Sahara : Staffan de Mistura entame sa mission

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Sahara : partition ou impasse ?Staffan de Mistura, envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara © DR

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Ce lundi 1er novembre 2021, l’italo-suédois Staffan de Mistura prend ses fonctions en tant qu’envoyé personnel du secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara. Ceci intervient après le vote vendredi par le Conseil de sécurité d’une résolution appelant à reprendre les négociations « sans pré-conditions et de bonne foi » tout en prolongeant d’un an le mandat de la Minurso.

Diplomate chevronné, Staffan de Mistura succède à l’Allemand Horst Köhler qui avait rendu son tablier en 2019. Le nouvel émissaire onusien commencera sa mission par une tournée dans la région pour prendre contact avec les différentes parties concernées par ce conflit. La résolution 2602, adoptée vendredi par le Conseil de sécurité, sera en quelque sorte la feuille de route de Staffan de Mistura. Ce texte réaffirme le caractère central des tables rondes, tant dans le format comme dans les modalités et les participants (Maroc, Polisario, Algérie, Mauritanie).

Lire aussi :Guterres souligne que la situation s’est «fortement dégradée» au Sahara depuis un an

Un texte qui conforte les acquis réalisés par le Maroc

«Le Maroc salue cette résolution importante au vu de son contexte, de son contenu et des positions exprimées lors de son adoption (…), et qui a conforté les acquis réalisés par le Royaume dans ce dossier», a déclaré le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, lors d’un point de presse tenu vendredi suite à l’adoption de la résolution. Même son de cloche du côté de Omar Hilale, l’ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU, pour qui la résolution 2602 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptéevendredi, confirme le “continuum” du processus des tables rondes en tant que “seul et unique” cadre pour le règlement du différend régional autour du Sahara. Ceci étant dit, une partie du texte peut prêter à confusion. La résolution stipule que les négociations sont à reprendre, sous l’égide du nouvel émissaire de l’ONU « en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable » dans la perspective d’une « auto-détermination du peuple du Sahara occidental« . Comment peut-on parler d’une auto-détermination alors qu’on encourage des négociations politiques? Selon des diplomates, cette mention, qui figure à deux reprises et à peu de distance dans la résolution, a été ajoutée par les USA, porte-plume de cette résolution, à la fin de négociations ardues. Pourquoi cet ajout? Tout simplement pour amadouer la Russie qui était très critique à l’égard du langage initial sur le processus politique. Le texte de la résolution 2602, rédigé par Washington, a été approuvé par 13 voix pour et deux abstentions, celles de la Russie et de la Tunisie.

Lire aussi :Sahara : l’engagement du Maroc et les réticences de l’Algérie

L’abstention tunisienne

Si le vote de Moscou n’est pas une surprise, celui de Tunis est pour le moins étonnant. Seul pays arabe membre non permanent du Conseil de sécurité, la Tunisie s’est alignée sur les positions algériennes. Pour Najib Mikou, consultant en prospective et études stratégiques, «le vote tunisien aux Nations Unies sur la résolution 2602 n’a été ni neutre, ni amical, ni fraternel, ni moral. Peu importe comment les responsables tunisiens tentent de sauver la situation au lendemain du vote et en dehors des arènes du Conseil de sécurité par des déclarations diplomatiques qui soutiennent la position marocaine, toute position postérieure n’est pas au rendez-vous». En effet, la Tunisie a accueilli favorablement la résolution du Conseil de sécurité, a annoncé le conseiller du Président de la République tunisienne, Walid Hajjem. Plusieurs observateurs considèrent que cette déclaration tardive reste vague et molle, et contredit la position constante de la Tunisie sur la question du Sahara depuis l’indépendance, quels que soient les régimes et les présidents. Le rapprochement politique entre les Palais d’El Mouradia et de Carthage y est pour quelque chose. Empêtré dans une crise interne sans précédent, le président tunisien Kaïs Saïed joue la carte algérienne tant au niveau sécuritairequ’économique. À cet égard, le régime tunisien craint des représailles de l’Algérie et préfère courber l’échine et perdre sa souveraineté. Aux yeux de Mustapha Tossa, journaliste et politologue installé à Paris, «la Tunisie de Kaïs Saïed sera amenée à donner des explications convaincantes au Maroc pour cette attitude sinon inamicale, du moins ouvertement complice avec les permanentes tentatives algériennes d’obérer les rêves unitaires des Maghrébins».

Lire aussi :Sahara : un dossier toujours aussi compliqué

L’Algérie et le Polisario désavoués

Si Rabat a salué la résolution 2602, l’Algérie et le Front Polisario n’ont pas caché leur déception. L’Algérie a exprimé dimanche son « profond regret » et a dénoncé comme « partiale » la résolution sur le prolongement du mandat de la Minurso. Dans un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, Alger dit regretter «l’approche fondamentalement déséquilibrée consacrée par ce texte qui manque cruellement de responsabilité et de lucidité du fait du forcing malencontreux de certains des membres influents dudit Conseil». Réagissant à cette nouvelle résolution, le Front Polisario a dénoncé pour sa part via un communiqué, « l’inaction et le silence du Conseil de sécurité« , en particulier de certains de ses membres influents, en allusion à la France et aux USA. Selon le mouvement séparatiste, la résolution est « un échec » du fait qu’elle ne contient pas de mesures pratiques devant assurer la pleine mise en œuvre du mandat pour lequel a été créée la Minurso, c’est-à-dire l’autodétermination.

Lire aussi :Qu’attendre de Staffan de Mistura, nouvel émissaire de l’ONU au Sahara ?

La dernière résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara constitue un prolongement des résolutions onusiennes visant à trouver une solution durable à ce conflit, à travers les tables rondes et l’adhésion de toutes les parties, y compris l’Algérie. Vouloir se dérober de cette responsabilité de partie prenante au conflit, en criant à tue-tête boycotter les tables rondes constitue une volonté d’obstruction. Staffan de Mistura doit agir avec habilité pour mener à bien sa mission et poursuivre l’élan des deux précédentes tables rondes de Genève, tenues en présence des ministres algériens Lamssahel puis Laamamra. Si les autres parties du conflit ne veulent pas jouer le jeu, Staffan de Mistura devra en rendre compte à Antonio Guterres, secrétaire général des Nations uniesqui en fera part à son tour au Conseil de sécurité. Le cas échéant, les membres dudit Conseil sauront qui adhère aux résolutions onusiennes et qui cherche à bloquer un processus politique censé mettre fin à un conflit qui n’a que trop duré.

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