Travail des enfants : une lutte loin d’être gagnée

Avatar de Hajar Toufik
Temps de lecture :

Travail des enfants : une lutte loin d’être gagnéeCette photographie montre des enfants chargeant des briques sur un chantier © AFP

A
A
A
A
A

Chaque 12 juin, le monde célèbre la Journée mondiale contre le travail des enfants. Une occasion de sensibiliser à ce fléau qui prive des millions d’enfants de leur droit à l’éducation, au jeu et à une enfance protégée. Cette journée invite à faire le point sur les progrès accomplis, mais aussi sur les nombreux défis qui subsistent pour éradiquer durablement ce phénomène à l’échelle nationale et internationale.

À l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, la communauté internationale dresse un état des lieux préoccupant : malgré une baisse du nombre d’enfants concernés depuis le début du siècle, le phénomène reste largement répandu, touchant encore des millions de mineurs à travers le monde.

Travail des enfants : le Maroc expose ses succès et ses défis

À Genève, le Maroc a réaffirmé son engagement ferme pour l’éradication de ce fléau, aussi bien au niveau national qu’international.  Lors d’un événement de haut niveau organisé en marge de la 113ᵉ session de la Conférence internationale du Travail, le ministre de l’Inclusion économique, Younes Sekkouri, a mis en avant les efforts menés par le Royaume tout en appelant à la mise en commun des expériences et à des solutions globales transposables. Le Maroc, qui accueillera la 6ᵉ Conférence internationale sur le travail des enfants en 2026, espère ainsi renforcer son influence dans la lutte contre ce phénomène.

En termes de chiffres, les progrès du Maroc sont notables. Le travail des enfants a reculé de 55% depuis 2017. En 2023, sur environ 7.775.000 enfants âgés de 7 à 17 ans, 110.000 étaient engagés dans une activité économique, soit 1,4% de cette tranche d’âge. Parmi ces enfants, 60% travaillaient aux côtés de leurs familles, notamment en milieu rural. Bien que cette forme d’implication familiale ne relève pas toujours du travail des enfants au sens strict, le ministre a souligné qu’aucune forme d’exploitation ou de participation précoce à des activités économiques ne devrait être tolérée.

Pour expliquer ces résultats, Younes Sekkouri a insisté sur l’importance des politiques publiques mises en œuvre. Il a cité la généralisation de la protection sociale, lancée sur Hautes Instructions Royales, et qui bénéficie aujourd’hui à plus de 7 millions d’enfants. À cela s’ajoute la généralisation de l’enseignement préscolaire dès l’âge de quatre ans, un chantier mené en collaboration avec les ONG selon un modèle adapté aux réalités locales. Ces mesures de prévention s’avèrent décisives pour détourner les enfants des circuits économiques précoces.

En outre, le ministre a évoqué les mécanismes de gouvernance mis en place pour encadrer cette lutte : programmes d’inspection, cadre juridique renforcé, et coopération avec le système judiciaire. Il a notamment rappelé que la ratification des conventions et protocoles internationaux, comme ceux de l’OIT, constitue un pilier fondamental dans la consolidation des acquis.  Cependant, Sekkouri a aussi alerté sur la difficulté à transposer certaines initiatives locales à l’échelle internationale sans adaptation, plaidant pour une meilleure coordination multilatérale.

Lire aussi : Travail des enfants : le Maroc renforce son engagement pour éradiquer un fléau persistant

Des progrès insuffisants malgré une tendance positive

Cet événement de Genève, organisé conjointement par la mission permanente du Maroc et l’Organisation internationale du Travail, a permis le lancement du rapport conjoint OIT-UNICEF sur les dernières estimations mondiales. Depuis le début du siècle, le travail des enfants a diminué de près de 50%, passant de 246 millions à 138 millions d’enfants en 2024. Ce chiffre inclut environ 54 millions d’enfants engagés dans des travaux dangereux mettant en péril leur santé et leur développement. Depuis 2020, 22 millions d’enfants ont été retirés du travail, inversant une tendance à la hausse observée entre 2016 et 2020. Malgré ces progrès, le monde est loin d’atteindre l’objectif d’éliminer le travail des enfants d’ici fin 2025, et le rythme actuel reste très insuffisant : il faudrait aller 11 fois plus vite pour espérer respecter l’échéance.

En termes sectoriels, le rapport dévoile une répartition inégale des formes de travail. L’agriculture demeure de loin le secteur le plus concerné, concentrant 61% des cas, suivie des services (27%), tels que le travail domestique ou la vente sur les marchés, et de l’industrie (13%), notamment les mines ou la fabrication. Cette réalité reflète des formes diverses d’exploitation, souvent invisibles. Par ailleurs, les garçons sont généralement plus touchés, sauf lorsqu’on prend en compte les tâches ménagères non rémunérées effectuées plus de 21 heures par semaine, ce qui met alors en évidence une forte implication des filles.

Sur le plan régional, les disparités sont frappantes. L’Afrique subsaharienne reste la région la plus affectée, avec environ 87 millions d’enfants concernés, soit près des deux tiers du total mondial. Même si la prévalence y a légèrement reculé (de 23,9% à 21,5%), la croissance démographique freine les progrès. En revanche, l’Asie et le Pacifique ont enregistré la baisse la plus marquée, passant de 49 à 28 millions d’enfants, ramenant la prévalence de 5,6% à 3,1%. Quant à l’Amérique latine et les Caraïbes, elle affiche une baisse de 11% du nombre de cas, et une diminution relative de 8% de la prévalence.

Lire aussi : HCP : le travail des enfants marocains en chiffres

Cependant, ces progrès restent fragiles. Le rapport met en garde contre les effets dévastateurs des coupes budgétaires, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la protection sociale et des services destinés aux familles. La pauvreté structurelle, l’absence de travail décent pour les adultes et les crises multiformes continuent d’alimenter le travail des enfants. De plus, la réduction des investissements dans les systèmes de suivi et de collecte de données rend l’identification et la prévention de ces situations plus difficiles, risquant ainsi de compromettre les acquis récents.

Face à ces constats, l’OIT et l’UNICEF formulent plusieurs recommandations urgentes. Elles appellent à un renforcement massif des systèmes de protection sociale, en particulier à travers l’instauration d’allocations familiales universelles. L’accès à une éducation gratuite et de qualité doit être garanti, en particulier dans les zones rurales ou en situation de crise.

Les gouvernements sont également invités à assurer un travail décent pour les adultes et les jeunes, à renforcer les mécanismes de protection de l’enfance, et à responsabiliser les entreprises dans leurs chaînes d’approvisionnement. Ces actions, conjuguées à une volonté politique forte, sont essentielles pour briser le cycle de la pauvreté et garantir à chaque enfant son droit fondamental à l’éducation, au jeu et à une enfance protégée.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Spyware LANDFALL : des téléphones au Maroc ciblés par une campagne d’espionnage

Société - Le Maroc est ciblé par le spyware LANDFALL, qui infecte les Samsung Galaxy via WhatsApp et vise des profils stratégiques.

Mouna Aghlal - 11 novembre 2025
Huile d’olive : l’ONSSA retire sept autorisations d’exploitation

Société - L’ONSSA a révélé de multiples manquements dans les unités d’huile d’olive, entraînant sanctions, destructions de produits non conformes et renforcement des contrôles avec des vétérinaires privés.

Mouna Aghlal - 11 novembre 2025
Hausse de 17,44% des actes de mariage authentifiés en 2024

Société - Les dossiers d’authentification d’actes de mariage ont grimpé de 17,44% en 2024 selon le CSPJ. Cette tendance révèle la persistance des unions non régularisées et l’importance des efforts de sensibilisation à la législation familiale.

Ilyasse Rhamir - 11 novembre 2025
Crimes financiers : 416 décisions judiciaires rendues en 2024

Société - Le CSPJ recense 416 décisions en crimes financiers et 312 en blanchiment d’argent en 2024.

Rédaction LeBrief - 11 novembre 2025
La Chambre des représentants adopte à l’unanimité le projet de loi sur l’état civil

Société - La Chambre des représentants a adopté à l’unanimité, lundi 10 novembre, le projet de loi n°16.25 modifiant la loi n°36.21 relative à l’état civil.

Rédaction LeBrief - 10 novembre 2025
Alerte météo : retour de la pluie et chute des températures dès jeudi

Société - Dès jeudi 13 novembre, le Maroc connaîtra un net changement climatique, avec des pluies attendues et une chute marquée des températures.

Mouna Aghlal - 10 novembre 2025
Voir plus
Manifestations de la « GenZ 212 » : 60 personnalités marocaines exhortent le Roi à engager des réformes profondes

Société - Soixante figures marocaines appellent le roi Mohammed VI à lancer des réformes profondes en phase avec les revendications de la jeunesse.

Hajar Toufik - 8 octobre 2025
Travaux : les Casablancais n’en peuvent plus !

Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.

Sabrina El Faiz - 12 avril 2025
Manifestations de la « GenZ 212 » : appel à boycotter les entreprises liées à Akhannouch

Société - Les manifestations de la « GenZ 212 », poursuivent leur mobilisation à travers un appel au boycott des entreprises liées à Aziz Akhannouch.

Ilyasse Rhamir - 7 octobre 2025
Mariages marocains : l’amour au prix fort

Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !

Sabrina El Faiz - 23 août 2025
La classe moyenne marocaine existe-t-elle encore ?

Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.

Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025
Faux et usage de faux, la dangereuse fabrique de l’illusion

Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.

Sabrina El Faiz - 24 mai 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire