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2024, l’année de test pour les démocraties

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L’année de toutes les élections a démarré. 65 pays concernés, plus de deux milliards d’électeurs, et un même objectif : choisir les dirigeants qui sauront gouverner de la meilleure façon possible. L’inflation qui pèse globalement, les divergences politiques internes et la montée des dissonances idéologiques laissent planer l’ombre d’un repli des États sur eux-mêmes. L’enjeu est d’autant plus grand entre Nations : les guerres en cours faisant craindre une escalade risquent de mettre à mal le jeu diplomatique. Pour le Royaume, ces événements politiques sont à surveiller. Tour d’horizon des élections à venir.

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«Nous saurons si la démocratie vit ou meurt d’ici la fin de 2024», a déclaré Maria Ressa, lauréate du prix Nobel de la paix, fondatrice du site d’information d’investigation « Rappler » aux Philippines et auteur de « Comment tenir tête à un dictateur ». Des pays représentant la moitié de la population mondiale – près de 4,2 milliards d’habitants répartis dans environ 65 pays – se rendront aux urnes lors de ce qui est qualifié de plus grande année électorale de l’histoire.

Régionales, législatives et présidentielles, les élections devant nous devraient bouleverser les institutions politiques et intensifier les tensions géopolitiques. «2024 pourrait être l’année décisive pour la démocratie dans le monde», a affirmé pour sa part Staffan Lindberg, directeur de l’Institut Varieties of Democracy, ou V-Dem, un groupe de réflexion suédois qui analyse la «complexité du concept de démocratie».

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Partout dans le monde, y compris dans certains des pays les plus grands et les plus influents, les experts ont observé que l’espace laissé à la compétition politique et à la société civile se rétrécissait. Dans le même temps, les dirigeants élus, mais antilibéraux sévissent contre les opposants et les critiques. Ceux-ci érodent les institutions démocratiques comme le système judiciaire et les médias qui servent de contrôle à leur pouvoir et, enfin, consolident ce pouvoir grâce à des changements dans la constitution.

Le processus est déjà bien avancé dans une grande partie du monde. En commençant par le Bangladesh le 7 janvier, les élections incluent sept des dix pays les plus peuplés du monde : l’Inde, les États-Unis, l’Indonésie, le Pakistan, la Russie et le Mexique. Tous se rendront aux urnes cette année, avec le défi consistant à garantir la participation des électeurs, la liberté d’expression et l’indépendance électorale alors que l’autoritarisme est en pleine expansion.

2024, l’année de test pour les démocraties

2024 : l’année électorale ultime dans le monde. Des élections nationales sont prévues ou attendues dans au moins 64 pays, ainsi que dans l’Union européenne, qui représentent ensemble près de la moitié de la population mondiale. © TIME

Sur les 43 pays censés organiser des élections libres et équitables au cours de ce mégacycle électoral, 28 ne remplissent pas réellement les conditions essentielles à un vote démocratique, selon l’indice de démocratie de l’Economist’s Intelligence Unit. «Ces élections peuvent changer le monde», a déclaré Lindberg, de l’Institut V-Dem. Quels que soient leurs résultats, dit-il, il est probable qu’après 2024, le monde sera «un endroit très différent».

En Afrique, l’espoir démocratique

2024, l’année de test pour les démocraties

Image d’illustration. © CARL DE SOUZA / AFP

Ouvertes ou jouées d’avance, de nombreuses consultations électorales, dont près de quinze présidentielles, sont attendues cette année sur le continent. La nouvelle année s’annonce intéressante en Afrique. Les experts affirment que l’économie continentale est en croissance, malgré l’instabilité dans plusieurs régions, alimentée dans une large mesure par le secteur des services, en particulier en Afrique de l’Est. Selon l’Economist Intelligence Unit, le continent sera la deuxième grande région à la croissance la plus rapide en 2024 après l’Asie.

C’est une année particulière pour le continent alors que plusieurs pays africains se trouvent à un moment crucial, se préparant à s’engager dans des élections qui façonneront la trajectoire de leur gouvernance et de leur progrès économique. Un tiers de l’Afrique se rendra aux urnes, avec des enjeux électoraux majeurs dans au moins 18 pays. Parmi eux, on se rappelle que le Mali, le Tchad et le Burkina Faso ont été frappés par des coups d’État. Encore faudra-t-il que les dirigeants de la junte dans ces pays restent fidèles à leur parole.

L’Economist Intelligence Unit a de plus constaté qu’il existe un risque global accru de voir les majorités parlementaires diminuer. C’est le cas par exemple à Madagascar, en Algérie et en Tunisie. C’est également le cas de l’Afrique du Sud qui est confrontée à des élections cruciales au cours desquelles le Congrès national africain (ANC) pourrait perdre sa majorité parlementaire vieille de 30 ans. Une situation qui rendrait plus difficile la gouvernance et fomenterait des troubles.

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Un thème récurrent au Sahel et ailleurs en Afrique est la tendance des dirigeants qui cherchent à modifier la constitution de leur pays pour consolider leur pouvoir ou se présenter à vie – une pratique qui déclenche de nouvelles instabilités et de nouveaux coups d’État. Le Tchad, le Mali et la Guinée-Bissau devraient organiser des élections cette année. Le résultat de ces élections est prévisible ; la principale question est de savoir si ces votes auront lieu.

Qu’il s’agisse de la dynamique Afrique du Sud, du Ghana en Afrique de l’Ouest ou de l’Algérie en Afrique de l’Est, les décisions et résultats électoraux exerceront une influence significative sur le continent. L’année 2024 pourrait ouvrir la voie à une nouvelle ère de gouvernance et de développement en Afrique. Dans un environnement géopolitique plus transactionnel, les dirigeants africains poursuivront leurs efforts pour faire entendre la voix du continent dans les débats mondiaux, tout en approfondissant les liens avec un certain nombre de «puissances moyennes» comme le Brésil, l’Inde, la Turquie ou les États du Golfe.

2024, l’année de test pour les démocraties

Élections africaines en 2024. © Electoral Institute for Sustainable Democarcy in Africa (EISA)

En Europe, la montée de la droite

L’Europe connaîtra neuf élections parlementaires en 2024, dont quatre devraient aboutir à un changement notable de gouvernement et/ou d’orientation politique. L’Economist Intelligence Unit prévoit que la fragmentation politique restera une tendance clé dans l’Europe de 2024. Les gouvernements ont de plus en plus de mal à obtenir des majorités stables et actives, et les pays gouvernés par des coalitions devront probablement s’appuyer sur de vastes accords multipartites.

L’élaboration des politiques restera limitée par les défis posés par un gouvernement minoritaire (France), l’instabilité et les luttes internes (Allemagne et Autriche), l’effondrement récent d’une coalition (Pays-Bas) ou le recours à de petits partis radicaux (Espagne).

Les élections les plus importantes en Europe en 2024 auront lieu au Royaume-Uni, où le sentiment anti-titulaire est fort et où nous nous attendons à ce que les électeurs choisissent un gouvernement travailliste. Le gouvernement pourrait théoriquement reporter les élections à janvier 2025, mais la date la plus probable est au quatrième trimestre 2024, indique l’Economist Intelligence Unit.

élections 2024Les élections au Parlement européen auront lieu du 6 au 9 juin 2024. Avec la montée des eurosceptiques nationaux dans toute l’Union européenne (UE) et la prévision de gains au Parlement (bien que loin d’être suffisants pour obtenir une majorité), les analystes estiment également que cette élection pourrait être considérée comme un «moment décisif». Selon un sondage Eurobaromètre réalisé auprès de 27.000 personnes et publié en décembre, 57% des électeurs sont intéressés par les élections, soit six points de plus qu’à l’approche des précédentes élections européennes de 2019, et 68 % ont l’intention de voter, soit une hausse de neuf points.

Un nombre record de 72% pensent que l’adhésion a été bénéfique pour leur pays, tandis que 70% estiment que l’UE compte dans leur vie quotidienne. Mais, les électeurs s’inquiètent également pour l’avenir : 73% craignent une baisse de leur niveau de vie cette année.

La plupart des partis nationalistes européens ont abandonné ou reculé sur tout projet visant à suivre la Grande-Bretagne hors de l’UE. Mais dans près d’une douzaine d’États membres de l’UE, dont la France et l’Allemagne, les partis d’extrême droite sont au gouvernement ou numéro un ou deux dans les sondages. Ceux-ci suggèrent que le parti anti-islam de Geert Wilders remporterait encore plus de sièges aujourd’hui que lorsqu’il avait terminé premier aux élections néerlandaises de novembre, et le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen a 10 points d’avance sur l’alliance centriste d’Emmanuel Macron, avec 28% à 30%.

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Les Frères d’Italie de Giorgia Meloni restent confortablement en tête dans les sondages avec 29%, le FPÖ autrichien avec 30% et en Allemagne, en décembre, l’AfD a remporté ses deuxièmes élections municipales en six mois et occupe la deuxième place avec 22%.

Il est difficile de prévoir les résultats des élections au Parlement européen, car les deux organisations qui le font – Politico Europe et Europe Elects – s’appuient sur des extrapolations à partir de sondages nationaux et, lors du scrutin européen, les électeurs se comportent souvent différemment. Cependant, les deux séries de sondages prédisent une nette victoire du groupe d’extrême droite Identité et Démocratie (ID), qui comprend l’AfD, le RN, le FPÖ et la Ligue de Matteo Salvini, et pourrait remporter plus de 85 sièges contre 76 actuellement.

Les Conservateurs et Réformistes européens (ECR), qui comprend le parti polonais Droit et Justice (Pis), les Frères d’Italie, le parti finlandais, les Démocrates suédois et le parti espagnol Vox, devraient également progresser, passant de 61 à environ 80 députés.

Et le reste du monde est à surveiller

Le Bangladesh devrait réélire la première ministre Sheikh Hasina, 76 ans, la dirigeante la plus ancienne du pays et la femme chef de gouvernement la plus ancienne au monde, qui a réprimé ses opposants politiques. À Taïwan, le choix du prochain président façonnera fondamentalement l’approche de Pékin à l’égard de l’île autonome qu’elle a menacée à plusieurs reprises d’invasion.

Au Pakistan, l’homme politique le plus populaire du pays, l’ancien Premier ministre Imran Khan, est en prison, tandis que son parti a été supprimé et ses partisans arrêtés à l’approche des élections de février.

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En Russie, où Vladimir Poutine est pratiquement certain d’obtenir un cinquième mandat, les élections sont largement devenues formelles, toute opposition significative étant jetée derrière les barreaux. «Même les autocrates reconnaissent que la légitimité passe par les élections», note Yana Gorokhovskaia, directrice de recherche à Freedom House, qui supervise le rapport annuel «Liberté dans le monde» du groupe de réflexion pro-démocratie.

Pendant ce temps, en Ukraine, il n’est pas clair si l’élection présidentielle prévue en 2024 aura lieu alors que le pays assiégé est actuellement soumis à la loi martiale, bien que le leader sortant Volodomyr Zelensky ait déclaré son intention de briguer un autre mandat et que ses notes restent élevées.

2024, l’année de test pour les démocraties

Image d’illustration. © Andrea Ucini

Sans oublier l’élection la plus médiatisée ; la course à la présidentielle américaine qui culminera en novembre a le potentiel de déclencher ce que The Economist a récemment décrit comme «le plus grand danger pour le monde» de 2024 : l’ancien président Donald Trump obtenant un second mandat.

Toutes les élections de cette année n’aboutiront pas à un changement significatif de gouvernement ou de politique, et elles ne conduiront pas nécessairement à la chute pure et simple de la démocratie. Mais collectivement, leurs résultats contribueront à façonner un monde de plus en plus précaire, en particulier dans un contexte de rivalité accrue entre blocs entre l’Occident et la Chine, de montée du nationalisme de droite en Europe et de conflits armés en cours entre Israël et le Hamas, ainsi que la Russie et l’Ukraine.

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