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En une fraction de seconde, l’Espagne, le Portugal et une partie de la France se sont retrouvés coupés d’électricité. Le blackout, survenu à 11h33 (heure locale), a mis hors service des infrastructures vitales et a immédiatement paralysé les communications et les transports. Bien que le Maroc ne partage pas de réseau électrique avec ces pays, il est directement interconnecté avec eux via des câbles sous-marins de télécommunications.
Résultat ? Une baisse sensible du débit Internet, des coupures temporaires chez certains opérateurs et une pression extrême sur les équipes techniques nationales. Au-delà de l’impact immédiat, cet incident révèle les enjeux de souveraineté numérique et de sécurité des infrastructures critiques.
Les hypothèses sur les raisons de ce blackout
L’une des explications de la panne, selon le gestionnaire du réseau espagnol (REE), est une « forte oscillation des flux de puissance » sur le réseau électrique, « accompagnée d’une perte de production très importante », un phénomène qualifié de « totalement extraordinaire ».
« Cette perte de production a dépassé la perturbation de référence pour laquelle les systèmes électriques sont conçus » et a entraîné « une déconnexion du système électrique péninsulaire » vis-à-vis du reste de l’UE, avec un « effondrement » du réseau espagnol en l’espace de cinq secondes seulement, selon REE.
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Une autre explication à cette lente remise en route tient à la nature du réseau péninsulaire, peu connecté, notamment, au reste de l’UE, car pour rétablir le courant, l’Espagne a bénéficié de transferts d’électricité depuis la France, et dans une moindre mesure depuis le Maroc, mais de façon limitée.
Plusieurs hypothèses ont été avancées, parmi lesquelles celle d’une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ainsi annoncé avoir ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique », susceptible d’être qualifiée de « délit terroriste ».
Un blackout européen aux répercussions marocaines
La panne massive survenue en Espagne et au Portugal a été d’une brutalité rare, 15 gigawatts de capacité de production perdus en cinq secondes, selon le gestionnaire espagnol REE. Très vite, la péninsule Ibérique a été plongée dans le noir. Les lignes de métro ont été arrêtées, les feux de circulation désactivés, et le trafic ferroviaire suspendu. Les autorités ont ainsi dû venir en aide à 35.000 passagers bloqués dans les trains… En France, certaines régions du sud ont aussi été brièvement touchées.
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Même si le Maroc n’a pas été concerné par une coupure électrique directe, ses connexions numériques avec l’Europe ont été gravement perturbées. En effet, les principaux câbles sous-marins reliant le Royaume à Internet transitent par l’Espagne, le Portugal, la France et d’autres pays dans le reste du monde. Lorsque ces pays ont cessé d’être alimentés en électricité, certains de ces câbles ont temporairement cessé de fonctionner, provoquant une congestion du réseau marocain.
Une connectivité ralentie, mais pas interrompue
Dès les premières minutes suivant le blackout, les utilisateurs marocains ont commencé à signaler sur les réseaux sociaux une baisse significative du débit Internet. Les vidéos se chargeaient lentement, les appels vocaux par messagerie instantanée étaient hachés et de nombreux sites web tardaient à répondre. Pourtant, contrairement aux craintes, le Maroc n’a pas connu de coupure Internet totale.
Un responsable d’un des trois opérateurs télécoms nationaux nous a confié que la situation était exceptionnelle, mais prévue dans leurs plans de continuité. « Quand les câbles espagnols et portugais sont impactés, on bascule automatiquement vers nos connexions de secours. Le problème, c’est que tous les clients sont alors redirigés vers un seul lien, ce qui ralentit forcément la connexion. Mais aucune interruption générale n’a eu lieu », explique-t-il.
Les trois opérateurs marocains, Maroc Telecom, Orange Maroc et Inwi, disposent en théorie de routes de secours. Mais dans la pratique, tous n’étaient pas préparés de la même manière à un événement de cette ampleur.
Orange Maroc, l’opérateur le plus impacté
Selon l’expert IT et télécoms Khalid Ziani, les clients d’Orange Maroc ont été les plus touchés par cette panne. L’opérateur repose principalement sur un transit IP passant par Madrid, sans réelle route de secours hors péninsule Ibérique. En conséquence, les services FO (fibre optique) et FH (faisceaux hertziens) d’Orange ont été largement affectés.
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« Le Maroc s’est retrouvé coupé du reste du monde pour les clients d’Orange Maroc. Même les sites web hébergés localement n’étaient pas accessibles car le point IXP national, censé permettre une interconnexion locale entre opérateurs, n’a pas fonctionné », regrette Khalid Ziani.
Maroc Telecom, la résilience d’un réseau diversifié
Contrairement à Orange, Maroc Telecom semble avoir mieux résisté à la crise, grâce à une stratégie de transit IP multi-points. En effet, l’opérateur historique utilise à la fois Madrid et Marseille comme hubs d’interconnexion. Le résultat est que les clients fibre et FH de Maroc Telecom ont été épargnés par les perturbations majeures.
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Cette configuration prouve qu’un réseau diversifié, s’appuyant sur plusieurs points d’entrée internationaux, est une stratégie gagnante en cas de crise. D’autant plus que le Maroc dispose de la technologie et des infrastructures nécessaires pour assurer sa souveraineté numérique, encore faut-il qu’elles soient bien utilisées.
Inwi : le silence radio
Du côté de Inwi, l’absence de communication a été remarquée. Aucune déclaration officielle n’a été faite par l’opérateur depuis le blackout, ce qui alimente les interrogations sur la robustesse de son réseau. Faute de données, difficile de savoir si l’opérateur a été épargné ou s’il a également subi des perturbations notables.
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Ce manque de transparence contraste avec l’urgence de la situation et soulève des questions sur l’obligation d’informer les consommateurs en période de crise. Les abonnés ont droit à une communication claire, surtout lorsqu’ils paient pour un service qu’ils ne peuvent pas utiliser correctement.
Le point IXP marocain, maillon faible du réseau ?
Le point IXP (Internet Exchange Point), situé au Maroc, devrait en principe permettre aux opérateurs de rediriger le trafic Internet à l’échelle nationale en cas de coupure extérieure. Mais l’incident de lundi a révélé que les routes de secours internes ne sont pas opérationnelles, ou du moins, pas activées au moment opportun.
« Le rôle du point IXP est déterminant car il permet d’assurer que les services marocains restent disponibles même si le lien avec l’étranger est coupé. Or, cette panne a montré que le système ne fonctionne pas comme prévu. Les opérateurs doivent collaborer davantage pour rendre cette infrastructure réellement fonctionnelle », plaide l’expert Khalid Ziani.
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Des leçons à tirer pour la sécurité numérique du Royaume
Ce blackout européen doit servir de signal d’alarme. Le Maroc n’est pas isolé du monde numérique, il en dépend, et cette dépendance implique une préparation rigoureuse à des scénarios extrêmes. L’épisode du 28 avril démontre que, malgré les efforts de certains opérateurs, la coordination globale reste insuffisante.
Les autorités marocaines, tout comme les opérateurs privés, doivent impérativement revoir leur stratégie de gestion des crises numériques. Cela passe par :
• L’activation effective des routes de secours locales via l’IXP.
• Une meilleure diversification des points de transit internationaux.
• La transparence des communications en temps de crise.
• Et une coopération renforcée entre acteurs publics et privés.
Un stress-test grandeur nature
La panne d’électricité qui a frappé l’Europe ce lundi restera dans les annales comme un test grandeur nature des réseaux numériques marocains. Si les lumières sont restées allumées, le réseau Internet, lui, a vacillé. À travers cet incident, le Maroc a pu observer ses points forts, comme la résilience de Maroc Telecom, mais aussi ses lacunes criantes, notamment l’inefficacité de l’IXP national et la fragilité du réseau d’Orange Maroc.
Plus qu’un incident isolé, ce blackout rappelle que la souveraineté numérique n’est pas un luxe, mais une nécessité stratégique. Et que dans un monde interconnecté, il faut savoir anticiper l’imprévisible.
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