Élections en Turquie : Erdoğan, l’indétrônable

Avatar de Atika Ratim
Temps de lecture :

erdogan elections victoire

A
A
A
A
A

Le président Erdoğan a été réélu, sans grande surprise, dimanche 28 mai, à la tête de la Turquie. Ce pays en proie à une grave crise économique et au cœur de nombreuses tensions avec ses alliés, a choisi de porter une nouvelle fois le «Reis» au pouvoir, malgré l’union inédite de l’opposition. Après vingt ans, le chef de l’État, qui a surfé sur la vague nationaliste lors de sa campagne, laisse entendre que ce nouveau mandat sera son dernier.

Le président turc, au pouvoir depuis vingt ans, a remporté le second tour de l’élection présidentielle. La Commission électorale suprême turque a officiellement annoncé dimanche soir que le président sortant était le vainqueur du second tour avec 52,14% des voix.

Kemal Kiliçdaroglu, quant à lui, a amélioré son score du premier tour d’environ trois points, terminant la course à 48% selon les mêmes résultats. Lors du premier tour qui s’est tenu le 14 mai, le président sortant de 69 ans avait remporté 49,5% des voix, tandis que son adversaire social-démocrate obtenait 4,5 points de moins dans les suffrages. Le taux de participation dimanche s’est élevé à 85,6%, en baisse par rapport aux 87% du premier tour.

Lire aussi : Afrique-Turquie, l’héritage Erdogan !

Recep Tayyip Erdoğan, qui a surfé sur la vague nationaliste, l’a emporté, entamant ainsi un nouveau mandat et une troisième décennie au pouvoir, malgré l’union inédite de ses opposants. Kemal Kiliçdaroglu, le premier candidat à avoir rassemblé l’opposition derrière lui et forcé le président turc à disputer un second tour, s’est finalement incliné, anéantissant ainsi les espoirs de dizaines de millions de Turcs – du moins pour les cinq prochaines années. Il s’est dit «profondément attristé par les difficultés qui attendent le pays».

 

«Notre nation nous a confié la responsabilité de gouverner le pays pour les cinq prochaines années», a assuré Erdoğan depuis le toit d’un bus garé devant sa résidence à Istanbul pour revendiquer sa victoire. «Cette élection a montré que personne ne peut remettre en cause les acquis de cette nation», a-t-il ajouté. Des rassemblements spontanés se sont formés partout dans les villes où le «Reis» a triomphé, en particulier au cœur de l’Anatolie.

Une victoire «historique»

Dans la foulée, l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad, a été le premier dirigeant à féliciter le président turc. «Mon cher frère Recep Tayyip Erdoğan, je vous félicite pour votre victoire. Je vous souhaite plein de succès dans votre nouveau mandat – je forme le vœu de voir les relations solides entre nos deux pays se développer et se renforcer davantage», a déclaré l’émir du Qatar sur son compte Twitter. Sous Erdoğan, la Turquie a été l’un des premiers pays à aider le Qatar face au blocus imposé par ses voisins du Golfe en 2017.

Pour le premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif, qui a publié un long message sur Twitter, il s’agit d’une victoire «historique». «Il est l’un des rares dirigeants mondiaux dont la politique est ancrée dans le service public. Il est un pilier de force pour les musulmans opprimés et une voix ardente pour leurs droits inaliénables».

Du côté africain, le président de la Somalie, Mohamed Farmaajo, a été le premier dirigeant à féliciter Erdoğan. «C’est un véritable témoignage de votre grand leadership. Je me joins aux milliards de personnes dans le monde qui ont prié pour vous et pour le peuple turc pour ce succès», a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.

Le président russe Vladimir Poutine a également félicité le président, évoquant un «résultat logique» qui apporte la «preuve évidente» du soutien de la population à sa politique. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a quant à lui exprimé l’espoir d’un «renforcement» des liens entre Kiev et Istanbul.

En France, Emmanuel Macron a félicité le président sortant sur Twitter, estimant que «la France et la Turquie ont d’immenses défis à relever ensemble».

La voix du nationalisme

Pour remporter la victoire, Recep Tayyip Erdoğan n’avait besoin de rallier que 264.000 électeurs supplémentaires entre les deux tours, soit dix fois moins que son rival. Le chef de l’État a en partie séduit les électeurs turcs qui avaient voté au premier tour pour Sinan Ogan, un ultranationaliste arrivé troisième le 14 mai avec 5,2%, en axant sa campagne sur des thèmes nationalistes.

En face de lui, son principal rival a tenté l’impossible. Kemal Kiliçdaroglu, à la tête d’une coalition de six partis, a subi une défaite lors de ce second tour, malgré une campagne contraire à celle du président qui promettait le «retour du printemps» face aux attaques.

Pour courtiser les nationalistes, l’opposant a radicalement revu sa stratégie. Il a passé les quinze derniers jours à s’en prendre aux trois millions et demi de Syriens réfugiés dans le pays, les qualifiant de «machines à crime» et de «menaces» pour les femmes turques, promettant de les expulser «dans un délai maximum d’un an».

Lire aussi : Migrations, une source de développement à exploiter

Ni le désir de changement et d’ouverture d’une partie de l’électorat, ni l’inflation sévère qui mine la Turquie, ni les restrictions des libertés n’ont pesé face au désir de sécurité et de stabilité qui s’était déjà exprimé lors du premier tour du scrutin.

Lire aussi : En Turquie, un procès sans fin pour Pinar Selek, traquée depuis 1998

Même les conséquences du séisme survenu en février – qui a fait au moins 50.000 morts et 3 millions de déplacés dans onze provinces du sud du pays – n’ont pas eu d’impact.

Lire aussi : Risque de séisme, voici les bons gestes à adopter

Vingt années de règne ininterrompu

La lutte contre l’inflation, la reconstruction post-séisme, l’adhésion à l’OTAN, le rapprochement avec la Syrie… Le «Reis» se retrouvera désormais confronté à de nombreux dossiers épineux sur son bureau.

Lire aussi : Adhésion à l’OTAN, après l’autodafé d’un Coran, Stockholm dans l’impasse pour obtenir le feu vert d’Ankara

Et en octobre prochain, c’est un pays toujours dirigé par Recep Tayyip Erdoğan qui célèbrera le centenaire de sa République, fondée en 1923 par Mustafa Kemal Atatürk. En vingt ans de règne ininterrompu, le président turc actuel a profondément transformé son pays et son image sur la scène internationale.

Élections en Turquie : Erdoğan, l’indétrônable

La Turquie célèbre ses 100 ans cette année, à la veille de nouvelles élections législatives et présidentielle le 14 mai 2023. Ici, un travailleur déplace une grande bannière à l’effigie de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie, le 26 avril 2023. © Francisco Seco / AP

La Turquie est devenue un acteur régional incontournable, capable de provoquer des crises et d’en résoudre d’autres. Les Occidentaux devront donc continuer de compter avec ce partenaire imprévisible et sur cet homme, Recep Tayyip Erdoğan, qui laisse entendre que ce nouveau mandat sera son dernier. Sur le continent africain, l’influence de la Turquie s’est considérablement accrue au cours des vingt dernières années. Et avec cette réélection, le lien entre Ankara et le continent ne fera probablement que se renforcer.

Lire aussi : Le «syndrome» Erdogan

Depuis que Recep Tayyip Erdoğan est au pouvoir en Turquie, d’abord en tant que premier ministre puis en tant que président, il s’est de plus en plus intéressé à l’Afrique. Il y voit des opportunités économiques, militaires et diplomatiques.

Dernier articles
Les articles les plus lu
Israël rappelle 60.000 réservistes pour l’offensive sur Gaza

Monde - Israël a ordonné le rappel de 60.000 réservistes pour lancer l’assaut sur la ville de Gaza, malgré les médiations en faveur d’une trêve et la libération d’otages.

Ilyasse Rhamir - 20 août 2025
Israël valide un vaste projet de colonisation en Cisjordanie

Monde - Israël a approuvé la construction de 3.400 logements en Cisjordanie, dans la zone sensible de E1.

Ilyasse Rhamir - 20 août 2025
Guerre en Ukraine : l’OTAN débat des garanties de sécurité mercredi

Monde - Les chefs d’état-major de l’OTAN se réunissent pour discuter des garanties de sécurité à offrir à l’Ukraine dans la perspective d’un accord de paix.

Ilyasse Rhamir - 19 août 2025
Trump au Caucase : le coup de billard à trois bandes qui redessine l’échiquier eurasiatique

Tribune - La « pax Trump » sera jugée non sur la photo d’une signature, mais sur sa capacité à survivre aux réalités d’une région où chaque trêve contient en germe le conflit suivant.

Rédaction LeBrief - 19 août 2025
Chine-Inde : Pékin salue la « dynamique positive » du rapprochement avec New Delhi

Monde - Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a salué à New Delhi la « dynamique positive » des relations entre la Chine et l’Inde.

Mbaye Gueye - 19 août 2025
Air Canada : fin de la grève et reprise progressive des vols

Monde - Après plusieurs jours de grève, Air Canada a conclu un accord avec son personnel navigant.

Ilyasse Rhamir - 19 août 2025
Voir plus
Israël-Iran : et si ce n’était que le début ?

Monde - Les frappes israéliennes ont endommagé certaines infrastructures, mais elles n’ont pas neutralisé le programme nucléaire iranien.

Sabrina El Faiz - 14 juin 2025
La CPI et immunités d’État : le cas Netanyahu et les ambiguïtés du droit international. Interview

Monde - La France, le 27 novembre, qui a souligné pour la première fois l’immunité de Benjamin Netanyahu, en raison du statut d’Israël, non partie au Statut de Rome

Farah Nadifi - 28 novembre 2024
Fumée blanche : un pape élu

Monde - De la fumée blanche s'est échappée jeudi à 18H08 (17H08) de la chapelle Sixtine au Vatican, annonçant l'élection d'un nouveau pape pour succéder à François.

Sabrina El Faiz - 8 mai 2025
Le grand retour des BRICS

Monde - Le Sommet des BRICS est marquée par la guerre en Ukraine, et l’absence de Poutine, sous mandat d’arrêt international.

Rédaction LeBrief - 22 août 2023
Soudan : la « reine nubienne »

Les hausses de prix et les pénuries alimentaires ont provoqué des manifestations contre le gouvernement d'Omar al-Bashir en décembre 2018, mais les plus grandes manifestations…

Arnaud Blasquez - 11 avril 2019
Astronomie : le ciel de mai 2021

Apparition de Mercure au crépuscule, conjonction entre la Lune et Jupiter, puis entre la Lune et Mercure, éclipse dans le Pacifique... En compagnie des chroniqueurs…

Khansaa Bahra - 6 mai 2021

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire