Le conseil d’administration peut-il influencer la performance financière des entreprises ?

Le conseil d’administration constitue le mécanisme fondamental dans le dispositif du gouvernement d’entreprise permettant essentiellement de limiter les divergences d’intérêt potentielles et le comportement opportuniste des dirigeants, et d’inciter ces derniers à faire de leur mieux. Il s’impose comme l’organe central de contrôle. Il constitue le principal lieu de pouvoir dans l’entreprise. Le conseil d’administration (désormais CA) est un groupe de personnes élues par l’assemblée générale des actionnaires, ils sont chargés d’agir pour leur propre compte, et éventuellement pour le compte des autres parties prenantes.

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Tribune

Nabaouia Idrissi

Enseignante chercheuse à l’ISGA Casablanca

Temps de lecture : Publié le 13/06/2025 à 16:53
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Nous chercherons à comprendre comment ce mécanisme de gouvernance peut influencer la performance des entreprises. Par ailleurs, le conseil d’administration se caractérise par plusieurs attributs susceptibles d’avoir un impact sur cette performance. On distingue principalement quatre dimensions clés : la structure, la taille, la composition, ainsi que la présence de comités spécialisés.

La structure du conseil d’administration

La structure du CA est souvent abordée dans la littérature sur la gouvernance des entreprises. Il s’agit bien évidemment de la forme de leadership au sein du conseil. Nous parlons ici des fonctions de Président du conseil et celle de directeur général. Dans de nombreuses entreprises, les deux fonctions sont détenues par deux personnes distinctes. En revanche, dans d’autres, les deux casquettes sont confiées à la même personne. Le choix appartient aux actionnaires majoritaires de mettre en place la structure qui convient le mieux aux caractéristiques de leurs firmes. Ils peuvent opter soit pour des structures monistes favorisant la maximisation de la richesse des actionnaires, soit des structures duales favorisant la prise en considération de l’intérêt social.

En revanche, un grand nombre d’auteurs, surtout les défenseurs de la théorie de l’agence, recommandent la séparation des deux fonctions et avancent que la dualité favorise la fraude et influence négativement la performance de la firme. Toutefois, pour le Code Marocain de Bonnes pratiques de gouvernance d’Entreprise, la séparation des pouvoirs dans la S.A par la dissociation des fonctions de Président et de Directeur Général (S.A. à Conseil d’Administration) ou par l’adoption d’une structure duale (Conseil de Surveillance et Directoire) favorise l’indépendance des décisions et des actions.

La taille du conseil

La taille du CA désigne le nombre d’administrateurs composant un conseil. Les travaux de Charreaux et Pitol-Belin estiment que les entreprises sont libres de choisir la taille du conseil, dans la limite de la fourchette indiquée par la loi. Toutefois, au Maroc selon la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes, « le conseil d’administration doit être composé de trois membres au moins et de douze membres au plus. Ce dernier nombre est porté à quinze lorsque les actions de la société sont inscrites à la cote de la bourse des valeurs ». Historiquement, il existe de nombreuses recherches sur la gouvernance traitant l’incidence de la taille du CA sur le fonctionnement et l’efficacité de ce dernier.

La théorie de la dépendance envers les ressources (Pfeffer et Salanick, 1978) stipule qu’il est bénéfique pour la firme d’augmenter le nombre de ses administrateurs afin d’améliorer le contrôle de ses ressources et de réaliser ainsi de meilleures performances. En règle générale, dans les grandes organisations, les CA sont de grande taille, ceci est expliqué par le fait que les activités des grandes entreprises sont souvent très diversifiées, d’où l’importance d’avoir un grand nombre de membres. De ce point de vue donc, un conseil de plus grande envergure paraît plus efficace.

La composition du CA

La composition du CA et la taille, sont les deux dimensions sur lesquels se focalisent les recherches portant sur la question de l’efficacité des CA. Généralement, on distingue entre administrateurs internes et externes (Zahra et Pearce, 1989) ou bien dépendants et indépendants. Les administrateurs internes remplissent, en plus de leurs fonctions au CA, des fonctions au sein de la firme (managers, salariés, responsables de filiales, employés à la retraite, etc.). Les administrateurs externes ne remplissent d’autres fonctions dans la firme que celles d’administrateur. Toutefois, il n’est pas suffisant d’être externes à l’entreprise, il faut également être indépendants (Dallas, 1996). Dans ce sens, Le premier rapport Viénot définit l’administrateur indépendant comme « une personne absolument dénuée de tout lien d’intérêt direct ou indirect avec la société ou les sociétés de son groupe et qui peut ainsi être réputé(e) participer en toute objectivité aux travaux du conseil ». D’après les écrits sur la gouvernance des entreprises, il est vivement recommandé que le conseil soit composé d’une proportion non négligeable des membres indépendants, afin de réduire les divergences d’intérêts et de renforcer l’efficacité du CA.

Le contrôle assuré par les administrateurs externes indépendants est plus efficace que celui assuré par leurs homologues internes.

La composition du CA peut également être mesurée aussi par le genre ou la diversité. Certaines études estiment que, par exemple, la présence des femmes au CA pourrait renforcer le rôle de contrôle et de surveillance du conseil. Toutefois, on suppose généralement que la présence des femmes au CA améliore considérablement son fonctionnement et renforce son rôle de contrôle des équipes dirigeantes.

Dans ce sens, Bédard et Briére précisent que la présence des femmes au conseil apporte une autre dynamique et améliore la performance du conseil en raison de leur sens du détail, et de leur vision stratégique et de leur rigueur.

La mise en place des comités permanentes

Plusieurs travaux de recherches s’accordent sur l’utilité de créer des comités spécialisés et permanentes au sein du conseil. Toutefois, Klein estime que la mise en place des comités autonomes peut améliorer la performance du conseil. Naciri, quant à lui, avance que « les principes issus de la corporate gouvernance préconisent la création d’au moins trois comités : comité d’audit, d’un comité de rémunération, et d’un comité de nomination. Certaines entreprises préfèrent ajouter un comité supplémentaire : le comité stratégique ».

Pour le code marocain de bonnes pratiques de gouvernance d’Entreprise, l’existence de Comités spécialisés au sein de l’organe de gouvernance constitue un élément central de la Gouvernance d’Entreprise et de son fonctionnement efficace. Toutefois, il est recommandé de créer au moins deux Comités différents, à savoir : un Comité d’Audit et un Comité des Rémunérations et Nominations. L’organe de gouvernance jugera de l’opportunité de s’adjoindre d’autres comités (risques, investissements…).

En conclusion, il ressort que le conseil d’administration peut jouer un rôle déterminant dans la performance financière des entreprises. Cette influence s’exerce notamment à travers ses différents attributs, tels que la structure, la taille, la composition et la présence de comités spécialisés.

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