Chirurgie robotique : entre promesse technologique et défis d’accessibilité

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Chirurgie robotique entre promesse technologique et défis d’accessibilitéDes chirurgiens opèrent un patient avec la plateforme robotisé © ONCORAD

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La chirurgie robotique s’impose comme un tournant majeur dans l’histoire de la médecine opératoire, avec des avancées remarquables tant à l’échelle mondiale qu’au Maroc. Ses bénéfices sont indéniables, même si le terme « robot » suscite encore du scepticisme. « Les patients sont généralement enthousiastes », affirme pourtant le Dr Youness Ahallal, chirurgien urologue, onco-urologue et expert en chirurgie robotique chez Oncorad.

Dans un entretien exclusif accordé à LeBrief, le Dr. Youness Ahallal, chirurgien urologue, onco-urologue et expert en chirurgie robotique pour Oncorad, fait le point sur une pratique qui redéfinit profondément les standards de la chirurgie moderne. De la précision chirurgicale aux enjeux d’équité en matière d’accès, il dresse un bilan à la fois technique, humain et politique de cette innovation médicale en pleine ascension.

Une précision inégalée au service du patient

Pour le Dr. Ahallal, la robot-chirurgie représente une « avancée majeure » tant pour les praticiens que pour les patients. Grâce à des instruments miniaturisés et une vision 3D haute définition, cette technologie offre une gestuelle amplifiée, plus stable, et une posture ergonomique pour le chirurgien. « Cela réduit la fatigue et améliore la qualité des gestes, surtout dans de longues interventions complexes », précise-t-il.

Du côté du patient, les bénéfices sont tout aussi évidents : des incisions plus petites, moins de douleurs post-opératoires, un risque de complications réduit et une récupération plus rapide. « On parle ici d’un retour accéléré à une vie normale, ce qui change tout en matière de qualité de vie après une intervention chirurgicale », insiste-t-il.

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D’autre part, bien que ce type de chirurgie soit de plus en plus utilisé dans plusieurs spécialités, elle trouve aujourd’hui ses applications les plus pertinentes en urologie, notamment dans les prostatectomies, mais aussi en gynécologie, chirurgie digestive, thoracique, ORL, et plus récemment cardiaque.

Ces spécialités partagent une caractéristique commune, celle d’être souvent complexes et dans des zones profondes ou étroites. « Le robot permet une dissection très précise, un contrôle optimal des tissus et une conservation plus fine des nerfs et des vaisseaux », détaille le Dr. Ahallal.

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Une technologie humaine, non autonome

Contrairement à ce que l’on pense, le robot chirurgical n’opère jamais seul. Il est piloté à distance par le chirurgien via une console, « avec une vision 3D immersive », explique le médecin. Aucun geste n’est automatisé. « Il s’agit d’un outil de précision, pas d’un système autonome », indique le médecin. Il existe cependant des fonctionnalités d’assistance intelligentes, comme le repérage de structures anatomiques ou la limitation des zones à risque, mais « le geste chirurgical reste totalement humain », rassure l’expert.

Toutefois, comme tout dispositif connecté, la robot-chirurgie n’échappe pas aux enjeux de maintenance et de cybersécurité. Ces machines, à la pointe de la technologie, requièrent une vigilance constante. « Les fabricants assurent un suivi technique rigoureux », note le Dr. Ahallal.

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Quant aux risques de piratage, ils sont bien réels, même s’ils sont très encadrés. Grâce à des protocoles de cryptage, des pare-feu spécifiques et une surveillance continue, les actes chirurgicaux sont protégés au maximum, explique notre intervenant.

Par ailleurs, l’introduction du robot modifie en profondeur la dynamique du bloc opératoire. Le chirurgien n’est plus au contact direct du patient. Il opère depuis une console, ce qui nécessite une équipe parfaitement formée à l’environnement robotique. « Le fonctionnement devient plus orchestré, presque comme dans un cockpit d’avion », décrit-il. L’infirmier ou l’aide opératoire joue un rôle stratégique dans l’anticipation des gestes, le changement des bras robotisés et la fluidité de l’intervention.

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Toutefois, malgré tous ses avantages, la chirurgie robotique reste encore peu accessible. « Au Maroc, la Sécurité sociale ne couvre qu’environ 15% à 20% du coût total d’une chirurgie robotique », déplore le Dr. Ahallal. Ce faible niveau de remboursement constitue un frein majeur à la démocratisation de la robot-chirurgie, et pose un problème d’équité en matière de soins.

Il appelle ainsi à une revalorisation des actes robotisés dans les systèmes de remboursement, estimant qu’« il est urgent de reconnaître leurs bénéfices médicaux prouvés, notamment en termes de résultats fonctionnels et de réduction des durées d’hospitalisation ».

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L’une des plus grandes promesses de la chirurgie robotique réside dans la téléchirurgie. Grâce aux réseaux à très haut débit et à la stabilité des connexions, il devient possible d’opérer à distance. Le Dr. Ahallal cite deux interventions majeures qu’il a dirigées : une première téléchirurgie robotique entre Shanghai et Casablanca, une prouesse de 12.000 kilomètres, et une autre entre Tanger et Casablanca. « Ces expériences ouvrent la voie à une médecine plus équitable », déclare-t-il. À terme, cela pourrait permettre d’envoyer les compétences chirurgicales dans les zones reculées, sans avoir à déplacer le personnel médical.

 

Pour le Dr. Ahallal, l’avenir de la chirurgie est résolument robotique. « Elle deviendra progressivement un standard, notamment en urologie, gynécologie et chirurgie colorectale ». Mais pour y parvenir, il est essentiel de former massivement les jeunes chirurgiens, de développer des centres de simulation, et surtout de rendre cette technologie financièrement accessible.

Il conclut ainsi avec un message fort : « La révolution robotique est en marche. Il nous appartient de faire en sorte qu’elle bénéficie à tous, et pas seulement à une minorité de patients ».

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