Sécurité privée : précarité et abus persistants

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Sécurité privée : précarité et abus persistantsAgent de sécurité privée © Depositphotos

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Les agents de sécurité privée, maillons essentiels dans la protection des entreprises et des citoyens, continuent de vivre des conditions de travail précaires, malgré l’existence d’un cadre législatif censé les protéger. Les salaires impayés, les contrats précaires et l’absence de couverture sociale restent des problèmes récurrents.

Pourtant, les autorités tentent d’intensifier les contrôles et de renforcer la régulation de ce secteur en pleine expansion. Mais ces efforts suffiront-ils à éradiquer les abus et à garantir des droits aux travailleurs ?

Le secteur de la sécurité privée au Maroc bénéficie d’un cadre législatif bien défini. La loi 27.06 de 2007 régit les conditions d’exercice de cette activité, en particulier dans le domaine du gardiennage et du transport de fonds. Complétée en 2010 par un décret d’application, cette législation établit les obligations des entreprises et des agents de sécurité. Théoriquement, les contrôles devraient être effectués par les officiers de police judiciaire et les inspecteurs du travail, mais dans la réalité, les infractions sont nombreuses.

Les abus sont récurrents dans le secteur : salaires non versés, contrats précaires, et absence de couverture sociale sont les principales préoccupations. Ces dérives sont d’autant plus préoccupantes que le secteur des entreprises de sécurité privée connaît une prolifération, avec des pratiques de plus en plus opaques.

Des contrôles renforcés, mais loin d’être suffisants

Face à ces irrégularités, le ministère de l’Inclusion économique a renforcé son programme d’inspection, avec 29.711 visites effectuées au cours des neuf premiers mois de 2024. Ce contrôle a permis de mettre en lumière 254.039 observations, dont 61.099 infractions liées au respect du salaire minimum.

En 2022, un premier programme d’inspection des entreprises de sécurité avait déjà permis de détecter 7.532 infractions, dont 4.589 liées aux salaires. Les contrôles ont ensuite été intensifiés en 2023 pour inclure aussi bien les sièges sociaux que les sites d’intervention des agents. Ce programme de contrôle est devenu une priorité nationale en 2024, et les autorités ont annoncé la mise en place d’un programme d’inspection encore plus strict à la fin de l’année.

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Cependant, ces contrôles semblent insuffisants pour éradiquer les problèmes de fond. En 2023, les infractions relevées comprenaient des manquements au salaire minimum, l’absence de déclarations à la sécurité sociale, ainsi que des irrégularités concernant l’assurance maladie obligatoire et l’assurance contre les accidents du travail.

Malgré l’ampleur des irrégularités, il semble que les sanctions dissuasives actuelles, comme le refus de délivrer le certificat administratif pour les entreprises adjudicataires de marchés publics, ne suffisent pas à garantir le respect des normes.

La force des sanctions, fait face à la faiblesse de leur application

Le ministère a mis en place plusieurs mesures pour inciter les entreprises de sécurité privée à respecter leurs engagements sociaux et salariaux, comme le refus de délivrer le certificat administratif aux entreprises ne respectant pas la législation. Cependant, malgré l’ampleur des contrôles, les infractions persistent, et l’efficacité des sanctions reste limitée.

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En 2024, la loi sur le respect des droits des travailleurs et l’assainissement du secteur de la sécurité privée est devenue une priorité. Toutefois, les abus continuent de concerner une grande majorité des travailleurs, qui se retrouvent dans des situations de vulnérabilité, souvent sans recours.

Vers une réforme inévitable du secteur

Afin de remédier à ces dysfonctionnements, le gouvernement envisage une réforme du Code du travail, dans le cadre de l’accord social du 30 avril 2024. Cette réforme est perçue comme une opportunité de renforcer la protection des agents de sécurité privée et de garantir des conditions de travail plus dignes. Cependant, en attendant que cette réforme voie le jour, les travailleurs restent dans une situation précaire.

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La volonté politique de Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, d’encadrer ce secteur est indéniable. Toutefois, cette volonté sera-t-elle suffisante pour transformer en profondeur un secteur qui souffre de dérives structurelles et de pratiques illégales persistantes ?

Le défi de l’assainissement du secteur

Le secteur de la sécurité privée au Maroc reste un domaine où les violations des droits des travailleurs sont trop fréquentes. Malgré des efforts considérables pour renforcer la réglementation et les contrôles, le cadre juridique actuel peine à être appliqué de manière effective. La réforme promise par le gouvernement pourrait être l’occasion de changer la donne et de garantir des conditions de travail plus respectueuses des droits humains.

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En attendant cette réforme, les agents de sécurité privée continuent d’évoluer dans un environnement où la précarité et les abus restent la norme. Le gouvernement, bien qu’ayant pris des mesures pour encadrer ce secteur en pleine croissance, devra aller plus loin pour véritablement assainir cette industrie et assurer un avenir plus sûr et plus équitable pour ces travailleurs.

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