Forum Gnaoua 2025 : repenser les migrations par la culture
La première table ronde du Forum des droits humains à Essaouira © LeBrief / Ayoub Jouadi
A
A
A
A
« Sommes-nous encore libres de circuler ? » La question posée en ouverture de la première table ronde du Forum des droits humains résonne dans la salle comble de l’hôtel Atlas & Spa. Face aux conflits, au dérèglement climatique, aux inégalités économiques et à la montée des discours xénophobes, les mobilités humaines apparaissent à la fois comme un défi et une promesse. C’est tout l’enjeu du thème de cette 12ᵉ édition : « Mobilités humaines et dynamiques culturelles ». Un thème en résonance directe avec le Festival Gnaoua lui-même, espace de fusion et de circulation des identités depuis ses débuts.
Mobilité : une histoire ancienne, une inégalité moderne
Dès l’ouverture, l’historien Pascal Blanchard remet les pendules à l’heure :
« Migrer, c’est instinctif. L’être humain a toujours bougé. Ce qui a changé, ce n’est pas tant la mobilité que le regard qu’on pose sur elle, et les obstacles qu’on y oppose. »
Il rappelle que la mobilité est d’abord un acte naturel, lié à des raisons climatiques, économiques ou démographiques. Mais aujourd’hui, ce droit universel est de plus en plus hiérarchisé.
Lire aussi : Le Festival Gnaoua ouvre son Forum sur les migrations
« Selon le passeport, le diplôme, la couleur de peau ou la nationalité, le monde devient soit un village planétaire, soit une prison à ciel ouvert. »
L’héritage colonial, selon lui, continue de structurer notre rapport à la migration :
« Les systèmes coloniaux étaient des systèmes migratoires… sauf qu’on ne demandait pas leur avis aux peuples colonisés. Aujourd’hui encore, cette logique d’asymétrie perdure. »
Trois chocs qui redessinent la carte des mobilités
Pascal Blanchard identifie trois bouleversements majeurs du XXIᵉ siècle :
Un choc démographique : les pays riches vieillissent et auront besoin des migrants pour soutenir leur économie et leurs systèmes sociaux, notamment les retraites.
Un choc climatique : « Entre 30 et 400 millions de personnes pourraient être déplacées d’ici 2050 à cause du changement climatique. Le climat devient une cause migratoire aussi forte que la guerre. »
Un choc identitaire et médiatique : « L’opinion publique, nourrie de fantasmes, réagit par peur : peur du métissage, peur de devenir minoritaire, peur de l’autre. Pourtant, 3% seulement de la population mondiale vit en dehors de son pays de naissance. »
La culture, espace de résistance et de réinvention
Face à ces tensions, la culture devient une réponse, un espace de narration et de lien. Les intervenants de la table ronde insistent sur le rôle des expressions artistiques dans la déconstruction des peurs et la mise en récit de parcours migratoires.
« Ce qui nous manque, ce sont des modèles, des récits, des contre-imaginaires positifs », affirme Blanchard.
« Il faut raconter les belles histoires. L’art, la littérature, la musique, les festivals… sont des outils puissants pour montrer que les migrations bâtissent, enrichissent, tissent du lien. »
Dans ce sens, le Festival Gnaoua agit comme un amplificateur de ces récits culturels.
« Ce festival contribue à reconfigurer les imaginaires autour de la migration. Il montre que circuler, ce n’est pas menacer, c’est créer. »
Festival Gnaoua 2025 : interview exclusive avec Fehd Benchemsi
Essaouira, carrefour d’idées et de mémoires
La ville d’Essaouira devient, le temps du festival, une agora culturelle où les identités se croisent. Le forum s’inscrit pleinement dans cette dynamique en explorant les apports culturels des migrations, au-delà des simples contributions économiques. Langues, musiques, arts visuels ou cuisine… tous ces éléments, portés par les diasporas, enrichissent les récits nationaux et invitent à faire société autrement.
« Ce que nous vivons, c’est une tectonique des valeurs. Les modèles de société exclusifs sont dépassés. Il faut bâtir avec la diversité », conclut Blanchard.
À l’heure où les frontières se referment, les idées circulent. Et à Essaouira, plus que jamais, elles s’incarnent dans la parole, la musique et le dialogue. Le Forum des droits humains du Festival Gnaoua 2025 rappelle que la migration n’est pas un problème : c’est une réalité humaine, historique, et profondément culturelle. C’est là, sans doute, que réside la plus belle leçon de cette édition.
Société - L’ONSSA a révélé de multiples manquements dans les unités d’huile d’olive, entraînant sanctions, destructions de produits non conformes et renforcement des contrôles avec des vétérinaires privés.
Mouna Aghlal - 11 novembre 2025Société - Les dossiers d’authentification d’actes de mariage ont grimpé de 17,44% en 2024 selon le CSPJ. Cette tendance révèle la persistance des unions non régularisées et l’importance des efforts de sensibilisation à la législation familiale.
Ilyasse Rhamir - 11 novembre 2025Société - Le CSPJ recense 416 décisions en crimes financiers et 312 en blanchiment d’argent en 2024.
Rédaction LeBrief - 11 novembre 2025Société - La Chambre des représentants a adopté à l’unanimité, lundi 10 novembre, le projet de loi n°16.25 modifiant la loi n°36.21 relative à l’état civil.
Rédaction LeBrief - 10 novembre 2025Société - Dès jeudi 13 novembre, le Maroc connaîtra un net changement climatique, avec des pluies attendues et une chute marquée des températures.
Mouna Aghlal - 10 novembre 2025Société - Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire relève une baisse de 17% des mariages de mineurs en 2024, mais alerte sur la persistance du phénomène.
Hajar Toufik - 10 novembre 2025Société - Soixante figures marocaines appellent le roi Mohammed VI à lancer des réformes profondes en phase avec les revendications de la jeunesse.
Hajar Toufik - 8 octobre 2025Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.
Sabrina El Faiz - 12 avril 2025Société - Les manifestations de la « GenZ 212 », poursuivent leur mobilisation à travers un appel au boycott des entreprises liées à Aziz Akhannouch.
Ilyasse Rhamir - 7 octobre 2025Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !
Sabrina El Faiz - 23 août 2025Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.
Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.
Sabrina El Faiz - 24 mai 2025