L’année 2025 aura mis en lumière les forces ainsi que les fragilités du Maroc. Entre crises sociales, réformes ambitieuses et projets de développement, chaque secteur a dû s’adapter et évoluer.

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2025 restera dans les mémoires comme une année de tensions, de réformes et surtout d’espoirs. De la surpopulation carcérale aux canicules inédites, du renforcement du système de santé à la reconstruction post-catastrophe, le Maroc a affronté ses vulnérabilités tout en ouvrant de nouvelles voies pour l’avenir.

GenZ et mutations sociales

En 2025, la jeunesse marocaine est sortie. La GenZ, longtemps perçue comme silencieuse ou absorbée par le numérique, s’est mobilisée pour dénoncer ce qu’elle considère comme des injustices sociales, éducatives et économiques. Les manifestations se sont multipliées dans les grandes villes, de Casablanca à Rabat, en passant par Fès et Tanger, rassemblant principalement des lycéens et des étudiants.

Les revendications étaient claires : meilleure organisation du système éducatif, système de santé, lutte contre la corruption, la cherté de la vie étudiante et demande d’opportunités professionnelles concrètes. Ce mouvement a montré une jeunesse capable de se coordonner rapidement grâce aux réseaux sociaux, transformant des appels anonymes en marches massives et structurées.

212 : Gen Z sur fil tendu

Si certains jours des tensions avec les forces de l’ordre ont éclaté, la plupart des manifestations sont restées pacifiques, ponctuées de slogans et de messages adressés directement aux autorités. La GenZ a ainsi imposé sa présence dans l’espace public, prouvant que ses préoccupations ne se limitent pas aux écrans mais s’ancrent dans la réalité sociale quotidienne.

Au-delà de la contestation, ces mobilisations traduisent un désir profond de participation et de dialogue. Pour beaucoup, il ne s’agit pas seulement de protester, mais de redessiner un futur où les jeunes seraient entendus et inclus dans les décisions qui les concernent.

Aïd Al-Adha : préservation du cheptel national

Le message royal invitant les Marocains à ne pas sacrifier de moutons pour Aïd al-Adha a marqué un tournant inédit. La décision reposait sur des constats alarmants : la sécheresse prolongée et la baisse significative du cheptel national ont provoqué une hausse spectaculaire des prix, mettant en difficulté une grande partie des ménages. Selon les données officielles, la production ovine a chuté de près de 15% par rapport à 2024, tandis que le prix moyen d’un mouton dépassait désormais 3.000 dirhams dans plusieurs régions.

Si l’appel royal n’imposait pas de sanctions légales, il s’est inscrit dans une logique sociale et humanitaire, encourageant les Marocains à privilégier la solidarité et la préservation des ressources.

Aïd Al-Adha : amende pour le sacrifice du mouton ? Le vrai du faux

Les réseaux sociaux ont été le théâtre d’un débat national sur la tradition, la foi et la responsabilité collective. L’événement a aussi mis en lumière les inégalités socio-économiques persistantes et la nécessité d’une politique publique plus proactive pour soutenir les populations vulnérables lors des crises alimentaires ou climatiques.

La décision a également eu un impact sur le marché : certains éleveurs ont dénoncé une chute de leurs revenus, tandis que les autorités ont annoncé des mesures de soutien, notamment des subventions pour le fourrage et des crédits agricoles.

Justice : les peines alternatives

La mise en œuvre de la loi 43.22 sur les peines alternatives a représenté un changement radical dans la politique pénale marocaine. Avec plus de 450 jugements déjà prononcés, cette réforme vise à désengorger les prisons surpeuplées, réduire les coûts de détention et favoriser la réinsertion sociale des condamnés. Les mesures incluent le travail d’intérêt général (TIG), le bracelet électronique, les restrictions ciblées et l’amende journalière.

Le rôle du juge d’application des peines est central. Chaque décision est examinée en fonction de la gravité des faits, du profil du condamné et de ses perspectives de réinsertion. L’administration pénitentiaire (DGAPR) assure le suivi opérationnel, coordonne avec les associations, les collectivités et les services de santé.

Peines alternatives : entre innovation législative et défis de mise en œuvre

Pour illustrer, un jeune consommateur de stupéfiants peut être orienté vers trois mois de traitement obligatoire, tandis qu’un auteur d’outrage à fonctionnaire peut effectuer 180 heures de TIG. L’objectif est d’humaniser la justice tout en garantissant l’efficacité des sanctions.

Le Maroc se positionne ainsi parmi les pays qui expérimentent une justice moderne, conciliant fermeté face aux infractions et ouverture à la réinsertion sociale.

Santé : un système en souffrance et en mutation

En 2025, le système de santé avait traversé une année marquée par des tensions et des transformations majeures. L’affaire de l’hôpital public d’Agadir avait secoué l’opinion : la mort de patients dans des circonstances controversées avait conduit le ministère de la Santé à saisir la justice, déclenchant une enquête approfondie sur la gestion et les conditions de prise en charge dans l’établissement. Ce drame avait mis en lumière les fragilités d’un hôpital longtemps confronté à des problèmes de surcharge, de manque de personnel et d’équipements insuffisants.

Les révélations avaient souligné que l’hôpital public d’Agadir n’était pas un cas isolé, mais un miroir d’un système de santé en souffrance à l’échelle nationale. Les conditions de travail du personnel, la répartition inégale des ressources et l’accès limité à certaines spécialités médicales avaient été pointés du doigt par les observateurs et les syndicats. Cette situation avait suscité inquiétude et indignation parmi les citoyens, qui réclamaient depuis longtemps des réformes structurelles pour garantir des soins dignes et efficaces.

Hôpital public : Agadir, miroir d’un système en souffrance

Face à cette crise, des initiatives avaient été lancées pour renforcer le système de santé. Le roi Mohammed VI avait inauguré deux hôpitaux d’excellence à Rabat et Agadir, visant à améliorer la qualité des soins et à renforcer la capacité de formation des professionnels de santé. Ces établissements avaient été présentés comme des modèles de modernisation, combinant infrastructures modernes, équipements de pointe et services spécialisés, tout en offrant une formation de qualité aux jeunes médecins et aux spécialistes en devenir.

Éducation : rentrée universitaire et baccalauréat

La rentrée universitaire 2025 et le baccalauréat ont révélé des défis structurels persistants. Le taux de réussite au baccalauréat 2025 a atteint 66,8%, légèrement inférieur à 2024. Les universités, confrontées à un afflux d’étudiants et à des infrastructures parfois insuffisantes, ont dû gérer des problèmes logistiques majeurs. Les enseignants et le personnel administratif ont travaillé dans un contexte de surcharge, tandis que les étudiants ont exprimé leur frustration face à l’organisation des filières et aux équipements limités.

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Cette situation souligne l’urgence de moderniser l’enseignement supérieur, d’investir dans les infrastructures et de repenser les méthodes pédagogiques pour mieux répondre aux besoins d’une jeunesse ambitieuse et exigeante. Les réformes engagées dans le cadre du plan national d’éducation devront conjuguer qualité, accessibilité et innovation pour éviter un décalage croissant entre attentes sociétales et réalité éducative.

Reconstruction Al Haouz : deux ans après le séisme

Deux ans après le séisme meurtrier d’Al Haouz, la reconstruction reste un défi majeur. Selon le rapport publié par les autorités locales, près de 70% des habitations sinistrées ont été réhabilitées ou reconstruites, tandis que des infrastructures essentielles comme les routes, les écoles et les centres de santé ont été progressivement rétablies.

Cependant, la situation reste fragile. Les populations déplacées ou vivant dans des zones provisoires attendent encore des solutions durables, et le processus de reconstruction soulève des questions sur la transparence, la coordination et la rapidité des interventions. Les associations locales et les ONG ont joué un rôle important, complétant l’action de l’État et offrant soutien psychologique, matériel et logistique.

Sécurité routière et contrôle : le test de vitesse pour motos

En 2025, l’introduction du test de vitesse obligatoire pour les motos a suscité de vives réactions. Destiné à renforcer la sécurité et à limiter les accidents, ce dispositif a été critiqué par les motards et certains commerçants, dénonçant un coût supplémentaire et une complexité administrative.

Selon le ministère de l’Intérieur, l’objectif était de réduire les accidents graves, qui restent une des premières causes de mortalité chez les jeunes. Les experts soulignent que près de 40% des accidents impliquant des deux-roues sont liés à une vitesse excessive ou à un non-respect des normes techniques. Le test visait donc à vérifier la conformité des véhicules et à sensibiliser les conducteurs aux risques.

Affaire Rita : justice et responsabilité

L’affaire de Rita, la jeune fille percutée à la plage par un automobiliste, a secoué l’opinion publique. Le tribunal a prononcé une peine de dix mois de prison et 400.000 DH d’indemnisation.

Cet événement a relancé le débat sur la sécurité publique, la responsabilité civile et la protection des victimes. Les associations de défense des droits des citoyens ont salué la décision, tout en appelant à renforcer la prévention et la sensibilisation, notamment en milieu urbain. L’affaire a également souligné le rôle des médias et des réseaux sociaux dans la mobilisation de l’opinion et dans le suivi des dossiers judiciaires à forte portée sociale.

Programme Villes sans bidonvilles : progrès et défis

Le programme national « Villes sans bidonvilles » a continué de transformer la vie de milliers de ménages. En 2025, près de 372.000 familles ont bénéficié de relogements, d’accès à l’eau, à l’électricité et à des services sociaux de proximité. Ces initiatives ont permis de réduire fortement l’exclusion sociale et d’améliorer la qualité de vie dans les quartiers concernés.

Le programme « Villes sans bidonvilles » change la vie de 372.000 ménages

Cependant, les derniers virages de ce programme révèlent des défis persistants : financement, coordination interinstitutionnelle et acceptation sociale. Les autorités ont multiplié les partenariats avec les ONG et les collectivités locales pour assurer une transition plus harmonieuse. Le programme ne se limite plus à la construction de logements : il inclut désormais l’accompagnement social, la formation professionnelle et l’intégration économique, contribuant à une approche globale de la résilience urbaine.

Drâa-Tafilalet, le souffle brûlant d’une région en alerte

En 2025, la région de Drâa-Tafilalet s’était imposée comme l’exemple le plus préoccupant de pollution au Maroc. Contrairement aux attentes qui plaçaient les centres urbains denses comme Casablanca ou Tanger en tête, c’est dans ce territoire aride et faiblement peuplé que la qualité de l’air avait atteint des niveaux alarmants. Les mesures de l’indice de qualité de l’air (AQI) y culminaient à 286, une valeur classée « dangereuse » selon les standards de l’OMS, révélant un effondrement environnemental où climat, économie et décisions humaines se conjuguent.

La dégradation de l’air dans la région s’expliquait par la combinaison des changements climatiques et de l’intensification de l’activité minière. Depuis 2005, l’indice AQI moyen avait grimpé de 45 à 286 en 2025. L’expansion des mines d’Imiter (argent) et de Bou Azzer (cobalt et or), avec plus de 350 permis d’exploitation délivrés depuis 2016, avait contribué à libérer de grandes quantités de poussières fines. Les méthodes à ciel ouvert déstabilisaient les sols et détruisaient la végétation rare capable de retenir la poussière, aggravant encore l’exposition des habitants.

Quelle est la région la plus polluée du Maroc ?

Les chercheurs alertaient sur les seuils critiques : un système qui bascule dans un état moins favorable, voire inhabitable. Les oasis, jadis régulateurs naturels, ne parvenaient plus à absorber les chocs climatiques. Les dégradations combinées rendaient le retour à l’équilibre ancien improbable, même avec des politiques de restauration immédiates.

Drâa-Tafilalet n’était pas un cas isolé : il constituait un avertissement pour d’autres régions du Royaume et du monde. La question n’était plus « comment limiter les dégâts ? », mais « peut-on encore éviter un point de non-retour ? ».

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