Mendicité au Maroc : entre répression et réinsertion

Avatar de Ilyasse Rhamir
Temps de lecture :

Image dillustration. DR 3 e1732550306746Image d'illustration. DR Depositphotos

A
A
A
A
A

Phénomène omniprésent dans les villes marocaines, la mendicité soulève des questions complexes mêlant précarité, exploitation et réseaux organisés. Face à cette réalité, les autorités déploient une stratégie alliant répression et accompagnement social. Mais cette approche suffit-elle à endiguer un fléau aux multiples visages ?

La mendicité reste un phénomène omniprésent au Maroc, mêlant pauvreté, exploitation et déviances organisées. En 2023, le ministère de l’Intérieur a révélé des chiffres alarmants qui témoignent de l’ampleur du problème et de sa complexité croissante. Face à cette réalité, les autorités marocaines ont déployé une approche sécuritaire et sociale, visant à endiguer ce fléau tout en offrant des solutions aux plus vulnérables.

Une problématique aux multiples visages

Entre janvier et septembre 2023, 2.514 affaires liées à la mendicité ont été enregistrées, menant à l’arrestation de 2.557 individus, selon Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur. Parmi eux, 181 sont des étrangers, principalement issus d’Afrique subsaharienne, tandis que 518 mineurs figurent parmi les interpellés. Ces chiffres révèlent une facette complexe de la mendicité, allant bien au-delà des simples actes de survie individuelle.

Les autorités mettent également en lumière l’existence de réseaux organisés, exploitant souvent des enfants ou se livrant à une mendicité dite «professionnelle». Ce type de pratique, structuré et orchestré, transforme la mendicité en une activité illégale lucrative, aggravant la situation des victimes impliquées, notamment les mineurs.

Lire aussi : Mendicité : les propositions du CESE pour y remédier

Au-delà des cas d’exploitation, des actes déviants tels que des demandes agressives, des menaces ou même des violences sont rapportés. Ces comportements, qui ternissent davantage l’image des espaces publics, nécessitent une vigilance accrue de la part des forces de l’ordre.

Une réponse sécuritaire intégrée

Pour faire face à cette problématique, le Maroc a adopté une stratégie sécuritaire intégrée, mobilisant plusieurs corps des forces de l’ordre, notamment la police judiciaire, les services de sécurité publique, les renseignements généraux et les autorités locales. Cette coordination permet de cibler différents aspects du phénomène :

1. Mendicité organisée : Les réseaux exploitant des enfants ou des adultes vulnérables font l’objet d’enquêtes spécifiques.

2. Zones sensibles : Les autorités concentrent leurs efforts sur des lieux stratégiques comme les gares routières, les mosquées ou encore les sanctuaires religieux.

3. Périodes à risque : Pendant le mois de Ramadan ou les fêtes religieuses, où la mendicité connaît une recrudescence, des campagnes d’interventions renforcées sont mises en place.

Cette stratégie repose également sur des moyens techniques, tels que l’utilisation de caméras de surveillance et la mise en place de patrouilles régulières. Ces dispositifs permettent un suivi en temps réel des zones sensibles et facilitent les interventions rapides en cas de trouble à l’ordre public.

Une approche répressive et sociale

Bien que l’action sécuritaire soit au cœur de la lutte contre la mendicité, le ministère de l’Intérieur insiste sur la nécessité d’une double approche, mêlant répression et réintégration sociale.

Sur le plan répressif, les récidivistes et les membres de réseaux criminels sont traduits en justice, conformément aux dispositions du Code pénal. Cependant, pour les mineurs et certaines personnes en situation de grande précarité, une approche plus humaine est privilégiée. Les forces de l’ordre travaillent en collaboration avec le parquet et d’autres acteurs sociaux pour offrir des solutions adaptées, comme :

Lire aussi : Mendicité : l’exploitation des enfants continue

• La prise en charge des mineurs : Les enfants impliqués dans la mendicité sont orientés vers des structures d’accueil spécialisées.

• L’accompagnement des personnes vulnérables : Des mesures sont mises en place pour favoriser leur réinsertion sociale notamment par l’accès à des services d’aide sociale ou des programmes de formation.

Cette approche réformiste vise à traiter les causes profondes de la mendicité tout en répondant aux situations spécifiques rencontrées sur le terrain.

Enjeux et perspectives

La lutte contre la mendicité au Maroc ne se limite pas à une question d’ordre public. Elle soulève des défis sociaux majeurs, tels que la pauvreté, le chômage et l’absence de dispositifs efficaces de protection sociale. À Marrakech, par exemple, où la mendicité est particulièrement visible en raison de l’affluence touristique, les autorités cherchent à préserver l’attractivité de la ville tout en garantissant un cadre de vie sécurisé pour les habitants.

Cependant, cette approche globale nécessite une collaboration accrue entre les acteurs publics et privés, ainsi qu’une sensibilisation de la société civile. Des campagnes d’information sur les dangers de donner directement aux mendiants, notamment aux enfants, pourraient contribuer à réduire l’exploitation. Par ailleurs, des initiatives locales, telles que des programmes d’insertion professionnelle ou des centres d’accueil, pourraient renforcer les efforts des autorités.

Lire aussi : Ministère de l’Intérieur : les gouverneurs mobilisés contre la mendicité

La mendicité au Maroc, bien qu’étroitement liée aux problématiques économiques et sociales, dépasse souvent le cadre de la simple précarité. En combinant des mesures répressives et sociales, le gouvernement tente de répondre à un phénomène qui touche des milliers de personnes et qui influence directement la vie publique. Toutefois, pour garantir des résultats à long terme, il est impératif d’investir davantage dans des solutions préventives, notamment en matière de protection de l’enfance et d’inclusion sociale. Cette approche permettra non seulement de réduire la mendicité, mais aussi de renforcer la cohésion sociale et la sécurité publique au Maroc.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Lancement de la plateforme nationale de surveillance des décès maternels

Société - Découvrez la nouvelle plateforme pour le suivi des décès maternels, lancée par le ministère de la Santé à Rabat.

Mouna Aghlal - 20 novembre 2025
Le Procureur général du Roi communique sur les nouvelles dispositions du Code de procédure pénale

Politique - Le Procureur général du Roi présente des changements clés pour les parquets du Royaume. Découvrez les implications essentielles.

Mouna Aghlal - 20 novembre 2025
CNSS : lancement du contrôle de scolarité 2025-2026 pour les enfants bénéficiaires

Société - Les parents ou tuteurs doivent impérativement déposer un certificat de scolarité dans un délai d’un mois via le service en ligne « Taawidaty ».

Rédaction LeBrief - 20 novembre 2025
Vidéo virale d’un enfant agressé : le démenti de la DGSN

Société - La DGSN dément une vidéo montrant un enfant agressé, faussement attribuée à une école marocaine, et confirme qu’elle provient d’un pays asiatique.

Hajar Toufik - 20 novembre 2025
Affaire chlorure de potassium : carte de la transparence… ou diversion ?

Société - La tutelle plaide la pénurie de chlorure de potassium, l'opposition veut les détails de chaque appel d'offre octroyé par l'AMMPS.

Rédaction LeBrief - 20 novembre 2025
La coordination syndicale de la santé conditionne son retour au dialogue

Société - La coordination syndicale du secteur de la santé refuse toute rencontre avec le ministère tant qu’un calendrier précis n’est pas fixé pour valider les décrets liés à l’accord du 23 juillet 2025.

Ilyasse Rhamir - 19 novembre 2025
Voir plus
Manifestations de la « GenZ 212 » : 60 personnalités marocaines exhortent le Roi à engager des réformes profondes

Société - Soixante figures marocaines appellent le roi Mohammed VI à lancer des réformes profondes en phase avec les revendications de la jeunesse.

Hajar Toufik - 8 octobre 2025
Travaux : les Casablancais n’en peuvent plus !

Dossier - Des piétons qui traversent d’un trottoir à l’autre, des voitures qui zigzaguent… À croire que les Casablancais vivent dans un jeu vidéo, sans bouton pause.

Sabrina El Faiz - 12 avril 2025
Manifestations de la « GenZ 212 » : appel à boycotter les entreprises liées à Akhannouch

Société - Les manifestations de la « GenZ 212 », poursuivent leur mobilisation à travers un appel au boycott des entreprises liées à Aziz Akhannouch.

Ilyasse Rhamir - 7 octobre 2025
Mariages marocains : l’amour au prix fort

Société - Au Maroc, on peut rater son permis de conduire, son bac… Mais rater son mariage ? Inenvisageable !

Sabrina El Faiz - 23 août 2025
La classe moyenne marocaine existe-t-elle encore ?

Dossier - Au Maroc, pour définir le terme classe moyenne, nous parlons de revenus. Cela ne veut pourtant plus rien dire.

Sabrina El Faiz - 5 juillet 2025
Faux et usage de faux, la dangereuse fabrique de l’illusion

Dossier - Un faux témoignage peut envoyer un innocent en prison ou blanchir un coupable. Un faux diplôme casse la méritocratie. Un faux certificat peut éviter une sentence.

Sabrina El Faiz - 24 mai 2025
pub

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire