Maroc Telecom : un opérateur en perte de vitesse

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Ahizoune Yassine TOUMIAbdeslam Ahizoune, président du Directoire du Groupe Maroc Telecom © Yassine Toumi

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À la veille de l’annonce de ses résultats semestriels, l’opérateur historique Maroc Telecom a publié un bref communiqué annonçant avoir reçu le 22 juillet la décision du Comité de gestion de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). Cette dernière est relative à la liquidation de l’astreinte (2,45 milliards de DH) qui lui a été imposée dans le cadre de la décision du 17 janvier 2020 portant sur le dégroupage. Cette astreinte a pesé sur les résultats d’un opérateur en perte de vitesse.

Les résultats de l’opérateur historique pour le premier semestre 2022 ont été dévoilés ce mardi 26 juillet au lendemain de la publication d’un communiqué laconique par le groupe dirigé par Abdeslam Ahizoune. Depuis près d’un quart de siècle qu’il préside aux destinées de Maroc Telecom, Ahizoune a dû avoir des sueurs froides en recevant l’injonction de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). Le Comité de gestion de cette dernière est revenu à la charge concernant la liquidation de l’astreinte de 2,45 milliards de DH (MMDH) imposée à Maroc Telecom dans le cadre de la décision du 17 janvier 2020 portant sur le dégroupage. L’opérateur historique indique dans son communiqué que le montant a été intégralement provisionné dans les comptes au 30 juin 2022. Il est tout de même bizarre de provisionner ce montant sur des comptes arrêtés au 30 juin alors que la notification de l’ANRT n’a été reçue par Maroc Telecom que le 22 juillet. «Maroc Telecom dispose d’un délai de 30 jours pour former un recours devant la Cour d’appel de Rabat», conclut le communiqué.

Lire aussi : Maroc Telecom : un monopole déguisé

Une gestion d’un autre temps

Le big boss d’Ittissalat Al-Maghrib (IAM), deuxième plus grand opérateur télécom du continent africain, ne veut rien savoir sur l’obligation de partager les infrastructures (loi 24.96) avec les deux autres opérateurs. En sa qualité de président du Directoire du Groupe Maroc Telecom, Ahizoune se croyait tout permis, surtout, après l’éviction en 2016 d’un certain Azzeddine El Mountassir Billah, ex-directeur de l’ANRT et actuel président directeur général d’Inwi. Pour rappel, l’ANRT avait adressé un avertissement à IAM à cause de son refus de partager les infrastructures après une plainte de Médi Telecom (devenu Orange Maroc), une première dans l’histoire des télécoms au Maroc.

Mais les temps ont changé. C’est qu’il est inconcevable aujourd’hui de continuer à adopter des pratiques inhérentes à la situation de monopole des années 1990, d’autant plus que les autres opérateurs du secteur jouent le jeu. À titre d’exemple, Orange Maroc fait de la mutualisation une priorité. L’entreprise soutient que près de 50% de son réseau est partagé. Idem pour Wana Corporate (Inwi), qui avait porté plainte contre Maroc Telecom pour abus de position dominante et qui fait de la mutualisation avec Orange pour les travaux de génie civil pour l’accès au réseau d’infrastructure de cuivre. C’est que le partage est fondamental pour la réduction des coûts (redevances versées aux communes pour installer la fibre optique, loyers des antennes mobiles, etc). Il est à noter qu’une autre requête judiciaire de Wana Corporate contre Maroc Telecom concernant le dégroupage est en cours d’instruction au Tribunal de commerce de Rabat.

Lire aussi : Télécoms : comprendre les dessous de la nouvelle plainte d’Inwi contre Maroc Telecom

Des résultats semestriels trop justes

Il faut bien fouiller dans les documents publiés par Maroc Telecom pour trouver les chiffres les plus saillants. Des chiffres qui montrent que l’opérateur est en perte de vitesse et pas seulement à cause du montant de l’astreinte. Ainsi, le résultat opérationnel consolidé totalise 3,28 MMDH soit une baisse de 41% par rapport à l’année dernière. Si le provisionnement de l’astreinte de 2,45 MMDH n’avait pas été effectué, le résultat opérationnel aurait enregistré une hausse de 3% par rapport au premier semestre 2021. Même constat pour le résultat net qui dégringole à 894 millions de DH (MDH) au terme des six premiers mois de 2022, contre 3,2 MMDH durant le premier semestre 2021. Quant au chiffre d’affaires (CA) consolidé, le Groupe Maroc Telecom se targue d’avoir réalisé près de 17,57 MMDH à fin juin 2022, en baisse de 1,2%.
Les activités Mobile au Maroc ont continué de pâtir du contexte concurrentiel et réglementaire (-5%). Elles sont compensées en partie par la bonne tenue des activités à l’International (+1,6% à taux de change constant) et du Fixe au Maroc (+1,6%), explique le groupe dans un communiqué sur ses résultats semestriels. Les revenus de la Data Fixe ont continué de profiter de l’engouement pour la fibre, comblant ainsi le repli des activités de la Data Mobile. Par contre, le CA Mobile a reculé à 5,68 MMDH, conséquence d’une baisse des revenus des services sortants et entrants face à un environnement concurrentiel et règlementaire toujours peu favorable.

Merci aux 10 filiales africaines

Comme d’habitude, les activités du Groupe à l’international se sont améliorées de 0,4% sur les six premiers mois de l’année à plus de 8,55 MMDH (+1,6% à taux de change constant). «Les réalisations du Groupe Maroc Telecom au premier semestre de cette année sont portées par la bonne dynamique des activités des filiales Moov Africa et les efforts constants d’optimisation des coûts, malgré un contexte inflationniste et un environnement concurrentiel de plus en plus intenses», souligne Maroc Telecom. Hors Maroc, le parc Mobile de Maroc Telecom a atteint 51.101.000 clients, répartis sur le Burkina Faso (10.870.000), la Côte d’Ivoire (10.247.000), le Mali (9.157.000), le Tchad (5.394.000), le Bénin (5.367.000), le Niger (2.975.000), la Mauritanie (2.726.000), le Togo (2.666.000), le Gabon (1.484.000) et la Centrafrique (215.000).

Malgré l’amende historique de 3,3 MMDH infligée à Maroc Telecom en 2020 et la liquidation de l’astreinte qui a déséquilibré les résultats de l’opérateur historique pour le premier semestre 2022, il n’est pas certain qu’Ahizoune se conforme aux règles concurrentielles régissant le dégroupage. Peut-être faudra-t-il attendre la fin de son mandat à la tête d’IAM (mars 2023) pour voir le marché des télécoms fonctionner de manière normale et en toute transparence…

Lire aussi : Maroc Telcom : l’activité domestique toujours en recul

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