Les côtes atlantiques face aux chocs géopolitiques, criminels et climatiques
Lors d'un panel de discussion sur les défis géopolitique, climatiques et criminels organisé pour the Atlantic Dialogues, 12 décemebre 2025, Rabat © LeBrief
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De la mer Rouge au golfe de Guinée, en passant par la mer de Chine méridionale ou encore le détroit du Bosphore, les tensions se multiplient, menaçant la fluidité des échanges et la stabilité économique mondiale.
Les perturbations causées récemment par des attaques en mer, des conflits régionaux ou des actes de sabotage illustrent l’ampleur du danger. Les corridors ne sont plus de simples voies de passage : ils sont devenus des espaces contestés, où s’entrecroisent rivalités étatiques, pressions criminelles et effets du changement climatique.
Alerte sur un système international dépassé
Selon Erika Mouynes, ancienne ministre des affaires étrangères du Panama, les défis que connaissent aujourd’hui les routes maritimes sont les symptômes d’un mal plus profond : le système international ne fonctionne plus correctement. Alors que les infrastructures critiques, tels les canaux interocéaniques ou les câbles sous-marins, subissent des pressions sans précédent, les mécanismes multilatéraux semblent incapables d’y répondre.
La gouvernance maritime repose encore largement sur l’UNCLOS, adoptée il y a plus de quatre décennies, à une époque où les océans étaient appréhendés comme des espaces segmentés en zones territoriales et économiques.
Or, comme l’a rappelé l’un des intervenants, un navire reliant l’Asie à l’Europe traverse aujourd’hui des dizaines de juridictions, ce qui complexifie la gestion des risques et rend urgente une modernisation des cadres réglementaires.
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Par ailleurs, la révolution technologique a devancé les systèmes de gouvernance : bien que l’on sache localiser les navires en temps réel, il n’existe toujours pas de véritable capacité prédictive permettant d’anticiper congestion, risques sécuritaires ou impacts environnementaux.
L’impact climatique sur les infrastructures maritimes est devenu palpable. Le Panama, dont dépend une part substantielle du commerce mondial, illustre parfaitement cette fragilité. Des épisodes récents de sécheresse ont réduit le niveau des eaux du canal, perturbant la navigation et affectant les chaînes logistiques globales.
Pour Erika Mouynes, ces dérèglements rappellent que la durabilité environnementale et la sécurité économique sont indissociables. Les écosystèmes côtiers menacés et les tempêtes de plus en plus violentes aggravent les risques pour les communautés littorales et pour les corridors stratégiques.
Afrique : la stabilité comme impératif
Concernant ce point, Ahmed Reda Chami, ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne, a insisté sur la dimension stratégique de l’Atlantique pour son pays : 3.500 km de côtes, un détroit de Gibraltar parmi les plus fréquentés du monde, et un hinterland reliant plus de 70 pays via des ports africains en pleine expansion, comme celui de Tanzanie.
Pour lui, l’exemple tanzanien montre que compétitivité nationale et connectivité globale peuvent être renforcées grâce à des investissements ciblés, à la digitalisation et à la coopération internationale. Aucun pays ne peut agir seul, a-t-il rappelé : les corridors maritimes sont des « biens communs mondiaux » nécessitant coordination, partage d’information et respect des souverainetés.
Par ailleurs, en Égypte, Abla Abdel Latif, directrice exécutive du Centre égyptien d’études économiques, la pertinence du Canal de Suez dans la discussion est évidente, ce point de passage relie directement l’Asie à l’Europe et constitue l’un des nœuds vitaux de la mondialisation. Elle rappelle que l’Accord de Constantinople (1888) garantit un accès universel au canal, tout en respectant la souveraineté égyptienne, y compris après sa nationalisation en 1966.
Ce modèle d’équilibre entre ouverture internationale et contrôle souverain devrait inspirer la réflexion contemporaine sur la gouvernance des corridors maritimes. L’Égypte, par ses efforts nationaux, régionaux et internationaux pour sécuriser le canal, démontre l’importance d’une coordination à plusieurs niveaux pour préserver la stabilité des flux.
La montée des organisations criminelles
L’un des points les plus marquants de la discussion a été l’intervention d’Erika Mouynes sur l’expansion rapide des réseaux criminels transnationaux dans l’espace atlantique. Elle rapporte l’exemple saisissant d’une opération de narcotrafic où une cargaison de propane achetée 1.000 dollars pouvait être revendue 60.000 dollars, générant jusqu’à 230 millions de dollars pour une seule traversée.
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Ces profits colossaux expliquent la sophistication croissante de ces organisations, qui fonctionnent comme des franchises, coordonnent leurs territoires et exploitent l’absence de coopération entre États. Les trafiquants bénéficient davantage de l’intégration logistique transatlantique que les gouvernements eux-mêmes.
Pour Mouynes, il faut mettre fin à cette asymétrie en documentant précisément les pertes économiques liées au crime organisé et en mobilisant l’opinion publique et les gouvernements autour de l’urgence d’agir.
Les câbles sous-marins : une vulnérabilité majeure
Pour sa part, David Lidington, président du Royal United Services Institute (RUSI), a attiré l’attention sur un risque souvent sous-estimé : la fragilité des câbles sous-marins, qui assurent 95% du trafic internet mondial. Il rappelle qu’un glissement sous-marin survenu l’an dernier a paralysé des systèmes de paiement dans 16 pays africains durant plusieurs semaines, perturbant commerce, communications et sécurité économique.
Pour Lidington, une attaque coordonnée contre ces câbles pourrait causer des dommages comparables à ceux de la pandémie de Covid-19. Il plaide pour une coopération renforcée entre pays atlantiques, notamment pour les capacités de réparation, aujourd’hui limitées à environ 8 000 installations spécialisées.
Les échanges ont révélé une convergence claire : les défis actuels des corridors maritimes, instabilité géopolitique, criminalité transnationale, défaillances technologiques, risques climatiques, sont globaux et systémiques. Ils dépassent la capacité d’action individuelle des États.
À travers leurs analyses, il apparaît que l’Atlantique est devenu non seulement un espace de circulation, mais un espace de confrontation et de résilience où se joue une grande partie de l’avenir économique et politique mondial.
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