Secteur meunier au Maroc : entre concurrence, subventions et enjeux de sécurité alimentaire
Image d'illustration. © DR
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Dans un contexte marqué par la volatilité des prix mondiaux, la persistance de la sécheresse et la pression budgétaire sur les mécanismes de compensation, le fonctionnement concurrentiel de la minoterie industrielle s’impose comme un enjeu économique et politique majeur.
Diagnostic du Conseil de la concurrence : un marché sous contrainte structurelle
Dans son Avis n° A/2/25 sur l’état de la concurrence sur le marché meunier au Maroc, le Conseil de la concurrence dresse un état des lieux détaillé d’un secteur à la fois stratégique et structurellement déséquilibré. L’institution rappelle que la minoterie industrielle assure un double rôle : d’une part, elle constitue un débouché essentiel pour la production nationale et importée de céréales en amont, et d’autre part, elle fournit des produits de première nécessité, comme les farines et semoules, en aval.
Le Conseil souligne d’abord la forte dépendance du secteur aux importations, le Maroc ne couvrant en moyenne qu’environ la moitié de ses besoins céréaliers par la production nationale. Cette dépendance expose directement les minoteries aux chocs exogènes, notamment géopolitiques et climatiques, comme l’a illustré la guerre en Ukraine. À cette vulnérabilité externe s’ajoute une surcapacité chronique de production, estimée à l’échelle nationale et régionale, qui pèse lourdement sur la rentabilité des opérateurs et engendre une concurrence asymétrique entre acteurs de tailles très inégales.
Sur le plan concurrentiel, le Conseil met en évidence une tendance à la concentration, particulièrement sur le marché du blé tendre, avec l’émergence de groupes disposant de capacités industrielles importantes, tandis qu’un tissu fragmenté de minoteries de petite et moyenne taille peine à atteindre des seuils d’efficacité économique. Cette asymétrie est accentuée par des écarts significatifs de performance, de coûts et de taux d’utilisation des capacités.
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L’analyse souligne également l’impact ambivalent du système de subvention et de compensation, notamment celui de la Farine nationale de blé tendre (FNBT). Si ce mécanisme vise explicitement à protéger le pouvoir d’achat des ménages vulnérables, il engendre, selon le Conseil, d’importantes distorsions concurrentielles. Les prix administrés, les contingents et les règles de répartition géographique rigidifient le marché, limitent la libre concurrence et réduisent les incitations à l’investissement et à la modernisation.
Enfin, le Conseil de la concurrence relève des défaillances dans la gouvernance et le contrôle de la distribution, soulignant que les effets redistributifs de la subvention ne profitent pas toujours aux populations ciblées. Ces constats conduisent l’institution à recommander une réforme graduelle du cadre de régulation, visant à améliorer l’efficience du marché, renforcer la transparence et mieux cibler les mécanismes de soutien, tout en préservant la sécurité alimentaire.
Regard d’Elhachami Oudghiri : recentrer le débat sur l’État et la chaîne de valeur
De son côté, Elhachami Oudghiri, ancien professeur universitaire et actuellement consultant international, propose une lecture critique et complémentaire du fonctionnement du secteur meunier marocain. Son analyse déconstruit l’idée selon laquelle les dysfonctionnements seraient imputables aux meuniers eux-mêmes, et les situe plutôt au niveau des mécanismes publics de régulation et de distribution.
Selon lui, la farine subventionnée ne représente qu’une part marginale de la consommation totale, de l’ordre de 10% des volumes, ce qui relativise son impact réel sur le pouvoir d’achat global. Il rappelle que les minoteries opèrent dans un cadre extrêmement contraint, avec un prix d’achat du blé imposé et un prix de vente administré pour la farine subventionnée, plaçant les opérateurs « entre le marteau et l’enclume ». Dans ces conditions, la question centrale n’est pas la production, mais le contrôle effectif de l’acheminement de la farine subventionnée vers les zones et populations ciblées.
Elhachami Oudghiri souligne les lacunes du système de contrôle, qu’il juge inadapté aux réalités actuelles. À l’ère de la transition digitale, il estime que l’État dispose des moyens technologiques pour assurer une traçabilité précise des flux, depuis la sortie des minoteries jusqu’aux points de distribution finaux. L’enjeu est donc avant tout institutionnel et opérationnel, bien plus qu’industriel.
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Sur le plan stratégique, le consultant défend une vision de sécurité alimentaire raisonnée, distincte de l’autosuffisance totale. Il rappelle que la production locale couvre environ 47% des besoins, un niveau qui, sans être autosuffisant, constitue un socle de résilience indispensable. Produire localement n’est pas seulement un choix économique, mais aussi social, compte tenu du poids de la céréaliculture dans l’emploi rural et la cohésion territoriale.
À moyen et long terme, Elhachami Oudghiri plaide pour une restructuration du tissu meunier, marquée par une concentration progressive autour d’unités modernes, performantes et régionales, capables d’atteindre des économies d’échelle. Cette évolution devrait s’inscrire dans une logique de libéralisation maîtrisée, conforme aux engagements internationaux du Maroc, mais accompagnée de dispositifs ciblés de protection des catégories vulnérables.
Enfin, il souligne un facteur souvent sous-estimé : le coût de l’énergie, qui constitue, avec la matière première, le principal poste de dépense des minoteries. La transition énergétique engagée par le Maroc pourrait, à terme, renforcer la compétitivité du secteur et contribuer à stabiliser les prix pour les consommateurs.
Pris ensemble, les avis de l’expert et du Conseil de la concurrence convergent vers un constat clair : le secteur meunier marocain est moins un problème d’acteurs qu’un problème de modèle. Entre régulation administrative, subventions mal ciblées et surcapacités industrielles, le défi consiste désormais à réformer sans fragiliser et à libéraliser sans exclure.
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