Viande rouge : la dépendance aux importations s’accentue

Avatar de Hajar Toufik
Temps de lecture :

Viande rouge : la dépendance aux importations s’accentueViande rouge © Depositphotos

A
A
A
A
A

Derrière l’accalmie affichée sur les étals, le marché de la viande rouge demeure fragile. Les prix restent élevés et les professionnels alertent sur une dépendance accrue aux importations.

Après plusieurs mois de flambée, les prix de la viande rouge semblent connaître une accalmie, mais cette stabilité reste fragile et loin d’être synonyme d’accessibilité pour tous les consommateurs. La tension sur l’offre nationale et la forte dépendance aux importations continuent de peser sur le marché, malgré les mesures prises pour contenir la hausse.

Sur le marché de gros de Casablanca, la viande ovine se négocie à ce jour entre 88 et 115 DH le kilo, tandis que la viande bovine se situe entre 74 et 94 DH. On observe une légère augmentation de la viande bovine, alors que le bœuf enregistre une certaine stabilité par rapport à la semaine précédente. Toutefois, dans les boucheries de quartier, les prix varient selon les zones et le pouvoir d’achat des habitants, avec des prix de bœuf atteignant les 120 DH le kilo pour un produit de qualité.

Lire aussi : Fruits et légumes : les prix de gros de la semaine dévoilés

Des mesures exceptionnelles pour contenir la hausse

Pour tenter de maintenir une certaine stabilité sur le marché de la viande rouge, le gouvernement a misé sur un recours massif aux importations de bétail et de viandes. Une stratégie qui vise principalement à compenser la baisse importante du cheptel national, sévèrement affecté par la sécheresse qui frappe le Royaume depuis plusieurs années. La diminution du nombre de bovins et d’ovins a fragilisé l’offre locale, entraînant des tensions sur les prix et une accessibilité réduite pour de nombreux consommateurs. Face à cette situation, le renforcement des importations apparaît comme une solution urgente pour pallier le déficit de production nationale.

Lire aussi : Ahmed El Bouari salue l’efficacité des initiatives royales pour préserver le cheptel

Dans ce cadre, les autorités ont décidé de doubler les quotas d’importation de bovins pour l’année 2025, passant de 150.000 à 300.000 têtes. Cette mesure s’accompagne du maintien de la suspension des droits de douane et de la TVA sur les importations, facilitant l’entrée de bétail étranger sur le territoire marocain et réduisant la pression sur les marchés locaux. Objectif : garantir un approvisionnement suffisant en viande et limiter les risques d’une nouvelle flambée des prix, tout en assurant aux consommateurs un accès relatif à ce produit essentiel.

Ces décisions interviennent dans un contexte où la production locale demeure particulièrement vulnérable aux aléas climatiques. La loi de finances 2025 avait déjà prévu la suspension des droits d’importation et de la TVA pour un quota de 150.000 têtes, mais au 12 août dernier, près de 99% de ce contingent avait été utilisé, jugé insuffisant par les autorités. Face à ce constat, la révision à 300.000 têtes a été décidée pour garantir un approvisionnement plus large et anticiper d’éventuelles tensions supplémentaires sur le marché.

Le gouvernement poursuit ainsi un double objectif : stabiliser l’offre de viande rouge à court terme et contribuer à la reconstitution progressive du cheptel national. Cette approche permet de limiter les fluctuations extrêmes des prix et d’apporter un certain soulagement aux consommateurs, tout en adressant le problème structurel de la faiblesse du cheptel local. Cependant, malgré ces mesures, la durabilité de cette stratégie reste soumise aux aléas climatiques et à la dépendance continue aux importations, qui exposent le marché aux variations des prix internationaux et aux coûts logistiques.

Vers un marché dépendant des importations ?

Malgré les mesures mises en place, de nombreux professionnels estiment que le rééquilibrage durable du marché reste un défi majeur. L’afflux de viande importée permet certes d’éviter une nouvelle flambée des prix, mais il ne suffit pas à ramener les tarifs aux niveaux d’avant la crise. D’autant plus que les importations sont actuellement suspendues et ne reprendront qu’à la fin septembre, ce qui explique en partie la hausse des prix de la viande ovine.

Pour Youssef Oulja, vice-secrétaire général de l’Association des vendeurs de viande rouge en détail de la région Casablanca-Settat, la hausse constatée, en particulier sur la viande ovine, s’explique par la suspension récente des importations. « Pour que l’approvisionnement reprenne, il faut compter au moins un mois et demi, le temps d’acheminer le bétail, de le placer en quarantaine puis de le mettre sur le marché. Ce délai retarde les effets des mesures annoncées et entretient la pression sur les prix », explique-t-il, en soulignant par ailleurs qu’aucune fixation des prix n’a été décidée pour les ventes. « Le gouvernement a certes accordé aux importateurs la suspension des droits de douane et de la TVA, mais il leur a laissé une totale liberté commerciale », ajoute-t-il.

L’association qu’il représente a d’ailleurs proposé au ministère d’étaler le recours aux importations sur une période de deux ans. « C’est, selon nous, la seule manière d’espérer retrouver une certaine stabilité et, peut-être, revenir aux prix d’avant la crise », insiste-t-il.

Lire aussi : Pourquoi les frais de scolarité augmentent au Maroc ?

Oulja met également en garde contre la situation de la viande bovine, où un déficit se fait sentir au niveau national. Il s’interroge sur l’absence de mesures similaires à celles prises pour l’ovin, comme l’interdiction de l’abattage des femelles, qui permettrait de préserver et de renforcer le cheptel bovin marocain.

Au-delà de ces constats, la dépendance accrue aux importations expose le marché à de multiples risques externes. Les fluctuations des prix internationaux, l’augmentation des coûts de transport et les variations monétaires peuvent se répercuter directement sur le prix final payé par le consommateur. Résultat : même si l’offre semble abondante, la viande rouge demeure hors de portée pour de nombreux ménages. Aliment de base par le passé, elle tend désormais à redevenir un produit occasionnel, consommé surtout lors des fêtes ou d’événements particuliers.

Par ailleurs, certaines sources contactées par nos soins expriment des réserves quant au chiffre annoncé par le ministère, soit 32.832.573 têtes. Selon elles, les données communiquées seraient en réalité sous-estimées par rapport à la situation sur le terrain. Plusieurs agriculteurs, expliquent-elles, auraient tendance à ne pas déclarer la totalité de leur cheptel, ce qui fausserait les résultats. « Avec le mécanisme des subventions publiques accordées pour l’alimentation du bétail, certains éleveurs auraient aujourd’hui intérêt à déclarer davantage de têtes afin de bénéficier d’aides plus importantes », nous dit-on.

Dernier articles
Les articles les plus lu
El Bouari lance la campagne agricole 2025-2026

Économie - El Bouari a lancé la campagne agricole 2025/2026 ce vendredi depuis la province de Larache.

Rédaction LeBrief - 15 novembre 2025
7 choses à savoir sur la 5G au Maroc

Économie - Les trois opérateurs nationaux ont activé leur 5G simultanément. Une synchronisation parfaite… qui inquiète.

Sabrina El Faiz - 15 novembre 2025
Le 10ᵉ Congrès de l’OEC met l’IA au centre de la profession

Économie - Plongée au cœur du 10ᵉ Congrès de l’OEC, où intelligence artificielle (IA), durabilité et formation des talents deviennent les piliers d’une nouvelle stratégie pour une profession comptable marocaine modernisée, éthique et tournée vers l’avenir.

Ilyasse Rhamir - 14 novembre 2025
Tourisme : plus de 220 professionnels néerlandais réunis à Rabat

Économie - Rabat accueille pour la première fois le congrès annuel de la Fédération néerlandaise de l’industrie du tourisme, renforçant le tourisme marocain et rassemblant plus de 220 professionnels néerlandais.

Hajar Toufik - 14 novembre 2025
Tanger-Tétouan-Al Hoceima : une région en pleine mutation démographique et économique

Économie - Dans une région en pleine effervescence industrielle, le marché immobilier tente de suivre le rythme, entre croissance, ambitions et inégalités d’accès au logement.

Mouna Aghlal - 14 novembre 2025
Ayam Immo démarre aujourd’hui à Tanger

Économie - Après avoir fait escale dans plusieurs villes, la tournée nationale d’Ayam Immo 2025 pose aujourd’hui ses valises à Tanger.

Article sponsorisé - 14 novembre 2025
Voir plus
Visa Schengen : le cauchemar européen à prix d’or

Dossier - Entre les délais interminables, les coûts exorbitants et les parcours semés d’embûches, obtenir un visa Schengen c’est devenu…

Sabrina El Faiz - 26 juillet 2025
Coût, impact… tout savoir sur la nouvelle LGV Kénitra-Marrakech

Économie - Le Maroc lance l’extension de sa LGV vers Marrakech, un projet structurant qui transformera durablement la mobilité, l’économie et la connectivité entre les grandes villes.

Hajar Toufik - 25 avril 2025
Où en est l’avancement du gazoduc Nigeria-Maroc ?

Économie - Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc progresse : 13 pays engagés, signature intergouvernementale à venir et lancement d’un premier tronçon entre Nador et Dakhla.

Hajar Toufik - 14 juillet 2025
BTP : le Maroc bétonne ses règles

Dossier - Pas d’attestation, pas de chantier. C’est simple, non ? Pas de couverture décennale, pas de livraison. N'y réfléchissons pas trop !

Sabrina El Faiz - 19 juillet 2025
Régions : qui profite vraiment du Maroc des grands chantiers ?

Économie - Le Maroc construit partout, mais se développe-t-il partout ? Analyse région par région…

Sabrina El Faiz - 25 octobre 2025
Indemnités CNSS 2025 : nouveaux plafonds et conditions d’exonération

Économie - Un arrêté du 19 mai 2025 redéfinit les règles d’exonération des indemnités liées au transport, à la représentation ou aux aides sociales. La CNSS est désormais dotée d’un cadre harmonisé avec la fiscalité, garantissant plus de clarté pour les employeurs.

Ilyasse Rhamir - 20 octobre 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire