La zaouïa Boutchichia divisée après la mort de son guide

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La zaouïa Boutchichia divisée après la mort de son guideLes frères Mounir et Mouad Qadiri Boutchich © DR

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Depuis le décès du Cheikh Moulay Jamal Eddine, la zaouïa boutchichia est secouée par une lutte de succession entre ses deux fils. Les tensions ont conduit à l’annulation inédite des célébrations du Mawlid Annabawi. Les détails

Une guerre de communiqués secoue la zaouïa Boutchichia depuis le décès, le 8 août dernier, de son chef spirituel, le Cheikh Moulay Jamal Eddine Al Qadiri Boutchich. Considéré comme l’une des figures les plus influentes du soufisme marocain et héritier de son père, le défunt Cheikh Hamza, disparu en 2017, Jamal Eddine avait réussi à maintenir l’unité et le rayonnement international de cette confrérie.

Mais à peine quelques semaines après sa mort, la succession a fait éclater de profondes dissensions familiales et spirituelles qui menacent la cohésion de la tariqa qadiriya boutchichia. Si la famille du défunt s’est officiellement rangée derrière son fils aîné, Mounir Al Qadiri Boutchich, conformément au testament laissé par Jamal Eddine, une partie des disciples marocains de la confrérie penche, au contraire, pour le fils cadet, Mouad.

Lire aussi : Message de condoléances du Roi à la famille du Cheikh Jamal Eddine Al Qadiri Boutchich 

Zaouïa Boutchichia : un conflit fraternel autour de la succession spirituelle

Au lendemain des funérailles du Cheikh Jamal Eddine, la famille proche du défunt, sa veuve et ses deux fils, a adressé une missive officielle au roi Mohammed VI, en sa qualité d’Amir El Mouminine, pour lui demander de confirmer l’aîné, Cheikh Mounir, comme successeur. Cette lettre a également été signée par les filles de Cheikh Hamza, l’ancien guide décédé en 2017, ce qui témoigne d’une unanimité familiale autour du fils aîné. L’argument central avancé repose sur le respect du testament spirituel de Jamal Eddine, qui avait désigné Mounir comme héritier.

Mais cette unanimité familiale ne se reflète pas dans la base de la confrérie. De nombreux mourides marocains estiment que Mouad, le cadet, est plus légitime pour diriger la zaouia, notamment parce qu’il a toujours résidé à Medagh, contrairement à son frère aîné qui gérait surtout les disciples vivant à l’étranger. Les partisans de Mouad mettent également en avant la différence d’approche religieuse entre les deux frères : Mounir est perçu comme moderniste et ouvert aux dimensions internationales du soufisme, tandis que Mouad se réclame d’une fidélité plus stricte aux rituels traditionnels.

Ce clivage a nourri une multiplication de communiqués contradictoires diffusés sur les réseaux sociaux. Certains proclament Mounir comme nouveau guide légitime, d’autres reconnaissent Mouad comme seul héritier spirituel. Un enregistrement vocal attribué au cadet a même proposé une «troisième voie» : il se proclame chef spirituel de la zaouia tandis que son frère aîné serait chargé de l’administration et de la gestion matérielle de l’ordre. Cette idée a reçu l’appui d’un nouveau communiqué émanant d’un groupe se présentant comme les «Chourafa Boutchichis», appelant Mounir à se désister en faveur de son cadet.

Lire aussi : Errances ramadanesques : dans l’univers soufi

L’annulation inédite des célébrations du Mawlid Annabawi

Symbole des tensions croissantes, la zaouia a annoncé l’annulation des célébrations du Mawlid Annabawi. Pour la première fois depuis des décennies, la tariqa ne célèbrera pas cette fête religieuse majeure dans son siège central, se contentant d’événements organisés par ses branches régionales.

Officiellement, le communiqué évoque les «circonstances liées au décès du Cheikh Jamal Eddine» comme raison de cette annulation. Mais la véritable explication réside dans les tensions internes autour de la succession. En effet, les semaines qui ont suivi la disparition du Cheikh ont été marquées par des allers-retours de partisans, certains se ralliant au camp de Mouad après son retour à Medagh, d’autres restant fidèles à Mounir. Pour éviter que les célébrations religieuses ne se transforment en scène de confrontation ouverte entre les deux clans, les responsables ont préféré annuler purement et simplement l’événement.

Ce choix est d’autant plus symbolique qu’il intervient seulement quelques jours après l’annulation d’un autre rendez-vous majeur de la confrérie : le Forum mondial du soufisme, organisé chaque année à Berkane sous l’égide de Mounir Qadiri.

À Medagh, le climat reste donc tendu. Beaucoup de disciples craignent que la querelle fratricide ne fragilise durablement la voie, pourtant réputée pour son rayonnement international et son rôle dans la diffusion d’un soufisme prônant tolérance, spiritualité et ouverture. À suivre !

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