Politique des changes au Maroc : entre prudence et libéralisation
Photo prise lors de la conférence de Mohammed Chahboune, Attaché de direction à l'office des changes © Lebrief
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Lors d’un colloque qui s’est déroulé à la Faculté des Sciences Juridiques, Economique et Sociale de Salé. Il a été question de plusieurs thématiques économiques et de politique publique, notamment la politique de change au Maroc face à la mondialisation et aux aléas géopolitiques. À cette occasion, Mohammed Chahboune, attaché de direction à l’Office des changes, livre ses secrets pour une gestion optimal du dirham à l’international.
Le contrôle des changes, un rempart économique
Le contrôle des changes n’est pas une relique bureaucratique. Il s’agit d’un levier essentiel de politique économique qui permet à l’État de réguler les opérations de change et les mouvements de capitaux avec l’étranger. Si dans de nombreux pays cette fonction relève de la banque centrale ou du ministère de l’Economie et des Finances, le Maroc a fait le choix d’une institution spécialisée : l’Office des changes.
Le rôle de ce dernier est de veiller à l’application d’une réglementation construite sur trois piliers fondamentaux : la prudence, la progressivité et l’irréversibilité. Des principes qui s’incarnent dans chaque mesure de libéralisation. La prudence, d’abord, implique que chaque réforme soit précédée d’une étude d’impact. La progressivité permet une mise en œuvre graduelle, comme en témoigne l’évolution de la dotation touristique passée de 1.000 à 100.000 DH. L’irréversibilité, enfin, garantit que les acquis ne soient pas remis en cause, assurant ainsi une prévisibilité rassurante pour les investisseurs.
Un cadre juridique structuré
La réglementation des changes au Maroc repose sur un principe fondamental, rapporte Mohamned Chahboune, «Toute exportation de capitaux est prohibée sauf autorisation du ministère». Toutefois, les autorisations peuvent être générales, fournies conformément aux instructions générales des opérations de change, telles que les circulaires, ou particulières, lorsqu’elles sont sollicitées auprès de l’Office. Cette logique permet un encadrement strict tout en offrant des marges de manœuvre pour les opérateurs économiques.
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Les opérations doivent impérativement transiter par le système bancaire. Toute compensation directe entre importateur et exportateur est interdite, à l’exception de cas précis, comme dans le secteur des transports. Par ailleurs, les recettes d’exportation doivent obligatoirement être rapatriées dans des délais stricts.
Exportations et instruments de couverture
Le secteur exportateur a bénéficié d’un allègement significatif du cadre réglementaire : la suppression de l’engagement de change, l’assouplissement des délais de rapatriement des recettes, et la possibilité d’ouvrir des comptes à l’étranger pour loger jusqu’à 70% des recettes. Des indicateurs qui témoignent d’une approche favorable à l’expansion internationale.
Les entreprises peuvent également recourir à des instruments de couverture contre les risques liés au taux de change, au taux d’intérêt ou encore au prix des matières premières. Depuis peu, la couverture s’étend au remboursement d’avances en compte courant d’associés ou à la cession de revenus d’investissements. Une manière d’atténuer les incertitudes dans un environnement économique mondial volatile.
Investissements étrangers : liberté et garanties
Le Maroc affiche une politique volontariste en matière d’attractivité des capitaux étrangers. Toute personne physique ou morale, étrangère ou marocaine résidente à l’étranger (MRE), peut investir dans le Royaume sans plafond et sans restriction au titre de la réglementation des changes – à condition que le financement soit en devises.
Les avantages sont nombreux : liberté d’investissement, transfert libre des revenus et des produits de cession et absence de plafonnement. Le statut de MRE permet par ailleurs une double appartenance : celle du résident (pour les obligations familiales) et de l’investisseur étranger (pour les avantages réglementaires).
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Investissements marocains à l’étranger : un nouvel élan
Si avant 2007 tout investissement à l’étranger nécessitait une autorisation, la situation a radicalement changé. Depuis, les plafonds n’ont cessé d’augmenter. La domiciliation bancaire reste obligatoire, mais la liberté est la règle.
Les entreprises innovantes disposent même d’un quota spécial. Pour en bénéficier, elles doivent être des personnes morales, enregistrées depuis au moins trois ans, avec une comptabilité certifiée sans réserve, et l’investissement projeté doit contribuer au développement de leur activité nationale.
Un impact mesurable sur les échanges extérieurs
L’Office des changes ne se contente pas d’être un régulateur : il est aussi le producteur officiel des statistiques sur les échanges extérieurs. En tant que pilier du système statistique national, il alimente la politique économique en données fiables, conformément aux standards du Fond Monétaire International (FMI).
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Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au cours du dernier quart de siècle, les exportations et importations ont enregistré une croissance annuelle moyenne de 7,5%. Les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile se sont imposés, illustrant le succès d’une politique orientée vers la diversification des exportations.
L’Afrique, elle, est devenue une destination stratégique pour les investissements marocains, qui y gagnent en ampleur et en visibilité. La France reste le premier partenaire commercial, mais la tendance est à l’élargissement des horizons.
Le Maroc démontre qu’il est possible d’articuler ouverture économique et souveraineté financière. La libéralisation n’est pas synonyme d’anarchie. Elle se construit, étape par étape, sur un socle juridique solide et une gouvernance rigoureuse. Grâce à l’Office des changes, le pays dispose d’un outil agile, capable de répondre aux défis conjoncturels tout en gardant le cap du développement.
La mondialisation impose l’adaptation constante. Le Maroc y répond avec méthode, conscience et ambition.
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