CAP 2030 : comment la CDG veut devenir le moteur de la transformation économique et sociale du Maroc ?

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CAP 2030 : comment la CDG veut devenir le moteur de la transformation économique et sociale du Maroc ?Le siège de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) © DR

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Avec CAP 2030, la Caisse de dépôt et de gestion dévoile une stratégie qui dépasse la simple projection financière : le groupe veut sécuriser ses ressources, amplifier son rôle d’investisseur public et devenir l’un des piliers de la souveraineté économique du Maroc. Une feuille de route qui recompose ses priorités et rehausse son niveau d’ambition.

Le 4 décembre 2025, la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) a présenté aux médias les grandes lignes de CAP 2030, un plan stratégique enclenché depuis début 2024 et finalisé fin 2023.

Cette nouvelle vision, exposée par le directeur général Khalid Safir, marque un tournant : l’institution veut passer d’un rôle de gestionnaire prudent à celui d’investisseur structurant, capable d’accompagner les transformations territoriales, économiques et sociales du pays.

Les réformes menées ces dernières années ont pavé la voie à cette mutation, que le groupe projette désormais dans une logique de souveraineté, de durabilité et d’impact.

Une montée en puissance financière assumée

Avant de détailler les priorités sectorielles, la CDG inscrit CAP 2030 dans une trajectoire financière plus ambitieuse que jamais. Le groupe prévoit de mobiliser 47 milliards de dirhams en financements sous forme de dette à l’horizon 2030. En intégrant la CNRA et le RCAR, le volume atteint même 100 milliards de dirhams.

Cette impulsion s’inscrit dans la continuité d’une dynamique déjà enclenchée : le programme d’investissement consolidé du groupe s’élevait à 3.417 MDH en 2023, devrait atteindre 5.461,2 MDH en 2024, et prévoit 4,9 MMDH en 2025. L’objectif est de replacer la CDG parmi les investisseurs pivots du pays.

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Le capital-investissement constitue l’un des moteurs de cette montée en puissance. Le groupe prévoit d’engager 8 milliards de dirhams, pour un effet catalytique global pouvant atteindre 15 milliards, orientés vers l’industrie, les infrastructures, les transitions technologiques et les secteurs à fort impact. Une partie de ces fonds sera confiée à des équipes externes, en cohérence avec la dynamique impulsée par le Fonds Mohammed VI pour l’investissement.

À ces instruments s’ajoute une enveloppe d’investissements directs de 14 milliards de dirhams, que la CDG pilote en tant qu’opérateur. L’effet attendu, en intégrant ses partenaires publics et privés, est un levier global estimé entre 100 et 200 milliards de dirhams.

Sur le plan bilanciel, la CDG ambitionne une augmentation de 31% de ses dépôts, qui atteindraient 210 milliards de dirhams en 2030, ainsi qu’un doublement de ses fonds propres à 18 milliards de dirhams.

Sécuriser les ressources et renforcer le modèle historique

Si CAP 2030 projette l’institution vers de nouveaux champs d’action, il repose d’abord sur un socle fondamental : la préservation des ressources sous gestion. La CDG veut consolider son rôle de tiers de confiance, sécuriser les fonds qui lui sont confiés et accompagner les réformes nationales des retraites. L’amélioration des services destinés aux professions juridiques doit renforcer la fiabilité du modèle.

L’épargne populaire occupe également une place stratégique. Le groupe veut mobiliser davantage l’épargne nationale pour renforcer sa capacité d’investissement tout en facilitant l’accès aux services financiers.

Cette solidité interne constitue la condition indispensable pour déployer, dans un second temps, des interventions à forte valeur ajoutée économique et sociale.

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Réinventer les territoires : tech, industrie et urbanisme durable

Contrairement aux précédents plans, CAP 2030 donne une place centrale aux territoires. L’ambition est de créer des écosystèmes productifs et attractifs, capables d’attirer durablement l’investissement privé et de réduire les disparités régionales.

Plusieurs projets urbains demeurent structurants : Zenata, Casa Anfa, Hay Riad, Nassim. Ces zones sont pensées comme des moteurs de transformation, fondés sur un urbanisme intégré mêlant habitat, mobilité, services et activités économiques. La CDG veut en faire des laboratoires de durabilité et d’attractivité.

Le volet industriel constitue la seconde brique de cette stratégie territoriale. Dans des zones comme Aïn Cheggag ou Ahl Angad, l’institution défend un modèle excluant la spéculation foncière. Le foncier doit devenir un outil de production, adossé à des engagements fermes d’implantation et d’emploi.

La transformation technologique n’est pas en reste. Des projets comme Casablanca Tech Valley, Agadir Tech Valley et Dakhla Tech Valley visent à faire émerger de véritables hubs numériques nationaux capables d’attirer les géants mondiaux du digital et de générer des milliers d’emplois qualifiés.

Pour assurer la cohérence de ces projets, la CDG s’appuie sur son expertise interne en ingénierie territoriale, mobilisée auprès des collectivités pour planifier des infrastructures, optimiser la mobilité et intégrer la transition énergétique dans les politiques locales.

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Eau, énergie, alimentation, data : les nouveaux fronts de souveraineté

La véritable rupture de CAP 2030 réside dans les secteurs ciblés par la CDG, désormais érigés en piliers de souveraineté nationale.

L’eau vient en premier. Dans un contexte de stress hydrique aigu, la CDG prévoit de financer le dessalement, la réutilisation des eaux usées, la modernisation des réseaux et les solutions d’irrigation intelligente. L’objectif est de renforcer la résilience du pays face à la rareté croissante des ressources.

L’énergie constitue le second grand chantier. Le groupe veut intensifier son soutien aux projets d’énergies renouvelables (solaires, éoliennes, hydrauliques) tout en accompagnant la modernisation des réseaux de transport et les solutions d’énergie décentralisée. Une orientation qui répond à la fois aux impératifs climatiques et aux exigences de compétitivité industrielle.

La souveraineté alimentaire s’inscrit dans la même logique. L’institution veut intervenir sur toute la chaîne : biotechnologies, semences, stockage stratégique des céréales, logistique et transformation agro-industrielle. L’objectif est d’assurer l’approvisionnement, sécuriser la production nationale et soutenir des exportations à forte valeur ajoutée.

Enfin, la souveraineté numérique devient un axe majeur. La CDG souhaite soutenir la digitalisation des services publics et développer des infrastructures nationales de données, avec la création de data centers publics capables de garantir la sécurité des données stratégiques du pays.

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Un acteur attendu dans les infrastructures de la Coupe du Monde 2030

La CDG prévoit également de soutenir la préparation du Maroc à la Coupe du Monde 2030, avec des partenariats stratégiques destinés à renforcer les infrastructures, améliorer les services et accompagner les investissements liés à cet événement planétaire. Le groupe veut jouer un rôle de catalyseur dans la modernisation des routes, gares, pôles urbains et services numériques liés à l’accueil de millions de visiteurs.

Avec CAP 2030, la CDG entre dans une phase d’action plus offensive, articulée autour de trois priorités : sécuriser ses ressources, amplifier son impact et investir dans les souverainetés stratégiques du Maroc. L’ambition affichée, financière comme opérationnelle, place l’institution au centre de la transformation structurelle du pays. Une mutation qui pourrait redéfinir durablement son rôle pour la décennie à venir.

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