Le 29 mars 1907, les troupes françaises franchissent la frontière algérienne et s’emparent de Oujda. Officiellement, c’est tout bonnement une réponse à l’assassinat d’un médecin français à Marrakech. En réalité, cet événement était une volonté purement stratégique. Le début d’une lente et implacable prise de contrôle du Maroc par la France. Retour sur le point de départ de l’Histoire coloniale marocaine.

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29 mars 1907, Oujda. Les dés sont jetés, les jeux sont faits. Une date, parfois méconnue, et pourtant hautement importante dans l’Histoire du Maroc. Ce jour-là, les troupes françaises, sous les ordres du général Hubert Lyautey, franchissent la frontière algérienne et s’emparent de la ville de Oujda. Cette occupation est alors justifiée par la France comme une réponse à l’assassinat d’un médecin français à Marrakech, Emile Mauchamp, soupçonné d’être un agent secret pour les services français. Mais, en réalité, ce n’était que le justificatif pour tout lancer. Lancer l’expansion coloniale !

Retour sur l’affaire Mauchamp

29 mars 1907 : Oujda, première victime de l’expansion coloniale française

Emile Mauchamp à Marrakech en mars 1907 © Archives

Quelques semaines avant l’occupation de Oujda, le 19 mars 1907, Émile Mauchamp, un médecin français, est tué à Marrakech. Officiellement, il dirigeait un dispensaire. Mais pour de nombreux Marocains, il était surtout perçu comme un agent de renseignement œuvrant pour la France. Son attitude jugée arrogante, ses contacts avec les consuls français et les soupçons d’espionnage avaient attisé la méfiance des Marrakchis.

Pour la France, qui cherche depuis plusieurs années un prétexte pour intervenir militairement au Maroc, cet assassinat tombe à point nommé. Sans attendre d’explication de la part du Sultan Moulay Abdelaziz, Paris décide d’agir. Officiellement, il s’agit de punir un crime et de protéger les ressortissants français au Maroc. Officieusement, c’est une occasion en or pour renforcer son emprise sur un pays encore indépendant.

Le général Hubert Lyautey, alors en poste en Algérie, est chargé de mener l’offensive. Le choix de Oujda n’est pas anodin. Ville frontalière avec l’Algérie colonisée depuis 1830, Oujda représente une porte d’entrée idéale pour une future extension française au Maroc.

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Le 29 mars 1907, les troupes françaises franchissent la frontière et entrent sans grande résistance dans Oujda. Les habitants, surpris par la rapidité de l’attaque, sont impuissants face à la puissance de feu de l’armée coloniale. En quelques heures, la ville est sous contrôle français. Pour justifier son action, la France prétend que Oujda était un « haut-lieu d’agitateurs anti-français » et que cette occupation vise à « garantir la sécurité de la région ».

Mais sur place, la réalité est tout autre : cette occupation sert avant tout les intérêts stratégiques français, facilitant un contrôle progressif du territoire marocain.
Sur le plan international, l’occupation de Oujda provoque quelques protestations, notamment de l’Allemagne, qui voit d’un mauvais œil cette avancée française dans une région stratégique. Mais globalement, les puissances européennes ferment les yeux, laissant la France imposer progressivement son protectorat sur le Maroc.

Une première étape vers le protectorat

29 mars 1907 : Oujda, première victime de l’expansion coloniale française

Militaires français en avril 1907 à Oujda © Archives

L’occupation de Oujda en 1907 n’est que le début d’un processus plus large. Quelques mois plus tard, en août 1907, les troupes françaises bombardent et occupent Casablanca, prétextant cette fois-ci des émeutes contre les travailleurs européens du port.

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Peu à peu, la France impose son autorité sur le Maroc, exploitant chaque incident pour justifier une présence militaire. Ce processus aboutira officiellement en 1912 avec la signature du traité de Fès, qui instaure le protectorat français. Hubert Lyautey, devenu résident général, poursuivra cette politique d’occupation et d’assimilation.

L’Histoire retiendra qu’il s’agissait d’une invasion injuste. Si l’Histoire officielle française présente cette occupation comme une nécessité diplomatique et militaire, la réalité marocaine raconte un tout autre récit : celui d’un pays pris au piège des convoitises impérialistes, d’une population qui n’a jamais accepté la domination étrangère et d’une lutte qui aboutira à l’indépendance en 1956.

Les dessous de la carte

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