer des infusions aux qualificatifs exotiques et qui sont en fait au choix du zaatar, de la menthe, de la verveine, brefs les infusions de notre quotidien, affublés d’un nom comme un costume dont la valeur se résume à sa marque.
Puis arrive le moment où l’on doit se séparer. Précédé comme il se doit par le passage à la caisse.
Là, je suis pris de panique. Le montant individuel dépasse de loin mon salaire quotidien. J’ai envie de prendre un ou deux couverts avec moi, ou un bol ou la composition florale ou bien tout. J’ai envie de demander un doggie bag. J’aurais dû manger davantage, mais mon estomac n’est pas extensible à l’infini. J’aurais bien tenté un crédit à la consommation, mais déranger ma banquière à une telle heure pour si peu finalement, me semblait incongru.
J’ai donc payé, en raclant le fond virtuel de mon portefeuille électronique en me disant que l’on ne m’y reprendrait pas et en priant pour que la transaction soit validée par un serveur, moins affable celui-là, invisible, qui tient de main de fer mes comptes en m’empêchant systématiquement de dépenser les deniers que je n’ai pas.
Né en 1966 à Casablanca, Saâd A. Tazi est anthropologue de formation. Sa pratique de la photographie se confond avec les premiers appareils de son adolescence. Après de nombreuses années passées en France et aux Etats-Unis, il revient dans son pays natal, dont la diversité est un terrain de jeu exceptionnel pour les amoureux de la lumière.
Auteur de plusieurs livres et d’expositions au Maroc et à l’international, il continue à découvrir et partager la beauté de notre petite planète
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