Pénurie de médicaments : état des lieux, causes et solutions

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Le Maroc s’apprête à revoir à la baisse les prix des médicamentsImage d'illustration © DR

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Les ruptures de stock de médicaments sont de plus en plus nombreuses. Elles concernent les traitements de multiples pathologies et parfois, les conséquences sont fatales. Un phénomène que le ministère de la Santé et de la Protection civile tente d’endiguer, en sécurisant un stock stratégique national. Une mesure qui va désormais s’appliquer pour assurer un approvisionnement adéquat et continu. On fait le point avec Abdelmajid Belaiche, analyste des marchés pharmaceutiques et chercheur en pharmaco-économie et économie des produits de santé.

Le ministère de la Santé et de la Protection sociale se mobilise pour faire face aux ruptures de stock de médicaments. Un plan national de lutte contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments et produits de santé sera mis en place dans le cadre de la nouvelle politique pharmaceutique nationale.

À titre préventif, un stock stratégique national de produits, sujets de pénurie ou de perturbations d’approvisionnement actuelles ou potentielles au cours de l’année 2023, va être ainsi constitué. Autre décision : la désignation d’un comité consultatif, regroupant l’ensemble des parties prenantes. Il sera chargé d’identifier les besoins en médicaments et produits de santé concernés par ce stock stratégique, en particulier les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM).

Lire aussi : Médicaments : grande mobilisation pour la sécurisation du stock national 

Une pénurie persistante

Au Maroc, comme partout dans le monde, les pénuries de médicaments croissent de façon exponentielle. Plusieurs facteurs de nature industrielle, économique ou encore politique sont à prendre en compte dans cette situation devenue récurrente et qui peut conduire à des drames pour certains patients.

Selon Abdelmajid Belaiche, la pandémie de la Covid-19 a mis à rude épreuve les circuits d’approvisionnement de nombreux pays, non seulement des médicaments finis, mais aussi des matières premières. À cela, s’ajoute la guerre en Ukraine qui est venue aggraver la situation.

Sollicité par LeBrief au sujet de la nouvelle mesure prise par le ministère de tutelle, le spécialiste estime qu’il s’agit d’une bonne décision. «Cela devient de plus en plus nécessaire. Il est temps aujourd’hui de garantir l’approvisionnement puisqu’on est en train de parler de la souveraineté sanitaire nationale», affirme-t-il. Mais pour commencer, il recommande une mise à jour de la liste de l’OMS des médicaments essentiels. Sur ce point, le Maroc est en retard. «Cette liste n’a pas été mise à jour depuis 2012, alors que la dernière liste, qui est renouvelée tous les deux ans, date de 2021. De nombreux médicaments y ont été alors intégrés pendant cette longue période», insiste-t-il.

Interrogé ensuite sur les raisons et la nature des médicaments qui sont souvent sujets à des pénuries, notre interlocuteur précise que le phénomène touche beaucoup plus les médicaments importés que ceux produits localement. Le problème de ces derniers est causé, selon lui, par la cherté des matières premières, qui connaissent une flambée au niveau international.

Concernant les médicaments dits « d’intérêt thérapeutique majeur », c’est-à-dire des traitements anticancéreux et anti-infectieux, cardiovasculaires ou pour des spécialités du système nerveux, Belaiche explique que leur pénurie est dramatique. «Ce sont des médicaments essentiels dont on ne peut pas se passer. Ils sont indispensables d’avoir dans le stock pour faire face à des situations d’urgence. Quand on parle de faire passer le stock stratégique de 3 mois à 12 mois, c’est de ces médicaments qu’il s’agit. Pour le reste, un stock de trois mois est largement suffisant».

Lire aussi : Prix des médicaments : lancement des consultations avec les industriels pharmaceutiques

Encourager la fabrication locale

Si aujourd’hui les efforts se multiplient pour assurer la souveraineté sanitaire, il est essentiel d’avoir une production locale forte qui, selon Abdelmajid Belaiche, mettra le Maroc à l’abri d’une dépendance vis-à-vis des pays tiers. Il est donc important que le secteur soit compétitif pour pouvoir élargir la couverture nationale en la matière.

Pour les médicaments importés, l’analyste des marchés pharmaceutiques souligne l’importance de multiplier les sources d’approvisionnement pour ne pas dépendre d’un seul pays.

Autre solution envisageable : développer les génériques. Le droit de substitution, qui consiste à remplacer un médicament prescrit par le médecin par un générique en cas de rupture de stock, a d’ailleurs toujours été un point de discorde entre les médecins et les pharmaciens.

«Il faut savoir que le droit de substitution a été utilisé dans de nombreux pays pour encourager l’utilisation des médicaments génériques, mais il faut expliquer que la substitution doit se faire obligatoirement du princeps vers le générique pour permettre de réaliser des économies, aussi bien pour le patient que les organismes gestionnaires d’assurance maladie. Au Maroc, le générique représente 43% du marché. Le pays est champion au niveau de la région MENA et même en Afrique, mais il peut mieux faire pour atteindre l’objectif de 50%», explique le chercheur.

De quoi donc faire des économies. Dans une récente étude sur les intérêts et les apports des médicaments génériques au Maroc, il s’est avéré que les gains économiques générés par les génériques aux patients et aux organismes gestionnaires de l’assurance maladie ont atteint en 2021 près de 3,77 milliards de DH (MMDH), avec un cumul de gains sur la période 2015-2021 de l’ordre de 22,69 MMDH.

Dorénavant, l’enjeu est de prévenir ces pénuries et de mettre en œuvre des processus pour les anticiper. Le ministère a appelé l’ensemble des professionnels de santé des secteurs public et privé à collaborer avec le comité consultatif pour la réussite de cette opération.

Lire aussi : Pénurie de médicaments : quid de l’instauration du droit de substitution ? 

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