Programme nucléaire iranien : un projet qui bascule de l’usage civil à l’usage militaire
La centrale nucléaire de Bouchehr en Iran © AFP
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Alors que le monde observe, parfois dans l’indifférence feinte, la dynamique d’un Moyen-Orient déjà saturé de crises, un point de bascule s’installe discrètement, mais irréversiblement. En effet, l’Iran est en passe de devenir une puissance nucléaire latente. Cette transformation n’est pas simplement une question de kilotonnes ou de centrifugeuses ; elle incarne une mutation doctrinale, stratégique et civilisationnelle qui reconfigure les équilibres régionaux et menace l’architecture mondiale de sécurité. L’analyse rigoureuse de Charkaoui Roudani, expert reconnu en politique internationale, offre un décryptage essentiel de cette trajectoire.
L’Iran, puissance nucléaire : entre ambiguïté stratégique et bouleversement géopolitique
Depuis la révolution islamique de 1979, le programme nucléaire iranien a évolué d’un projet civil soutenu par les États-Unis à un outil de puissance, façonné par la guerre, la dissuasion et une vision à long terme. Pour Charkaoui Roudani, ce programme a franchi un seuil critique : il ne s’agit plus d’une simple posture défensive, mais d’un «projet stratégique fondé sur l’ambiguïté, l’autonomisation technologique et l’exploitation des failles d’un ordre sécuritaire régional affaibli». En cultivant une posture de latence nucléaire, l’Iran s’arroge le droit d’inquiéter sans déclencher, de menacer sans agir, de négocier sans céder.
Ce modèle rappelle celui du Japon, mais avec une finalité bien différente. Tandis que Tokyo utilise sa capacité nucléaire latente comme un outil de stabilité diplomatique, Téhéran en fait un levier de pression et d’ambiguïté, brouillant sans cesse la frontière entre usage civil et ambition militaire.
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La puissance du concept de seuil nucléaire, tel que l’Iran le manie, réside dans son opacité. Selon l’expert, «Téhéran assemble méthodiquement les briques technologiques du seuil sans le franchir formellement, se ménageant une latitude stratégique». Cette approche permet à la République islamique de tester les lignes rouges occidentales tout en échappant aux représailles définitives. En parallèle, l’Iran développe un arsenal balistique sophistiqué, renforce ses capacités spatiales duales et multiplie les signaux de puissance régionale.
Cette dissuasion graduelle s’adosse à un réseau de proxies chiites qui pourraient, sous un parapluie nucléaire implicite, intensifier leurs actions avec une nouvelle audace. «L’Iran semble utiliser son programme nucléaire non seulement comme une assurance contre les menaces extérieures, mais également comme un levier de reconfiguration stratégique régionale», avertit Roudani.
L’expansion indirecte : les ambitions de l’Iran au-delà de la région du golfe
Mais l’ambition iranienne ne se limite pas au Levant ou au golfe. En Afrique du Nord, au Sahel et jusqu’au flanc sud de l’OTAN, Téhéran implante patiemment des relais idéologiques, logistiques et parfois paramilitaires. Selon Roudani, cette projection indirecte, souvent couplée à celle de la Russie, «vise à fracturer les zones d’influence euro-atlantiques et à imposer des rapports de force asymétriques». L’Afrique devient alors un théâtre secondaire de la stratégie nucléaire iranienne, instrumentalisé pour brouiller les pistes et étendre l’empreinte stratégique de Téhéran.
Ce schéma se reflète dans le soutien affiché par l’Iran au Polisario, une dynamique géopolitique triangulaire avec l’Algérie, qui déborde du cadre maghrébin pour affecter la stabilité méditerranéenne. À terme, cette stratégie pourrait transformer l’Afrique du Nord en une base avancée de projection de puissance iranienne, menaçant directement l’Europe méridionale.
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Face à cette montée en puissance, la communauté internationale se retrouve dans un dilemme stratégique majeur. Les mécanismes de contrôle, tels que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le JCPoA et les sanctions économiques, apparaissent dépassé face à une stratégie iranienne qui conjugue rhétorique révolutionnaire, autonomie technique et sens aigu du timing diplomatique. Roudani souligne que l’Iran opère dans une «zone grise entre légalité et intimidation stratégique», rendant toute réponse militaire ou diplomatique incomplète et risquée.
D’ailleurs, la lettre récente du président Trump au guide suprême iranien, mêlant ouverture et menace, illustre l’impasse d’une approche binaire. Dans ce contexte, l’Union européenne peine à formuler une réponse commune, prise entre volonté de dialogue et crainte de déclassement géopolitique.
Une région au bord de la prolifération
Le scénario du pire n’est plus hypothétique. L’Arabie saoudite, l’Égypte et la Turquie pourraient initier leurs propres programmes nucléaires, appuyés par la Chine ou le Pakistan. La région basculerait alors dans une prolifération horizontale, où la multiplication des puissances nucléaires dans un espace aussi instable rendrait toute crise potentiellement apocalyptique. Roudani prévient : «la prolifération mimétique au Moyen-Orient transformerait la région en un théâtre d’escalade incontrôlable, où l’arme nucléaire ne serait plus un rempart, mais un catalyseur de chaos».
Dans cette perspective, Israël pourrait briser son tabou du «flou nucléaire» et rendre publiques ses capacités. La Turquie d’Erdogan, quant à elle, pourrait revendiquer un droit symétrique à la dissuasion. Le monde verrait alors naître une nouvelle ère de compétition nucléaire, où l’ambiguïté stratégique se substituerait à la dissuasion stabilisante.
Le constat de Charkaoui Roudani est implacable : «le seuil nucléaire n’est plus une ligne rouge. Il est devenu un espace d’ambiguïté géopolitique dans laquelle Téhéran redéfinit l’équilibre mondial». Dans ce brouillard stratégique, chaque silence, chaque ambiguïté devient un levier, chaque hésitation un aveu.
L’Iran, en devenant une puissance au seuil nucléaire, ne se contente pas de sécuriser son régime : il transforme son environnement, impose de nouvelles règles du jeu et teste la résilience des institutions internationales. Si la communauté mondiale tarde à reconnaître cette métamorphose et à y répondre par des stratégies cohérentes et partagées, c’est tout l’ordre non-proliférant hérité de l’après-guerre qui pourrait vaciller.
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