Où en est la dette extérieure du Maroc ?

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Où en est la dette extérieure du Maroc ?Le Maroc maintient sa dette extérieure sous contrôle malgré un contexte économique mondial complexe © DR

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La dette extérieure du Maroc reste élevée, mais sa gestion prudente permet de préserver la stabilité économique. Les défis internationaux restent toutefois importants.

La Banque mondiale a récemment publié son Rapport sur la dette internationale 2025, révélant des chiffres préoccupants pour les pays en développement. Entre 2022 et 2024, ces pays ont remboursé 741 milliards de dollars de plus en principal et intérêts qu’ils n’en ont reçu en nouveaux financements, un déséquilibre record depuis plus de 50 ans. Cette situation exerce une pression considérable sur les budgets, limitant les ressources disponibles pour la santé, l’éducation et les infrastructures essentielles.

Pour le Maroc, l’année 2024 marque un léger répit. L’encours de la dette extérieure s’établit à 67,99 milliards de dollars, en baisse par rapport au pic de 69,63 milliards atteint en 2023. Cette diminution met fin à la tendance haussière observée depuis 2021, même si l’endettement demeure supérieur aux niveaux d’avant la pandémie.

Lire aussi : La dette extérieure du Maroc a doublé en 10 ans 

Maroc : une dette extérieure dominée par le long terme

La dette extérieure du Maroc est largement composée d’engagements à long terme, qui totalisent 57,2 milliards de dollars. Parmi eux, 45,7 milliards sont garantis par l’État, tandis que la dette privée non garantie s’élève à 11,47 milliards. Les créanciers officiels restent les principaux partenaires du Royaume : les institutions multilatérales, dont la Banque mondiale, représentent 21,5 milliards de dollars, tandis que la dette bilatérale s’établit à 8,3 milliards. Les créanciers privés, eux, totalisent 16,95 milliards, principalement via les obligations internationales.

Cette structure à long terme contribue à stabiliser la soutenabilité de la dette, en limitant la pression des échéances à court terme. Ainsi, le service de la dette (remboursement du capital et paiement des intérêts) représente 13% des exportations et 6% du RNB, des niveaux jugés soutenables par les standards internationaux. Le rapport révèle d’ailleurs qu’en 2024, le Maroc a remboursé 5,22 milliards de dollars de principal et versé 1,79 milliard d’intérêts, dont la majorité pour le secteur public.

Des flux financiers positifs malgré des taux élevés

En 2024, le Maroc a obtenu 8,61 milliards de dollars de nouveaux décaissements à long terme, dont 6,86 milliards pour le secteur public. Ces financements sont les plus élevés depuis 2020, mais leur coût augmente : les taux d’intérêt moyens sur les nouveaux prêts ont atteint des niveaux record depuis deux décennies pour les créanciers publics et privés. Sur les marchés obligataires, les taux avoisinent 10%, soit près du double de ceux d’avant 2020.

Malgré cette hausse, les flux financiers nets du Maroc restent positifs (+1,33 milliard de dollars), principalement grâce aux investissements en capitaux propres. Les flux nets d’endettement demeurent modestes, à 206 millions de dollars, illustrant une gestion prudente du recours aux financements extérieurs.

Lire aussi : Le déficit budgétaire atteint 55,5 milliards de dirhams à fin octobre 

Une diversification des créanciers stratégique

Le Maroc dispose d’un portefeuille de créanciers diversifié, un atout face aux tensions financières mondiales. Les créanciers multilatéraux représentent près de la moitié de la dette publique et garantie, avec 21% pour la Banque mondiale et 10% pour la Banque africaine de développement. Les créanciers bilatéraux, notamment l’Allemagne, la France et le Japon, pèsent 15%, tandis que les créanciers privés représentent 36%, dont 29% via des obligations internationales.

Cette diversification permet au Maroc de limiter sa dépendance à un type de créancier, tout en maintenant une gestion transparente et équilibrée. La dette à court terme s’élève à 7,5 milliards, en baisse par rapport à 2023, et l’utilisation des crédits du FMI et des droits de tirage spéciaux recule à 3,28 milliards.

Les risques qui pèsent sur la soutenabilité

Malgré un endettement sous contrôle, le Maroc fait face à trois risques majeurs identifiés par la Banque mondiale :

  • L’incertitude commerciale mondiale : les tensions et restrictions commerciales pourraient ralentir la croissance des pays à revenu faible et intermédiaire, affectant les recettes d’exportation, essentielles au service de la dette.
  • Le coût élevé du refinancement : les taux mondiaux élevés rendent le remboursement et le renouvellement de la dette plus coûteux.
  • La pression sur la capacité fiscale : si la progression des recettes publiques ne suit pas l’augmentation des besoins de financement, la marge budgétaire du Maroc pourrait se réduire.

Ces pressions soulignent l’importance de préserver la résilience économique et d’adopter une stratégie proactive dans la gestion de la dette.

Renforcer la soutenabilité à long terme

Avec une population de 38 millions d’habitants et un RNB de 152 milliards de dollars en 2024, le Maroc bénéficie d’une base économique suffisamment robuste pour absorber l’évolution de sa dette extérieure. La diversification des sources de financement, notamment via le marché domestique des capitaux en dirhams, est une priorité implicite.

Le rapport de la Banque mondiale souligne aussi la nécessité de maintenir une gestion prudente et transparente, afin de préserver la confiance des investisseurs et de renforcer la résilience face aux chocs externes, qu’ils soient financiers ou géopolitiques. Cette approche permet au Maroc de naviguer dans un contexte mondial complexe tout en garantissant la continuité des investissements dans les secteurs prioritaires.

Au final, l’endettement marocain reste élevé mais maîtrisé. L’encours total, bien que proche de 68 milliards de dollars, demeure soutenable grâce à des flux financiers positifs, une dette majoritairement à long terme et un portefeuille diversifié de créanciers. Cependant, les risques externes et la hausse du coût du refinancement imposent une vigilance constante pour éviter que le service de la dette ne devienne un fardeau trop lourd pour l’économie et le budget national.

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